Alain Finkielkraut injurié par les gilets jaunes, le parquet ouvre une enquête
Injurié de "sale juif", de "sioniste de merde", Alain Finkielkraut a vu le parquet ouvrir une enquête pour injure publique en raison de la religion

Le parquet de Paris a annoncé dimanche 17 février avoir ouvert une enquête sur les injures antisémites adressées samedi au philosophe et académicien Alain Finkielkraut en marge d’une manifestation de « gilets jaunes », alors que l’intéressé a dit qu’il ne porterait pas plainte, se disant « ni victime ni héros ».
Cette enquête préliminaire a été ouverte pour « injure publique en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion, par parole, écrit, image ou moyen de communication électronique », a précisé le parquet. Les investigations sont confiées à la BRDP (Brigade de répression de la délinquance à la personne).
« Barre-toi, sale sioniste de merde », « grosse merde sioniste », « nous sommes le peuple », « la France, elle est à nous », avaient notamment crié plusieurs manifestants face au philosophe, poussant des policiers à s’interposer pour le protéger, selon plusieurs vidéos diffusées samedi.
« Parce que la France ne leur appartient pas, qu’elle n’est pas cette haine, une enquête a été ouverte. Un suspect, reconnu comme le principal auteur des injures, a été identifié par nos services », a indiqué le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner dans un tweet.
Les injures antisémites dont il a fait l’objet sont la négation absolue de ce que nous sommes et de ce qui fait de nous une grande nation. Nous ne les tolèrerons pas.https://t.co/WSUTuJmQWX
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) February 16, 2019
« J’ai été en effet pris à partie de manière très violente par des manifestants », et « je dois dire qu’ils avaient vraiment envie d’en découdre parce que si des policiers ne s’étaient pas interposés (…), je pense que certains d’entre eux voulaient me casser la gueule. C’était une violence, malgré tout, pogromiste », a raconté l’académicien dimanche matin sur LCI.
« Je n’ai pas vraiment eu le temps d’avoir peur » et « je ne suis ni une victime ni un héros », a précisé l’intéressé, ajoutant qu’il ne voulait pas porter plainte, comme il l’a également déclaré dans un entretien au Parisien.
« J’ai envie qu’on sache qui sont ces gens, ça, ça m’intéresse. Mais je n’aime pas rentrer dans ce genre de processus, peut-être je l’aurais fait si on m’avait cassé la gueule », a-t-il confié sur LCI. En outre, il a affirmé ne pas avoir entendu « sale juif » parmi les insultes qui lui ont été lancées.
M. Finkielkraut a par ailleurs justifié l’évolution de sa position à propos des « gilets jaunes », mouvement qu’il avait accueilli avec bienveillance, avant de critiquer ce qu’il est devenu.
« Je ne renie absolument pas les positions que j’ai prises. Je ne soutiens plus les manifestations, ça devient grotesque, c’est un mouvement qui ne sait plus s’arrêter. Mais il y a eu un sursaut de dignité chez des gens qu’on avait oubliés et même méprisés (…) et qui réclamaient de vivre dignement de leur travail », a-t-il expliqué.
« C’est un peu comme le Golem (créature mythique de l’histoire du judaïsme, ndlr), ces manifestations : il avance en dévastant tout », a-t-il conclu, se demandant si « nous ne sommes pas condamnés à avoir, 5 ans, 10 ans ou 15 ans de manifestations hebdomadaires ».
Ces injures antisémites interviennent dans un cadre particulier : celui de l’annonce par le ministère de l’Intérieur de la flambée des actes et paroles antisémites : +78 % d’augmentation entre 2017 et 2018.
L’avocat Jean-Pierre Mignard, proche d’Emmanuel Macron, a tweeté : « On s’émeut sur les plateaux (…) mais il n’a pas été heureusement frappé, ce qui aurait tout changé. Là, il doit être content. Il le cherchait. On l’avait oublié. C’est réparé ».
Interrogé dans la soirée sur BFMTV, Alain Finkielkraut, a dit ne pas être certain de se rendre à la manifestation de mardi. « Si on nous refait le coup du retour des années 30, alors non je n’en suis pas », a-t-il dit, refusant tout parallèle entre la situation actuelle et « l’antisémitisme de Vichy » et soulignant que Marine Le Pen avait immédiatement condamné les injures à son encontre.
L’Union juive française pour la paix a elle aussi estimé que le gouvernement avait « choisi d’instrumentaliser ces actes contre les ‘gilets jaunes' », exigeant des « réponses sociales et démocratiques » au mouvement.
L’agression du philosophe et les images de policiers visés par des projectiles pourraient entacher le mouvement des « gilets jaunes ». Une majorité de Français (52 %, +15 points) estime désormais qu’ils doivent cesser « leurs actions », selon un sondage Ifop publié par le JDD.