Airbnb, accusé de la crise du logement à Tel Aviv
Comme dans d'autres villes, la plateforme de location et de réservation de logements entre particuliers est accusée d’accentuer la crise du logement dans la ville blanche
Comme à Paris, New York, Dublin ou encore Hong Kong, Airbnb, plateforme de location et de réservation de logements entre particuliers, est accusé d’accentuer la crise du logement à Tel Aviv.
Dans un reportage intitulé « Tel-Aviv miné par la vague Airbnb », le quotidien québécois La Presse a alerté concernant ces « milliers de locataires [israéliens] qui peinent à se loger » à long terme dans la ville et rencontré ces propriétaires d’hôtels « qui dénoncent une ‘concurrence déloyale’ » face à Airbnb.
« L’absence de réglementation entourant Airbnb à Tel-Aviv est en train de faire tourner au vinaigre un mariage qui avait pourtant bien commencé », écrit Dominique Talbot.
Alors que le nombre de logements en location à court terme a explosé dans la ville, il est devenu de plus en plus difficile de trouver un appartement à louer à long terme dans certains quartiers de la ville, notamment dans le Kerem Hateimanim.
Dans ce quartier yéménite, qui attire de nombreux touristes, 16 % des appartements se trouveraient désormais sur Airbnb, selon une étude de la section israélienne du collectif international Yes In My Backyard.
« Au cours des trois dernières années, plus de la moitié des nouveaux appartements construits à Tel Aviv ont été placés directement pour la location à court terme. Près de 1 200 sur les 2 000 qui sont construits chaque année », explique Maayan Nesher, économiste qui a mené l’étude, interrogée par La Presse.
Selon elle et les données du site AirDNA, 2,4 % des 205 500 appartements de Tel Aviv sont loués exclusivement sur Airbnb – soit « plus que New York, Barcelone et Berlin… réunis ». Au total, on trouverait 10 000 appartements de Tel Aviv sur la plateforme.
« Pourquoi nous retrouvons-nous au sommet parmi les villes du monde ? Simplement en raison de l’absence de réglementation. Il y a des règles à suivre à Paris, Berlin, Amsterdam, Barcelone, etc. Rien à Tel Aviv. Rien », explique-t-elle.
Un phénomène en lien direct avec l’essor touristique de la ville, qui a logiquement conduit à une accentuation de la demande de logements touristiques. Les prix des loyers pour les habitants de la ville ont par conséquent augmenté.
En juillet, un groupe de citoyens a ainsi déposé une requête devant une cour municipale afin d’exiger des permis pour les hôtes qui louent leur appartement exclusivement sur Airbnb. Selon les plaignants, la qualité de vie dans leur quartier aurait été touchée en raison de l’afflux de touristes.
« Pour plusieurs, c’est devenu un enfer. C’est un peu comme si votre immeuble devenait une gare d’autobus. Ils vivent des problèmes avec les fêtes qui sont organisées, l’alcool, la drogue, les déchets, le va-et-vient, etc », explique Merav Tabib, avocate.
Si le conseil municipal a voté en faveur d’une législation qui vise à doubler les taxes municipales des propriétaires qui offrent leur logement en location à court terme, la mesure doit encore recevoir l’aval du ministère de l’Intérieur pour être adoptée.
Selon Etan Schwartz, directeur général de Tel Aviv Global, organisme paramunicipal de développement économique et touristique, le prochain gouvernement élu doit légiférer sur la question.
« À cet égard, nous avons déjà proposé un plan dans lequel nous proposons de permettre la location d’appartement sur la plateforme, mais pour un maximum de 90 jours par année. Au-delà de cette limite, la location serait déclarée illégale », explique-t-il. Le responsable demande également aux autorités fiscales israéliennes d’exercer un meilleur contrôle des revenus tirés d’Airbnb par les propriétaires de logements.
Selon Merav Tabib, la mise en place de mesures est urgente : « [Airbnb] dénature les quartiers de Tel Aviv, où de nombreux habitants doivent partir parce qu’il n’y a plus d’appartements à louer, et ce sont les touristes qui prennent leur place. À long-terme, c’est le cœur et l’âme de Tel Aviv qui sont en danger », conclut-elle.
Un phénomène contre lequel s’alertent également les responsables hôteliers, qui gèrent 8 700 chambres d’hôtel dans la ville.
« Airbnb opère dans un cadre réglementaire inexistant. Si vous voulez construire un hôtel en Israël, ça prendra à peu près sept ans. Avec tous les permis nécessaires. Une fois que vous ouvrez finalement vos portes, vous voyez que l’immeuble de l’autre côté de la rue fait la même chose que vous, sans permis, sans se soucier du zonage, sans payer de taxes. Aucune réglementation », dénonce Eli Ziv, directeur général de l’Association des hôteliers de Tel Aviv.
Le responsable appelle lui aussi la municipalité à agir rapidement face à cette concurrence jugée déloyale – qui leur permet toujours de remplir leurs hôtels, mais qui « freine une partie de leurs plans d’expansion et rend leur avenir un peu plus incertain ».