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AnalyseExactement comme ses prédécesseurs présidentiels

Ambassade : Le renoncement de Trump est une énième divergence entre les USA et Israël

Pour la Maison Blanche, cette décision "maximisera les chances de négocier avec succès un accord avec les Palestiniens", mais pour Netanyahu, cela ne fait qu'éloigner cet accord

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le président américain Donald Trump au musée du mémorial de l'Holocauste de Yad Vashem, à Jérusalem, le 23 mai 2017. (Crédit : Gali Tibbon/AFP)
Le président américain Donald Trump au musée du mémorial de l'Holocauste de Yad Vashem, à Jérusalem, le 23 mai 2017. (Crédit : Gali Tibbon/AFP)

En 1927, Gerald Ford, alors membre du Congrès, avait appelé au déplacement de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem. Deux ans plus tard, Ford, désormais président, a été interrogé par l’ambassadeur israélien à Washington de l’époque, un certain Yitzhak Rabin, sur cette relocalisation.

« Dans le Bureau ovale, on voit les choses différemment que depuis la Chambre des Représentants », avait dit Ford, selon Rabin.

Vingt ans plus tard, le Congrès a adopté une loi stipulant que l’ambassade doit être déplacée à Jérusalem, mais qui autorise les présidents à reporter cette relocalisation tous les 6 mois.

En accréditant Ford, jeudi, Donald Trump est devenu le quatrième président américain à signer le formulaire de renonciation présidentielle imposant un report, comme l’on fait ses prédécesseurs à 36 reprises depuis la fin des années 90.

Cette mesure, bien que décevante pour les sympathisants juifs et évangélistes en Israël et aux États-Unis, n’a surpris personne. Trump a apposé sa signature avec la même « détermination présidentielle » que Bill Clinton, George W. Bush et Barack Obama.

Le formulaire stipule qu’il est « nécessaire, afin de protéger les intérêts sécuritaires des États-Unis, de suspendre pour une période de six mois », l’entrée en vigueur du Jerusalem embassy Act.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le président américain Barack Obama à New York, le 21 septembre 2016. (Crédit : Kobi Gideon/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le président américain Barack Obama à New York, le 21 septembre 2016. (Crédit : Kobi Gideon/GPO)

Trump, qui, il y a quelques mois, était considéré par la droite israélienne comme un potentiel président de rêve, a une fois de plus publiquement exprimé son désaccord avec le gouvernement israélien.

Le président a exhorté publiquement un Netanyahu mécontent à freiner les implantations, et a ouvertement divergé avec lui quant à la disposition du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas à faire la paix.

La Maison Blanche, consciente que le fait que Trump n’honore pas sa promesse de campagne, de relocaliser l’ambassade sera vivement critiqué, a diffusé un communiqué de presse indiquant que la promesse n’a pas été rompue, mais simplement reportée.

Le communiqué souligne que la signature du formulaire de renonciation ne doit pas être vue comme « un retrait du soutien infaillible pour Israël et pour l’alliance entre les États-Unis et Israël ».

Le président américain Donald Trump au musée d'Israël de Jérusalem, le 23 mai 2017. (Crédit :  Yonatan Sindel/Flash90)
Le président américain Donald Trump au musée d’Israël de Jérusalem, le 23 mai 2017. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Mais la phrase suivante, apparemment rédigée pour tenter d’assagir les critiques, s’est concentrée sur la différence dans la façon dont la Maison Blanche et le Bureau du Premier ministre à Jérusalem visualisent la dynamique du processus de paix israélo-palestinien.

« Le président Trump a pris la décision de maximiser ses chances de négocier avec succès un accord entre Israéliens et Palestiniens, ce qui le contraint à remplir son obligation de défendre les intérêts sécuritaires de l’Amérique », peut-on lire dans le communiqué. « Mais, comme il l’a réitéré, la question ne porte pas sur l’hypothèse d’une relocalisation, mais sur son timing. »

L'ambassade américaine à Tel Aviv. (Crédit : Flash90)
L’ambassade américaine à Tel Aviv. (Crédit : Flash90)

En d’autres termes, ne pas déplacer l’ambassade aidera les États-Unis à négocier un accord de paix permanent, selon le raisonnement de l’administration.

Le gouvernement israélien soutient le contraire.

« Le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem non seulement ne nuira pas au processus de paix, mais au contraire le fera progresser en corrigeant une injustice historique et en brisant le fantasme palestinien selon lequel Jérusalem n’est pas la capitale d’Israël », avait déclaré le Bureau de Netanyahu le 14 mai dernier.

Le lendemain, le Bureau du Premier ministre avait, de manière tout à fait surprenant, diffusé des éléments du protocole de la rencontre enter Netanyahu et Trump le 14 février dans le Bureau ovale, qui montrait que le Premier ministre avait assuré au président que le transfert de l’ambassade à Jérusalem « ne conduira pas à un bain de sang dans la région, comme certains veulent le faire croire [à Trump] pour l’intimider ».

Le Bureau de Netanyahu a également publié un résumé de la rencontre entre l’ambassadeur au États-Unis Ron Dermer et Michael Flynn, alors nommé conseiller à la Sécurité intérieure, le 16 janvier.

« [Dermer] a expliqué pourquoi le transfert de l’ambassade aidera à faire progresser le processus de paix, et non pas l’inverse », a indiqué le résumé, rédigé par le Conseiller israélien à la Sécurité intérieure Yaakov Nagel. « Cela enverra le message qui dira que nous sommes à Jérusalem pour y rester. Y transférer l’ambassade contraindrait l’autre parti à composer avec le mensonge qu’ils ont monté, à savoir qu’Israël n’a aucun lien avec Jérusalem, et cela les forcera à comprendre qu’Israël sera là pour toujours, avec Jérusalem comme capitale. »

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le président américain Donald Trump, pendant la cérémonie d'accueil sur le tarmac de l'aéroport international Ben Gurion, le 22 mai 2017. (Crédit : Jack Guez/AFP)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le président américain Donald Trump, pendant la cérémonie d’accueil sur le tarmac de l’aéroport international Ben Gurion, le 22 mai 2017. (Crédit : Jack Guez/AFP)

Jeudi, quelques minutes après que la Maison Blanche a annoncé que Trump avait signé le formulaire, Netanyahu a renforcé son argumentaire, en allant jusqu’à dire que le maintien de l’ambassade à Tel Aviv « éloigne davantage la paix en laissant libre cours au fantasme palestinien selon lequel le peuple juif et l’État juif n’ont aucun lien avec Jérusalem. »

Alors que le Bureau du Premier ministre a affirmé apprécier « l’amitié que témoigne Trump à Israël et son engagement à un transfert dans le futur », le communiqué sur la difficulté à parvenir à la paix a mis en lumière une divergence fondamentale entre Jérusalem et Washington en ce qui concerne la façon de parvenir à cet objectif.

On ne sait pas exactement ce qui a conduit Trump à signer ce formulaire. Peut-être était-ce à la demande du camp soi-disant « réaliste » au sein de l’administration américaine, qui l’a mis en garde qu’il ne sera plus considéré comme un négociateur honnête s’il changeait les règles du jeu en faveur d’Israël. Ou peut-être a-t-il été influencé par les nombreux dirigeants arabes qu’il a rencontrés ces derniers mois, qui lui ont tous dit qu’il pouvait enterrer son espoir de parvenir à l’accord ultime s’il commençait par tacitement reconnaître la souveraineté israélienne sur Jérusalem.

« J’ai toujours voulu déplacer notre ambassade à Jérusalem Ouest », avait déclaré Bill Clinton dans une interview en 2000.

Mais selon les explications de la Maison Blanche, cette signature s’inscrit dans la ligne de pensée traditionnelle de chaque président qui a décidé de reporter le transfert de l’ambassade.

Nombre d’entre eux étaient authentiquement disposés à transférer l’ambassade à Jérusalem, mais se sont abstenus parce qu’ils pensaient que ce transfert compliquerait davantage les efforts pour parvenir à la paix.

« J’ai toujours voulu déplacer notre ambassade à Jérusalem Ouest », avait déclaré Bill Clinton dans une interview en 2000, peu avant la fin de son second mandat à la Maison Blanche.

« Je ne l’ai pas fait, parce que je ne voulais rien faire qui puisse saboter notre capacité à négocier une paix sécure, juste et durable entre Israéliens et Palestiniens. »

La poignée de main entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, accompagnés de Bill Clinton, après la signature des Accords d'Oslo, le 13 septembre 1993. (Crédit : Vince Musi/The White House/Wikimedia commons)
La poignée de main entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, accompagnés de Bill Clinton, après la signature des Accords d’Oslo, le 13 septembre 1993. (Crédit : Vince Musi/The White House/Wikimedia commons)

La Maison Blanche a indiqué jeudi que le transfert de l’ambassade n’est pas hypothétique, et qu’il se produira en temps voulu. De nombreux responsables israéliens ont montré jeudi, qu’ils croient Trump capable de tenir sa promesse. En effet, il n’est pas impensable que le président, après que sa tentative de parvenir rapidement à un accord de paix échoue, finira par accepter de déplacer l’ambassade à Jérusalem.

D’un autre côté, Trump, aussi inconventionnel puisse-t-il être dans d’autres sphères, est resté relativement réglo en ce qui concerne Israël/Palestine. La signature du formulaire jeudi fait très certainement partie de la routine classique d’un président américain.

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