Alors que la récolte des etrog en Italie est un échec, une archéologue observe l’histoire de 2 500 ans de ce fruit en Israël
Après une gelée désastreuse qui semble avoir balayé la majorité de la récolte de citrons de cette année, la communauté Habad se prépare à une crise en amont de la fête des Tabernacles
Au cours des 70 dernières années, les Hassidim loubavitch du monde entier n’ont eu qu’un seul choix pour leur citron – exigé pour l’usage rituel comme l’une des quatre espèces célébrées durant la fête du pèlerinage d’automne de Souccot : Il s’agit de l’etrog de Calabre ou de Gênes. Mais en raison de gelées particulièrement destructrices au mois de janvier, il ne semble pas qu’il y en aura suffisamment cette année pour répondre aux besoins.
Il y a douze souches de citron qui sont considérées comme adaptées à l’usage de la fête des tabernacles qui s’étend sur huit jours. Toutefois, sur ordre de feu le rebbe Menachem Mendel Schneerson, les adhérents du mouvement Hassidique Habad de tout le globe n’achètent que le fruit venant de Calabre depuis les années 1950.
La connexion du mouvement Habad au citron de Calabre remonte même plus loin : Elle date de la fondation du mouvement au 18e siècle quand le rabbin Schneur Zalman de Liadi (1745-1812) a enseigné de manière controversée que lorsque Dieu avait dit à Moïse que les Juifs devaient prendre un etrog pour les fêtes de Souccot, il avait envoyé des messagers sur les nuages pour les réunir à Calabre, selon un article paru sur chabad.org.
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Mais un problème pourrait toutefois survenir alors que la récolte, cette année, est en danger en raison de quatre journées avec une température au-dessous de zéro qui ont détruit environ 80 % des citronniers.
« Je reviens tout juste des champs, il n’y a rien du tout à couper », a dit à chabad.org le rabbin Moshe Lazar, un émissaire du mouvement ‘Habad loubavitch de Milan, en Italie, qui a fait le voyage jusqu’en Calabre pour superviser la récolte de citrons casher depuis le milieu des années 1960.
Cette catastrophe naturelle, qui s’ajoute à la fermeture d’une petite ferme familiale productrice de citrons et qui a choisi de se reconvertir dans le tourisme, dresse un avenir plutôt sombre pour les Juifs du mouvement habad qui comptent sur cette espèce qui pousse dans la région depuis au moins deux mille ans.
Et ils devront donc peut être se tourner vers un endroit où l’etrog est cultivé depuis plus longtemps encore : Israël.
Une étude récente réalisée sur la migration du fruit dans la région méditerranéenne et effectuée par la professeure de l’université de Tel Aviv Dafna Langgut montre, par le biais de preuves archéo-botaniques, que le citron a d’abord fait son apparition en Israël avant de s’implanter en Italie 500 ans plus tard.
La discipline de l’archéo-botanique de Langgut implique l’identification de vestiges botaniques dans des contextes archéologiques. Dans le cas du citron (citrus medica), elle et son équipe ont découvert des pollen du fruit dans un jardin privé de Jérusalem datant de l’époque du Premier temple.
« Il y a plusieurs années, j’ai découvert la preuve archéobotanique la plus ancienne jamais trouvée de la présence de citron dans la zone méditerranéenne, remontant à environ 2 500 ans dans un jardin royal perse à proximité de Jérusalem », a expliqué Langgut.
Comme un article de Haaretz l’avait rapporté en 2012, Langgut et une équipe d’archéologues avaient fouillé le jardin privé d’un palais datant environ de l’an 686 avant l’ère commune qui avait été mis à jour sur la propriété de ce qui est aujourd’hui le Kibbutz Ramat Rachel de Jérusalem. Les archéologues avaient découvert des pollen de citron après avoir enlevé des couches de plâtre sur les murs du jardin.
Cette couche de plâtre qui contenait le pollen de citron remontait à l’ère perse, lorsque les Juifs étaient revenus de leur exil de Babylone, en l’an 538 avant l’ère commune. Selon l’article de Haaretz, en plus de la culture du citron, « le jardin de Ramat Rachel est également le premier endroit dans le pays à montrer des preuves de la culture de la myrte et du saule – deux espèces de plus sur les quatre qui sont utilisées dans les rituels de Souccot » (La quatrième espèce mentionnée dans le Lévitique 23:40 est le lulav, ou feuille de palmier.)
En contraste, selon l’étude, les toutes premières preuves archéo-botaniques découvertes à l’ouest de la méditerranée remontent à Pompeii, dans un contexte qui remonte aux troisième et deuxième siècles avant l’ère commune, où plusieurs semences minéralisées du Citrus medica [citron] ont été trouvées ». Les semences, toutefois, n’offrent pas une preuve directe de culture, a écrit Langgut. Cette dernière ne peut être prouvée qu’après la période romaine – qui date d’il y a plusieurs centaines d’années après le jardin royal perse de Jérusalem.
Depuis les contreforts des Himalayas
Pour dater de manière exacte l’arrivée de citrons en terre sainte, Langgut a examiné les restes botaniques de charbon, de semences et autres reliquats fruitiers. Elle s’est également penchée sur la philologie, des textes anciens (dont les « Antiquités Judaïques » écrit au premier siècle de l’ère commune par Flavius Josèphe), des pièces de monnaie (telles que celles frappées durant la révolte de Bar Kochba en 132-136 de l’ère commune), des oeuvres d’art et des objets fabriqués.
Dans un récent article du journal American Society for Horticultural Science, « la route du citron révélée : De l’Asie du sud-est à la méditerranée », Langgut détaille ses découvertes et écrit que les origines et la domestication de ce fruit remontent depuis le nord-est de l’Inde et le nord de l’Asie du sud-est jusqu’aux contreforts orientaux de l’Himalaya.
« Mes trouvailles révèlent que les premiers fruits de citronnier à arriver en Méditerranée, l’agrume et le citron, étaient utilisés comme des produits d’élite (ils étaient communs dans les jardins importants dans l’antiquité) tandis que tous les autres fruits à base d’agrumes se sont probablement davantage répandus plus d’un millénaire plus tard et pour des raisons économiques », dit Langgut.
« L’orange amère, le citron vert et le pamplemousse sont arrivés en Occident via les musulmans, très probablement par la Sicile et la péninsule ibérique, à partir du 10e siècle de l’ère commune », ajoute Langgut.
Selon l’étude, le nom hébreu du citron est une forte indication de ses racines : L’etrog, en hébreu, est similaire au « torange » en Hindi. Plus proche encore, le « toronge », en perse, devenu plus tard « l’etronge ».
Le fruit est également présent dans l’art ancien et dans la littérature. Selon l’étude, « il apparaît que le citron était considéré comme un bien précieux depuis les temps anciens en raison de ses capacités thérapeutiques, de son usage symbolique et de son odeur plaisante d’un côté et de sa rareté de l’autre, ce qui fait que le citron a été probablement rendu connu par sa réputation dans la région à travers l’antiquité ».
En raison de son caractère non-comestible, avec pourtant une longue durée de vie, Langgut suppose qu’il était utilisé dans l’antiquité comme un « produit commercial d’élite sur de longues distances ».
Pour ceux qui s’intéressent aux prix contemporains du citron – qui peuvent atteindre des centaines de dollars en amont de la fête de Souccot – cette idée d’un produit d’élite et non comestible reste vraie. Pour les Juifs du mouvement habad touchés par la crise de la récolte du citron de Calabre, les prix seront probablement dignes d’un trésor perse ancien.
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