Manifestations pour et contre la réforme devant le domicile d’Aharon Barak
Une fête orientale a été organisée par les partisans de la réforme devant la maison de l'ancienne président de la Cour suprême rappelant qu'il n'a jamais nommé de séfarade à la Cour
Des centaines de manifestants pour et contre les plans de réforme judiciaire du gouvernement se sont rassemblés devant le domicile de l’ancien président de la Cour suprême Aharon Barak à Tel-Aviv jeudi soir, clôturant ainsi les rassemblements nationaux de masse qui ont eu lieu tout au long de la journée.
Beaucoup voient Barak comme la personnalité qui porte la plus grande part de responsabilité dans les changements judiciaires intervenus en Israël depuis 2005, changements que le gouvernement actuel souhaite annuler. Ces modifications ont fait de lui une figure polarisante dans le débat en cours.
Bien qu’il n’occupe plus de fonction officielle, il est considéré comme une référence pour les libéraux, contre laquelle de nombreux militants de droite favorables à la réforme se sont ralliés.
Il y a deux semaines, le quartier résidentiel de Barak a été le théâtre de manifestations en faveur de la réforme, au cours desquelles des manifestants ont proféré des insultes à l’encontre du magistrat, survivant de la Shoah âgé de 86 ans, et lui ont souhaité le pire en raison de sa vive opposition au projet de réforme du système judiciaire. Un jour après ces manifestations, des manifestants hostiles à la réforme se sont présentés devant le domicile de Barak pour lui témoigner leur soutien, à force de « merci » scandés au juge qui est sorti de chez lui pour les accueillir.
Jeudi, les partisans des propositions judiciaires du gouvernement ont organisé une ‘hafla, une fête orientale, devant le domicile de Barak, en réponse à ses commentaires sur le fait qu’il « n’avait pas réussi à trouver » un candidat marocain ou séfarade digne de siéger à la Haute Cour de justice.
« Si Barak est incapable de trouver un juge marocain, le Maroc viendra à lui », a déclaré dans un communiqué l’organisation de droite Im Tirtzu, qui a organisé la manifestation.
Les manifestants ont distribué aux passants des mufleta – des pâtisseries traditionnelles ressemblant à des crêpes, habituellement consommées à la Mimouna, une fête juive nord-africaine marquant la fin de la Pessah.
De l’autre côté de la rue, des manifestants antigouvernementaux, appartenant principalement au groupe de protestation des réservistes « Frères d’armes », sont venus manifester leur soutien à Barak.
Le groupe a également dressé une tour de guet de fortune de l’armée, taguée « Haredim pour l’avenir de Tsahal », en référence aux projets du gouvernement de relégiférer les projets de lois d’exemption invalidés en 2017 par la Cour suprême de justice. La législation exempterait tous les hommes ultra-orthodoxes du service militaire et national et est poussée par les alliés ultra-orthodoxes du Premier ministre Benjamin Netanyahu et de sa coalition, la plus à droite de l’Histoire d’Israël.
עם בקבוקי ערק ותרבושים: "חפלה" מול ביתו של אהרון ברק, מולם מפגינים מאות ממתנגדי המהפכה המשפטית
צילום: יוסי זליגר, TPS pic.twitter.com/6o7nQzeItQ
— החדשות – N12 (@N12News) May 4, 2023
Jusqu’au mois dernier, cette coalition a fait avancer à grande vitesse une proposition de loi visant à placer la plupart des nominations judiciaires sous le contrôle du gouvernement et à limiter les pouvoirs de contrôle de la Haute Cour de justice.
Les critiques affirment que cette réforme privera la Haute Cour de justice de mécanismes de contre-pouvoir essentiels face au parlement, ce qui érodera dangereusement le caractère démocratique d’Israël. Ses partisans affirment que la législation est nécessaire pour contrôler ce qu’ils considèrent comme un système judiciaire trop envahissant.
Barak s’est opposé avec force à ces propositions radicales et a soutenu les manifestations de masse contre celles-ci, déclarant en janvier qu’il était prêt à passer devant un peloton d’exécution pour mettre un terme à ces mesures. Il a déclaré le mois dernier que, selon lui, le gouvernement et l’opposition devaient parvenir à un consensus général sur la réforme du système judiciaire.
Le bureau du président Isaac Herzog a déclaré jeudi que le premier cycle de négociations sur la réforme du système judiciaire s’était achevé, à la suite d’une réunion entre des représentants de la coalition et des partis Yesh Atid et HaMahane HaMamlahti.
Les manifestations se sont déroulées sur fond de méfiance générale concernant les pourparlers de compromis en cours, lancés à la fin du mois dernier après l’interruption par le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la campagne législative de son gouvernement de ligne dure visant à remanier le système judiciaire.
Les manifestants contre la refonte ont organisé jeudi des actes de désobéissance civile, notamment le blocage d’autoroutes, dans le cadre de la dernière « journée de perturbation » contre les projets judiciaires du gouvernement et en faveur de l’égalité sur toute une série de questions sociétales.
La presse israélienne a rapporté cette semaine que Barak avait récemment rencontré le ministre des Affaires stratégiques, Ron Dermer, un confident de longue date de Netanyahu, pour discuter des projets du gouvernement.
Dermer représente Netanyahu dans les négociations de compromis avec l’opposition.
Selon les analystes et les commentateurs, il est peu probable que la coalition n’avance de texte de loi avant l’adoption du budget de l’État, ce que le bloc au pouvoir est tenu de faire d’ici le 29 mai, sous peine de se voir imposer des élections automatiques.