Allemagne : Manifestation après un jet de cocktail Molotov sur une synagogue
L'attentat d'Oldenburg, que le maire qualifie de « tentative de meurtre, de terrorisme », n'a pas fait de victime mais les actes antisémites augmentent dans le pays
JTA – Juifs et non-Juifs d’Allemagne se sont rassemblés en soutien à la communauté juive d’Oldenbourg après une tentative d’incendie criminel contre la synagogue, vendredi.
Des centaines d’habitants ont organisé dimanche une manifestation de solidarité avec la communauté juive. La participation aurait, selon des estimations, été de 700 personnes, soit deux fois plus que la population juive de cette ville de quelque 170 000 habitants du nord-ouest de l’Allemagne.
Lors de l’incident, qui a eu lieu vendredi à la mi-journée, un cocktail Molotov a été lancé contre la porte de la synagogue, qui a été endommagée, sans faire de blessés. Selon un article de l’hebdomadaire juif Juedische Allgemeine, ce sont deux gardiens d’un centre culturel voisin qui se sont aperçus de ce qui se passait et qui ont éteint les flammes.
Les services de police de la sûreté de l’État de Basse-Saxe mènent l’enquête sur l’attaque, que le maire d’Oldenbourg, Jürgen Krogmann, a qualifié de
« tentative de meurtre, de terrorisme », comme le rapporte l’agence de presse Deutsche Welle. Des mesures auraient été prises pour renforcer les conditions de sécurité sur place.
La police allemande offre 5 000 euros de récompense pour des informations et a lancé un appel à témoins, pour inviter les citoyens à soumettre d’éventuels témoignages par le biais d’un portail en ligne.
« L’acte odieux de vendredi dernier a suscité la perplexité dans tout le pays, mais aussi une grande solidarité avec la communauté juive », déclare le chef de la police d’Oldenbourg, Andreas Sagehorn, dans un communiqué. « Nous comptons maintenant sur la coopération du public pour nous aider à résoudre l’affaire. »
« Chaque indice compte », affirme Sagehorn. « Chacun d’entre nous peut faire la différence. »
Josef Schuster, chef du Conseil central des Juifs d’Allemagne, a déclaré, par voie de communiqué que « tout plaide en faveur d’un mobile antisémite ».
Selon Schuster, le soutien des voisins « nous fait du bien », tout comme
« l’action rapide des services de sécurité », ajoutant « Nous ne nous laisserons pas abattre. »
It is truly heartwarming to see such a powerful display of solidarity and friendship with Oldenburg's Jewish community ❤
Hundreds took to the streets following an attack on a local synagogue earlier this week, standing united against the scourge of antisemitism. pic.twitter.com/FkwBh9YG0E
— European Jewish Congress (@eurojewcong) April 8, 2024
Dans un communiqué publié mercredi, la Conférence rabbinique générale d’Allemagne – dont les membres représentent principalement des congrégations non orthodoxes – s’est dite choquée par « cette dernière attaque en date contre une synagogue et donc contre le judaïsme en Allemagne ».
Elle s’est réjouie de la réaction locale et a appelé à la solidarité avec la rabbin d’Oldenbourg, Alina Treiger, ordonnée en 2010, première femme à l’être en Allemagne depuis Regina Jonas, en 1935.
La présidente de la communauté juive d’Oldenburg, Claire Schaub-Moore, a déclaré au journal berlinois Tageszeitung avoir reçu « un grand nombre d’encouragements et de témoignages de solidarité, bien au-delà des formules convenues ».
Michael Fürst, président de l’Association d’État des communautés juives de Basse-Saxe, a lui déclaré à la Deutsche Welle que les gens étaient anxieux : « Il n’y a qu’un pas entre un jet de cocktail Molotov sur une institution juive et le tir sur des fidèles juifs lors d’un service religieux. »
Le jour de Yom Kippour, en octobre 2019, un extrémiste de droite avait, sans succès, tenté de pénétrer dans la synagogue de Halle, à grand renfort de coups de feu. Il avait malgré tout abattu deux personnes qui se trouvaient à proximité. L’agresseur a été arrêté, jugé et condamné à la prison à vie en 2020. La libération conditionnelle serait théoriquement possible après 15 ans, mais sa peine est assortie d’une disposition imposant la détention préventive après cette période.
D’autres incidents ont été signalés dans des synagogues d’Allemagne ces dernières années, comme la fusillade au domicile d’un rabbin à côté d’une synagogue à Essen en 2022 ou le jet de cocktails Molotov à Berlin en octobre dernier. Dans les deux cas, aucun blessé n’est à déplorer. Les autorités allemandes ont conclu qu’un membre du Corps des gardiens de la révolution iranienne avait orchestré la fusillade d’Essen.
Les incidents antisémites ont enregistré une recrudescence depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre contre Israël, qui a coûté la vie à près de 1 200 personnes, essentiellement des civils, et fait 253 otages, sans compter la campagne militaire israélienne à Gaza. Selon le RIAS de Berlin, Centre de recherche et d’information sur l’antisémitisme, 994 incidents ont été enregistrés en octobre – agressions physiques, menaces, graffitis et insultes antisémites du type : « Il devrait y avoir 1 million de victimes israéliennes » ou, comme l’a crié quelqu’un au passage d’une manifestation pro-israélienne : « Nous allons tous vous massacrer ! Tous ! »
Ce week-end, un grand journal allemand a publié la liste des incidents survenus jusqu’à la fin mars, afin de brosser un tableau de la situation à laquelle les Juifs allemands se trouvent exposés. Leurs auteurs sont rarement arrêtés.
Par ailleurs, le pays, dont le gouvernement est pro-Israël, a été le théâtre d’importantes manifestations contre l’antisémitisme, à commencer par le grand rassemblement de Berlin en décembre et, en janvier, la manifestation nationale contre un parti politique d’extrême droite organisateur d’une réunion qui, selon ses critiques, faisait écho à une conférence tenue par les nazis pendant la Shoah.
Alors que la nouvelle du dernier incident à Oldenburg se répandait, la police a rapporté que les parents d’une élève juive ont porté plainte, la veille, contre deux jeunes hommes qui ont menacé leur fille sur le chemin de l’école. Les agresseurs, non identifiés à ce stade, auraient tenté de l’entraver et auraient proféré des insultes antisémites.
Selon la police, la jeune fille – qui est parvenue à se libérer – arborait un nœud jaune en témoignage de soutien aux otages israéliens encore aux mains du Hamas, à Gaza.