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Aharon Barak, pour qui la loi sur la « raisonnabilité » sape l’État de droit, refuse d’être cité

L'ancien président de la Cour suprême a publié une déclaration après que Netanyahu l'a cité comme un partisan de la refonte visant à réduire le contrôle judiciaire

L'ancien président de la Cour suprême israélienne, Aharon Barak à Jérusalem, le 8 décembre 2019. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
L'ancien président de la Cour suprême israélienne, Aharon Barak à Jérusalem, le 8 décembre 2019. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

L’ancien président de la Cour suprême, Aharon Barak, a déclaré dimanche qu’il s’opposait pleinement à tous les efforts visant à éliminer ou à minimiser la norme du « caractère raisonnable », comme la coalition a l’intention de le faire cette semaine à la Knesset.

Barak a réagi après que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a cité l’ancien haut magistrat en défendant la réforme judiciaire controversée de sa coalition radicale.

Dans un communiqué, Barak a déclaré que « le Premier ministre Benjamin Netanyahu me cite comme si j’étais d’accord ou que j’acceptais le projet de loi visant à éliminer ou à minimiser la norme de raisonnabilité ».

« Me citer pour justifier le projet de loi est indécent et incorrect », a déclaré Barak.

Précisant sa position sur le projet de loi, Barak s’est dit « convaincu que le projet de loi, s’il est approuvé par la Knesset, portera gravement atteinte aux valeurs fondamentales d’Israël en tant qu’État juif et démocratique, et menacera de saper l’État de droit, la bonne gouvernance, la moralité du régime et les droits fondamentaux de chaque personne en Israël ».

Dans un discours prononcé jeudi, Netanyahu a cité Barak, qui aurait déclaré en 2019 : « Je suis prêt à éliminer le critère du caractère raisonnable ; son heure est peut-être venue. »

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu prononce un discours depuis le Bureau du Premier ministre, à Jérusalem, le 20 juillet 2023. (Crédit : Amos Ben Gershom/GPO)

Barak s’est montré être un fervent opposant aux propositions de réforme de grande envergure et a soutenu les manifestations de masse qui s’y sont opposées, déclarant en janvier qu’il était prêt à se présenter devant un peloton d’exécution pour mettre un terme à ces mesures.

Bien qu’il soit considéré comme l’un des plus grands juristes d’Israël et comme le juge le plus influent du pays, Barak a fait l’objet de nombreuses critiques en raison de l’activisme dont il a fait preuve au cours de ses 28 années de magistrature à la Cour suprême, notamment pour son opinion majoritaire dans un arrêt rendu en 1995 par la Banque Mizrahi, qui conférait un statut constitutionnel aux Lois fondamentales du pays.

Barak a été à plusieurs reprises accusé par le ministre de la Justice, Yariv Levin, d’être l’instigateur de décennies d’interventions jugées insoutenables de la part de la Cour suprême, qui, selon le ministre, n’a cessé de prendre le pas sur les politiciens élus du pays, d’où la nécessité, selon lui, d’une réforme judiciaire visant à réduire radicalement son pouvoir.

En mai, des manifestants favorables à la refonte se sont rassemblés devant le domicile de Barak en réponse à ses commentaires antérieurs sur « l’impossibilité de trouver » un candidat marocain ou séfarade approprié pour siéger à la Haute Cour de justice. L’une des principales plaintes des partisans de la réforme judiciaire est ce qu’ils considèrent comme un manque de diversité au sein de la magistrature.

Des manifestants devant la maison de l’ancien président de la Cour suprême Aharon Barak, à Tel Aviv, le 4 mai 2023. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

Pour légitimer la législation débattue et soumise au vote de la Knesset cette semaine, Netanyahu et d’autres ministres importants du gouvernement ont également cité des éléments d’une conférence donnée il y a trois ans par le juge conservateur de la Cour suprême Noam Sohlberg, qui a ensuite été formulée dans un long essai dans lequel il expose ses préoccupations quant à l’utilisation par la Cour du principe du « caractère raisonnable » pour évaluer les décisions politiques prises par le gouvernement.

Toutefois, dans une rare déclaration publique la semaine dernière, Sohlberg s’est distancé par rapport à la législation, affirmant que lorsqu’il avait discuté de cette notion dans le passé, il ne voulait pas dire que de telles restrictions devraient être imposées par voie législative.

« Pour dire la vérité, je n’avais jamais pensé pendant cette conférence, il y a trois ans et demi, à un amendement par le biais d’une législation. J’avais songé à une réflexion qui pouvait se faire à travers un jugement rendu par la Cour », a indiqué Sohlberg dans une déclaration émise par le porte-parole du tribunal, en réponse à une demande du journal Israel Hayom.

Le juge de la Cour suprême Noam Sohlberg, qui préside les recours contre l’État concernant le campement palestinien illégal de Khan al-Ahmar en Cisjordanie, lors d’une audience de la Cour suprême, le 27 mars 2019. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Suite à la publication de cette déclaration, un communiqué émis au nom de Sohlberg a établi qu’il avait « répondu aux questions qui concernaient son article d’il y a trois ans et demi et il n’a adopté aucun positionnement concernant la législation actuelle ».

En un seul paragraphe de cinq lignes, le projet de loi modifie la Loi fondamentale : Le pouvoir judiciaire pour empêcher les tribunaux d’évaluer le « caractère raisonnable » des décisions administratives prises par le cabinet ou ses ministres.

Le « caractère raisonnable » est un critère établi par les tribunaux qui exercent un contrôle sur les décisions qu’ils considèrent comme imprudentes, contraires à l’éthique ou que partiellement étudiées. En vertu de la législation actuelle, ils pourraient continuer à utiliser ce critère pour les bureaucrates ou les mairies, mais pas pour les titulaires de fonctions plus élevées, tels que les ministres ou le Premier ministre.

Les partisans de ce projet de loi estiment qu’il n’est pas normal qu’un collège de juges non-élus exerce son jugement sur des questions discrétionnaires ou politiques qui sont souvent intégrées dans des décisions administratives. Ses détracteurs estiment, au contraire, que la suppression générale de ce contrôle réduira la nécessité pour le gouvernement de suivre des procédures appropriées lorsqu’il prend des décisions dès le départ. De plus, en supprimant la protection des nominations, elle peut ouvrir la voie à la suppression de l’indépendance des gardiens de la démocratie.

La mesure est présentée comme la première étape d’un changement plus substantiel du système judiciaire, les dirigeants de la coalition affirmant que la prochaine étape consistera à accroître l’influence politique sur la sélection des juges. Les dirigeants de la coalition cherchent également à doter la Knesset d’un mécanisme lui permettant de passer outre les invalidations de lois par les tribunaux, un pouvoir controversé que Netanyahu a récemment déclaré aux médias américains qu’il n’exercerait pas, avant de se heurter à une vive réaction de la part de ses partenaires politiques ultra-orthodoxes.

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