Annexion, normalisation : que signifient les nominations de Trump ?
Le président-élu veut élargir les accords d'Abraham - mais les partisans de l'annexion de la Cisjordanie gardent l'espoir de mener à bien leur projet pendant son mandat
La victoire aux élections de Donald Trump avait été saluée par les leaders du mouvement pro-implantation qui y avaient vu l’opportunité, pour Israël, d’annexer enfin de larges pans de la Cisjordanie.
« J’appelle le Premier ministre et le gouvernement d’Israël à relancer immédiatement les constructions dans toute la Judée-Samarie tout en faisant appliquer la souveraineté israélienne au demi-million de Juifs qui y vivent », avait commenté Yochai Damri, le chef du Conseil régional de Har Hebron, dans le sud de la Cisjordanie.
« Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a devant lui une opportunité historique… celle d’annuler tous les gels des constructions et celle d’enfin pouvoir peut-être, pour nous, faire appliquer la souveraineté à la Cisjordanie », avait ajouté Yossi Dagan, qui dirige le Conseil régional de Samarie, au nord de la Cisjordanie.
Des déclarations qui n’avaient pas toutefois été faites au mois de novembre 2024 – ces propos avaient en réalité été tenus au lendemain de la première victoire aux élections de Trump, en 2016.
Il y avait eu un essor sans précédent dans les constructions entreprises des implantations pendant le mandat du président républicain. Les efforts visant à annexer ces implantations avaient néanmoins été mis en suspens en raison des négociations menées par l’administration Trump dans le cadre de la finalisation des Accords d’Abraham, en 2020. Les Émirats arabes unis avaient ainsi accepté de normaliser leurs relations avec l’État juif si Israël acceptait de suspendre son projet d’annexion pendant quatre ans.
Mais alors que Trump va retourner à la Maison Blanche et que ces quatre ans se sont presque écoulés, les partisans de l’annexion ont à nouveau le sentiment que leur heure est venue.
Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a prédit le mois dernier que l’année 2025 serait « l’année de la souveraineté en Judée-Samarie ». Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a pour sa part estimé que « le moment de la souveraineté est venu, le moment de la victoire totale – c’est le moment d’adopter une loi prévoyant la peine de mort pour les terroristes » et de nombreuses autres législations qui, suppose-t-il, n’entraîneront pas d’opposition de la part de Trump.
L’extrême-droite a encore été davantage enhardie quand le président élu a choisi Mike Huckabee, ancien gouverneur de l’Arkansas, au poste d’ambassadeur au sein de l’État juif – cela a été l’une de ses toutes premières nominations, une nomination effectuée dans la semaine qui a suivi le scrutin. Partisan de longue date du mouvement pro-implantation, Huckabee a expliqué, le mois dernier, que Trump pourrait potentiellement soutenir l’annexion de la Cisjordanie par Israël.
Il a malgré tout émis une réserve importante : « Je ne serai pas l’élaborateur de la politique ; je serai chargé de mettre en œuvre la politique du président ».
Trump ne s’est pas prononcé sur la question de l’annexion mais il a clairement établi qu’avec les Accords d’Abraham, il souhaitait reprendre les choses là où il les avait laissées. « Si je l’emporte, ce sera une priorité absolue », avait-il dit au cours d’un entretien accordé au mois d’octobre.
Au début de la semaine, Trump a fait savoir que le père de son gendre, Massad Boulos, deviendrait son haut-conseiller sur les affaires arabes et moyen-orientales. Cet homme d’affaires américano-libanais travaillera avec l’autre envoyé de Trump au Moyen-Orient, Steve Witkoff, à faire avancer le dossier des Accords d’Abraham. Boulos se concentrera sur les liens entretenus avec les pays arabes tandis que Witkoff se focalisera plus directement sur les relations avec Israël, a expliqué une source au Times of Israel.
Dans une interview qui a été publiée mercredi par Le Point, Boulos a indiqué que l’administration Trump examinera avant tout la possibilité de finaliser un accord avec l’Arabie saoudite – « parce que nous savons très bien – et c’est d’ailleurs ce que le président a rappelé – qu’une fois qu’un accord entre l’Arabie saoudite et Israël sera conclu, il y aura immédiatement plus d’une dizaine de pays arabes qui seront prêts à lui emboîter le pas sans attendre ».
L’administration Biden avait tenté de négocier cet accord – mais le pogrom commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre, et la guerre à Gaza qui avait suivi avaient entraîné une sortie de route dans les pourparlers. Ryad a mis les négociations en suspens, revoyant aussi à la hausse ses exigences dans la composante palestinienne de l’accord – là où les Saoudiens réclamaient des initiatives relativement modestes permettant de dynamiser la perspective d’une solution à deux États, ils demandent dorénavant l’établissement d’un état palestinien.
Et même si l’Arabie saoudite doit renoncer à cette demande d’un état palestinien à part entière lorsque Trump reprendra ses fonctions à la Maison Blanche, deux responsables arabes ont confié au Times of Israel qu’en ce qui concerne une possible annexion de la Cisjordanie, Ryad n’acceptera rien de moins que ce que les EAU avaient pu recevoir de la part d’Israël en 2020.
Boulos a reconnu que la question palestinienne ferait partie intégrante des négociations menées par les États-Unis avec l’Arabie saoudite.
« Je pense que le sujet d’une feuille de route qui mènerait à terme à un état palestinien est important dans les discussions entre les États-Unis et l’Arabie saoudite… Mais c’est important de se souvenir que l’Arabie saoudite ne demande pas la création d’un état palestinien aujourd’hui. Elle demande une vision et une feuille de route dans ce sens… c’est tout », a dit Boulos au Point.
Il a ensuite évoqué le plan de paix qui avait été proposé par Trump en 2020 – qui envisageait aussi l’établissement d’un état palestinien à terme, ce qui semble indiquer que le président élu est resté fidèle à ce concept.
Brian Hook, l’ancien envoyé de Trump en Iran qui est aujourd’hui à la tête de l’équipe de transition du président américain au sein du département d’État, a dit la même chose au cours d’un entretien, le mois dernier, tout en reconnaissant que l’appétit pour une solution à deux États, en Israël, avait encore diminué depuis le 7 octobre.
Les leçons ont été tirées
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait accepté le plan de Trump, en 2020, avec des réserves après être apparu aux côtés du président, à la Maison Blanche, lors du dévoilement de la proposition. Les leaders du mouvement pro-implantations avaient alors dénoncé avec force l’inclusion, dans le projet, d’une feuille de route menant à l’établissement d’un état palestinien.
L’Autorité palestinienne, de son côté, avait encore plus rapidement rejeté la proposition de Trump – qui, comme point de départ des négociations, offrait une carte qui permettait à l’État juif de retenir toutes les implantations, avec une capitale palestinienne qui était installée hors de Jérusalem.
Un haut-responsable palestinien a confié au Times of Israel que Ramallah « a tiré les leçons » concernant la manière de travailler avec l’administration Trump. L’Autorité palestinienne avait rompu les liens avec Washington en 2017, quand le président américain avait reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël.
Abbas a renoué le contact avec Trump et les deux hommes ont eu un entretien « très chaleureux » au téléphone le mois dernier, a expliqué l’officiel palestinien.
Alors qu’il lui était demandé si Abbas serait prêt à accepter le plan de paix de Trump comme base pour d’éventuelles négociations, le responsable palestinien n’a pas rejeté cette possibilité.
Un éventuel refus de sa part pourrait amener la prochaine administration à promouvoir un accord de normalisation avec l’Arabie saoudite qui n’offrirait que peu de choses aux Palestiniens avec un Trump qui se montrerait sensible aux appels lancés par ses collaborateurs concernant le soutien à apporter à l’annexion de la Cisjordanie, a mis en garde l’un des hauts-responsables arabes.
A la question de savoir si Trump accordera finalement la priorité à un accord de normalisation avec l’Arabie saoudite – au détriment de la question de l’annexion de la Cisjordanie par Israël – le diplomate arabe a reconnu qu’il n’en savait guère plus que les autres.
« Tout le monde tente de déchiffrer ce que signifient toutes ces nominations mais en fin de compte, c’est le président Trump qui prendra les décisions et ce n’est pas quelqu’un de prévisible », a-t-il expliqué.
Alors qu’il lui était demandé si l’administration Trump soutiendrait l’annexion, Boulos a répondu au Point qu’une politique sur le sujet était en cours d’élaboration. « Ce que je peux vous dire, c’est qu’à partir du 20 janvier, il y aura une politique très claire et très spécifique sur ce point, une politique que nous devons tous respecter », a-t-il déclaré.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel