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Les députés allemands vont reconnaître le génocide arménien, Ankara mécontente

Le vice-Premier ministre turc Numan Kurtulmus a mis en garde l'Allemagne "notre amie et notre alliée" qui devrait "être attentive à ses relations avec la Turquie"

Numan Kurtulmus, vice-Premier ministre et porte-parole du gouvernement turc. (Crédit : capture d'écran YouTube)
Numan Kurtulmus, vice-Premier ministre et porte-parole du gouvernement turc. (Crédit : capture d'écran YouTube)

Une résolution reconnaissant pour la première fois le génocide des Arméniens par l’Empire ottoman ainsi que « la part de responsabilité » de l’Allemagne dans ces crimes est en préparation au Bundestag, chambre basse du Parlement allemand, et doit être votée jeudi, selon un projet de ce texte obtenu la semaine dernière par l’AFP.

Cette résolution intitulée « Souvenir et commémoration du génocide des Arméniens et d’autres minorités chrétiennes il y a 101 ans » est proposée par les groupes parlementaires de la majorité – les conservateurs de la CDU/CSU et le SPD – ainsi que par celui des Verts, formation de l’opposition, et a toutes les chances d’être adoptée.

Dans ce texte que l’AFP a pu consulter, le Bundestag, chambre basse du Parlement allemand, « déplore les actes commis par le gouvernement Jeune Turc de l’époque, qui ont conduit à l’extermination quasi-totale des Arméniens ».

Le Bundestag regrette aussi « le rôle déplorable du Reich allemand qui, en tant que principal allié militaire de l’empire ottoman (…) n’a rien entrepris pour stopper ce crime contre l’Humanité ».

‘Mensonges arméniens’

L’an dernier, à l’occasion du centenaire de ces évènements, le président allemand Joachim Gauck avait, le premier, utilisé le terme de « génocide » pour qualifier ces massacres perpétrés par les Turcs ottomans, qui ont fait 1,5 million de victimes entre 1915 et 1917.

Le président allemand Joachim Gauck  lors d'un service religieux commémorant le centenaire du massacre de 1,5 million d'Arméniens par les forces ottomanes à la cathédrale de Berlin, le 23 avril 2015 (AFP PHOTO / TOBIAS SCHWARZ)
Le président allemand Joachim Gauck lors d’un service religieux commémorant le centenaire du massacre de 1,5 million d’Arméniens par les forces ottomanes à la cathédrale de Berlin, le 23 avril 2015 (AFP PHOTO / TOBIAS SCHWARZ)

Cette première reconnaissance officielle du génocide en Allemagne avait provoqué la colère d’Ankara, le président turc Recep Tayyip Erdogan accusant M. Gauck « de soutenir les revendications basées sur les mensonges arméniens ».

Le vice-Premier ministre et porte-parole du gouvernement Numan Kurtulmus a jugé lundi que Berlin devait « être attentif à ses relations avec la Turquie », d’autant que l’Allemagne compte près de 3 millions d’habitants d’origine turque, une des plus grandes diasporas au monde.

« L’Allemagne est notre amie et notre alliée, où vivent de nombreux citoyens d’origine turque », a déclaré Kurtulmus, également porte-parole du gouvernement.

« Je ne crois pas que le Parlement d’Allemagne détruira cette relation pour les intérêts de deux ou trois politiciens », a déclaré Kurtulmus.

« Ce n’est pas le rôle des parlements » de se prononcer sur ces questions, a estimé Kurtulmus. « Le devoir d’un Parlement, c’est de donner ses documents s’il en a aux historiens et donner son soutien à l’éclaircissement des événements », a-t-il poursuivi.

Cette résolution risque de peser sur des relations germano-turques déjà minées par diverses sources de tensions.

Le président Erdogan a en particulier menacé de ne pas appliquer un accord controversé avec l’Union européenne, porté par Berlin, qui a permis de réduire considérablement l’afflux de migrants en Europe. Ankara veut une exemption de visas Schengen pour ses concitoyens sans réformer sa loi antiterroriste comme l’exigent les Européens.

La chancelière Angela Merkel a aussi exprimé le 23 mai sa « préoccupation » après l’adoption d’une réforme exposant des dizaines de députés d’opposition à des poursuites judiciaires.

Ces désaccords s’ajoutent à une polémique provoquée par un poème satirique insultant M. Erdogan, imaginé par un humoriste allemand, et qui a pollué au printemps les relations germano-turques.

La Turquie a finalement obtenu que des poursuites soient engagées pour injure à un représentant d’un Etat étranger contre Jan Böhmermann, l’auteur de la satire qualifiant M. Erdogan de pédophile et de zoophile.

Sauvegarder les relations

Dès lors, la résolution sur le génocide arménien inquiète jusqu’à certains responsables allemands, comme le ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, qui juge que l’Allemagne n’a pas à s’immiscer dans ce débat historique.

« J’espère que les relations germano-turques ne seront pas affectées par cette résolution et que nous allons pouvoir continuer à bien travailler ensemble », a-t-il déclaré la semaine passée au quotidien Tagesspiegel.

Enfin, selon la communauté des Kurdes d’Allemagne (KGD) « le lobby turc » — notamment l’ambassade de Turquie en Allemagne et la branche internationale de l’AKP, le parti d’Erdogan — s’est efforcé de faire pression sur les élus allemands.

Cem Özdemir, président d’origine turque des Verts allemands, a confié à la télévision publique faire l’objet d’intimidations et de menaces sur les réseaux sociaux en raison de son soutien au texte.

« Ce sont toujours les mêmes expressions : traître, cochon d’Arménien, fils de p…, terroriste et même nazi », a-t-il raconté.

La Turquie affirme pour sa part qu’il s’agissait d’une guerre civile, doublée d’une famine, dans laquelle 300 à 500 000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la mort au moment où les forces ottomanes et la Russie se disputaient le contrôle de l’Anatolie.

Du côté de Erevan, c’est en revanche le satisfecit. « La reconnaissance du génocide arménien est importante pour prévenir d’autres génocides dans le futur », a souligné le porte-parole du ministère arménien des Affaires étrangères, Tigran Balayan, interrogé par l’AFP.

Les Arméniens estiment que 1,5 million des leurs ont été tués de manière systématique à la fin de l’Empire ottoman. Nombre d’historiens et plus de vingt pays, dont la France, l’Italie et la Russie, ont reconnu un génocide.

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