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AIPAC : Républicains et Démocrates divisés sur la notion d’antisémitisme

Cinq mois après la pire attaque anti-juive de l'histoire américaine, l'insistance au sujet des propos offensants tenus par une nouvelle élue démocrate a semblé en ébranler certains

Le leader de la minorité au Sénat Chuck Schumer, démocrate de New-York, lors de la conférence politique 2019 de l'AIPAC au centre de conférences de Wahington, le 25 mars 2019 (Crédit : AP Photo/Jose Luis Magana)
Le leader de la minorité au Sénat Chuck Schumer, démocrate de New-York, lors de la conférence politique 2019 de l'AIPAC au centre de conférences de Wahington, le 25 mars 2019 (Crédit : AP Photo/Jose Luis Magana)

WASHINGTON (JTA) — Le sénateur démocrate de New York Chuck Schumer a sans doute entendu un trop grand nombre de ses collègues républicains parler de l’antisémitisme à la gauche de l’échiquier politique – et il semble qu’il en ait eu assez.

« Cela sera toujours une mauvaise chose d’utiliser l’antisémitisme comme arme politique. Toujours », a déclaré le sénateur, rappelant aux 18 000 participants de la conférence de l’AIPAC tenue cette semaine qu’en tant que chef de la minorité au Sénat, il est le parlementaire juif le plus haut placé au sein du gouvernement. « Et je vais vous le dire : si vous ne vous vous inquiétez que de l’antisémitisme qui émane de vos opposants politiques, alors vous n’êtes pas pleinement engagé dans la lutte contre la haine anti-juive ».

Dans ce débat de plus en plus tendu en jeu dans ces discussions consacrées à ce que signifie réellement être pro-israélien, un conflit encore plus sensible émerge de cette division partisane : que veut dire en fin de compte être antisémite ?

Ce conflit est apparu lors de la conférence de l’AIPAC de cette année, où démocrates comme républicains ont décrié les manifestations d’antisémitisme et d’antisionisme – mais lors de laquelle les républicains ont à peine évoqué la question du suprématisme blanc et autres manifestations de haine antijuive venues de la droite de l’échiquier politique.

L’insistance au sujet de l’antisionisme a semblé cohérente dans le cadre de cette conférence pro-Israël, et en particulier parce qu’elle s’est tenue après une série d’attaques contre le lobby initiées par une nouvelle élue démocrate, la représentante du Minnesota Ilhan Omar. Ses propos autour de l’influence de l’AIPAC et de la puissance supposée du mouvement pro-israélien ont semblé rappeler un antisémitisme historique à un grand nombre de personnes.

La représentante Ilhan Omar, démocrate du Minnesota, à gauche, avec la présidente de la Chambre Nancy Pelosi, démocrate de Californie, aux abords du Capitole à Washington, le 8 mars 2019 (Crédit : AP /J. Scott Applewhite)

Omar a été interpellée nommément à l’AIPAC dans les discours du secrétaire d’Etat Mike Pompeo, du vice-président Mike Pence et du représentant démocrate du Maryland Steny Hoyer – et par Schumer — pour n’en citer que quelques-uns.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a abordé le sujet lors d’une vidéoconférence mardi, se référant au tweet d’Omar dans lequel elle affirmait que la politique israélienne envers l’Etat juif était une affaire « de Benjamins » — à savoir faussée par l’argent de l’AIPAC (Benjamin Franklin figure sur les billets de 100 dollars).

« Pour le Benjamin que je suis, ce n’est pas une histoire de Benjamin. Ce n’est pas parce qu’ils veulent notre argent, c’est parce qu’ils partagent nos valeurs », a dit Netanyahu. (Omar a riposté sur Twitter en se référant aux scandales de corruption qui touchent Netanyahu, disant que « et ça vient d’un homme qui risque des inculpations pour pots-de-vin et autres délits dans trois enquêtes de corruption publique distinctes. Next ! »)

Mais il a été flagrant que seulement cinq mois après le meurtre de 11 fidèles juifs présents dans le complexe de la synagogue Tree of Life de Pittsburgh par un suprémaciste blanc, c’est Omar qui a été dépeinte de manière répétée comme une figure de l’antisémitisme.

Et c’est devenu plus évident encore lorsque plusieurs intervenants républicains ont fait le lien entre Pittsburgh et la représentante du Congrès.

Une femme regarde les fleurs d’un mémorial aux abords de la synagogue Tree of Life de Pittsburgh, aux Etats-Unis, au lendemain d’une fusillade meurtrière, le 28 octobre 2018 (Crédit : Brendan SMIALOWSKI/AFP)

Pompeo a cité la fusillade de Pittsburgh comme exemple du fléau de l’antisémitisme mais n’a évoqué les causes de la haine antijuive presque exclusivement qu’en termes d’antisionisme et de haine anti-israélienne. Il n’a pas mentionné que le tireur présumé de Pittsburgh était un suprémaciste blanc, passé à l’action à la suite de calomnies antisémites selon lesquelles les Juifs organisaient « l’invasion » des Etats-Unis par les immigrés latino-américains.

« Ce fanatisme prend une nouvelle forme insidieuse sous couvert ‘d’antisionisme’, » a noté Pompeo lundi dans son allocution. « Il a infesté les campus universitaires sous la forme du mouvement BDS (Boycott, Divest and Sanctions). Nos médias en parlent. Certains membres du Congrès le soutiennent – qui, je présume, ne sont pas présents ici ce soir. »

Il faisait ici référence à Omar et à une autre nouvelle élue démocrate, Rashida Tlaib du Michigan, soutien du BDS.

« L’antisionisme nie la légitimité en soi de l’Etat israélien et du peuple juif. Alors, mes amis, laissez-moi le dire publiquement : l’antisionisme est de l’antisémitisme », a-t-il clamé sous les applaudissements. « L’administration Trump s’y oppose sans équivoque, et nous le combattrons sans relâche ».

Pompeo n’a pas seulement fait allusion à l’antisémitisme d’extrême droite.

Le représentant républicain de la Californie Kevin McCarthy, leader de la minorité, a pour sa part fait le lien de manière plus directe.

« Nous avons vu l’horreur de ce qui s’est déroulé à Pittsburgh au mois d’octobre », a-t-il déclaré lundi, enchaînant : « j’ai entendu des choses dans les couloirs du Congrès et je veux que vous sachiez que nous n’avons pas gardé le silence », une référence possible à Omar.

Pence n’a pas évoqué Pittsburgh, se contentant de parler des manifestations de l’antisémitisme de gauche : dans les universités, dans le mouvement de boycott d’Israël et dans le cas d’Omar.

Le président Donald Trump et le vice-président Mike Pence, accueillent le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à la Maison Blanche, à Washington, le 25 mars 2019 (Crédit : AP Photo/Susan Walsh)

« Dans le monde entier, l’antisémitisme ne cesse de croître – sur les campus des universités, dans les commerces et même dans les couloirs du Congrès », a-t-il dit lundi matin.

Schumer a, quant à lui, été fortement applaudi par les militants réunis à l’AIPAC non seulement pour avoir interpellé directement Omar dans son allocution – ce qu’il a fait de manière répétée – mais également pour avoir noté la façon dont McCarthy lui-même et le président Donald Trump ont été accusés d’avoir permis l’antisémitisme.

« Quand quelqu’un donne les noms de quelques Juifs éminents en disant qu’ils tentent d’acheter ou de voler nos élections, nous devons le dénoncer », a dit Schumer.

McCarthy, l’année dernière, avait écrit sur Twitter un message accusant trois milliardaires d’origine juive d’acheter les élections de la mi-mandat. Il avait toutefois insisté sur le fait que son post n’était pas antisémite. Il l’avait finalement supprimé.

« Quand quelqu’un évoque un rassemblement néo-nazi et qu’il dit que des gens très bien y ont pris part, nous devons le dénoncer », a continué Schumer, en référence aux propos controversés de Trump après un défilé néo-nazi meurtrier organisé en 2017 à Charlottesville, en Virginie. Netanyahu a aussi rappelé dans son discours l’épisode de Charlottesville.

Des centaines de suprématistes, de néonazis et de membres de l’extrême-droite américaine à Charlottesville, en Virginie, le 12 août 2017. (Crédit : Chip Somodevilla/Getty Images/AFP)

Schumer a également noté que le tueur de Pittsburgh était un suprémaciste blanc.

Les participants ont également acclamé le sénateur démocrate du New Jersey Robert Menendez, qui, mardi matin, a parlé de la haine anti-juive à droite comme à gauche.

« Ayant passé plus d’un quart de siècle à prôner une relation forte entre les Etats-Unis et l’Etat juif, il m’est impossible de me taire lorsqu’il est dit que le Parti démocrate tout entier haït les Juifs – et ce, alors que ce dont nous avons véritablement besoin est d’une autorité qui sache unir la nation et le monde contre l’ascension de l’antisémitisme, de la haine et de la suprématie blanche dans le monde entier », a expliqué Menendez.

« Ainsi, c’est vrai : lorsque vous laissez entendre que l’argent est le seul moteur d’une relation forte entre Israël et les Etats-Unis, vous attisez cet incendie. Et c’est la même chose lorsque vous accusez les Juifs de financer des caravanes entières de demandeurs d’asile sur nos frontières sud ou lorsque vous ne dénoncez et ne condamnez pas l’essor du suprémacisme blanc ici et à l’étranger : vous attisez cet incendie ».

Trump avait accusé le philanthrope libéral George Soros d’avoir financé la caravane de migrants – un narratif sans fondement et mensonger qui avait été repris par le tueur présumé de Pittsburgh.

Pour sa part, l’AIPAC a ouvert la conférence par la bénédiction donnée par un rabbin qui avait grandi au sein de la congrégation Tree of Life et par un chœur de la banlieue de Pittsburgh qui a interprété l’hymne américain.

David Kaufman, rabbin du mouvement réformé de Des Moines dans l’Iowa, a déclaré qu’il souhaitait entendre chacune des deux parties prendre sa part de responsabilité dans l’ascension de la haine antijuive.

« Je pense que nous en sommes encore surtout au stade où chacun accuse les défaillances de l’autre en termes de haine anti-juive, sans faire nécessairement son propre examen de conscience », a noté Kaufman, qui a assisté à la conférence.

« Voyez : je ne suis pas un obsédé par la politisation de l’#antisémitisme, » a pour sa part écrit sur Twitter Jeremy Burton, directeur exécutif du Conseil juif des relations communautaires du grand Boston. « Mais au cours des deux derniers jours, nous avons entendu à l’ #AIPAC2019 de nombreux Démocrates dénoncer la gauche BDS/antisioniste/antisémite. Cela aurait été bien qu’un seul intervenant républicain à la tribune nomme le suprémacisme blanc/l’antisémitisme de droite pour ce qu’il est. »

Pour sa part, Omar a semblé prête à passer à autre chose.

« Ça a été intéressant de voir une conférence si puissante exprimer tant de crainte face à une toute nouvelle membre du Congrès », a-t-elle commenté auprès du New York Times. « J’espère qu’ils trouveront un moyen de ne plus me garder en résidence permanente dans leurs esprits. »

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