Allemagne : Le gouvernement interdit un magazine d’extrême droite
Le média, qui édite aussi des vidéos, "incite de manière inqualifiable à la haine contre les personnes juives et contre les personnes issues de l'immigration", a notamment justifié la ministre de l'Intérieur

Les autorités allemandes ont interdit mardi un magazine proche de l’ultra-droite et pro-russe, COMPACT, qu’elles accusent d’attiser la « haine contre les personnes juives et les personnes issues de l’immigration », s’attirant les foudres du Kremlin.
« Il s’agit d’un porte-voix central des milieux d’extrême droite » en Allemagne, a déclaré la ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser, dans un communiqué.
Des « perquisitions » ont été réalisées dans les locaux de ce magazine mensuel, fondé en 2010 et qui revendique 40 000 ventes chaque mois, situés dans les États du Brandebourg (est), de Hesse (ouest), de Saxe (est) et de Saxe-Anhalt (est).
Du matériel informatique, de l’argent liquide, de l’or, des véhicules et d’autres biens ont été saisis par la police dans quatorze lieux différents.
Ce média, qui édite également des vidéos, « incite de manière inqualifiable à la haine contre les personnes juives et contre les personnes issues de l’immigration », a notamment justifié la ministre.
« Interdire un organe de presse, c’est nier la diversité des opinions », ont fustigé les co-présidents du parti d’extrême droite AfD, Alice Weidel et Tino Chrupalla, sur le réseau social X, regrettant « un coup dur porté à la liberté de la presse ».
Le soutien à l’AfD et à la Russie est flagrant dans les articles du magazine, dont le rédacteur en chef Jürgen Elsässer, revendique une ligne « patriote » et « souverainiste », anti-OTAN et anti-immigration.
Quelques jours avant l’interdiction, la chaîne YouTube du magazine publiait une longue interview de la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova.
« Aujourd’hui, la censure en Allemagne est comparable à celle de l’époque de [Joseph] Goebbels », a réagi cette dernière mardi auprès de l’agence de presse d‘État russe Tass.

Le magazine, qui peut faire appel de cette décision devant la justice administrative, vend également des médailles à l’effigie de l’ancien président américain Donald Trump et de Bjorn Höcke, un dirigeant de l’AfD condamné deux fois pour avoir utilisé un slogan nazi.
La législation allemande autorise le ministère de l’Intérieur à bannir des associations, y compris des médias, si leur action est jugée contraire aux principes fondamentaux de la Constitution.
La société qui détient COMPACT avait déjà été classée en 2021 par les services de renseignements intérieurs comme « extrémiste, nationaliste et hostile aux minorités ».
« L’interdiction montre que nous agissons également contre les incendiaires intellectuels qui attisent un climat de haine et de violence à l’égard des personnes en fuite et des migrants et qui veulent venir à bout de notre État démocratique », a commenté la ministre Nancy Faeser dans le communiqué.
Saluant l’interdiction, le parti de gauche radicale Die Linke appelle désormais à sanctionner l’AfD.
« Les liens entre le réseau médiatique néonazi et l’AfD sont plus qu’évidents », a déclaré à l’AFP une responsable du parti Katina Schubert.
L’extrême droite a connu une poussée ces dernières années dans le pays. L’AfD a atteint le plus haut score de son histoire au scrutin européen avec 15,9 %, en deuxième position derrière les conservateurs de la CDU/CSU.