Antisémitisme, anti-sionisme, diffamation : Crise ouverte au sein d’Act Up-Paris
"Même dans les associations de 'gauchos', il y a un fond d'antisémitisme qu'il faut dénoncer", a expliqué anonymement à l'AFP un membre du conseil d'administration
Depuis quelques mois, Act Up-Paris se déchire autour du conflit au Proche-Orient : des militants veulent soutenir publiquement les Palestiniens, quand d’autres membres, Juifs, ne se sentent plus les bienvenus et dénoncent des « propos antisémites ».
Si cette crise est loin d’être la première dans l’organisation historique de lutte contre le sida, certains membres ou sympathisants d’Act Up-Paris interrogés par l’AFP (dix au total) décrivent une situation « éprouvante » et un collectif qui « ne va pas bien du tout ».
Le 16 mars, le conseil d’administration, composé de quatre bénévoles, a même publié un communiqué pour dénoncer des « manifestations d’antisémitisme » à Act Up-Paris.
« Même dans les associations entre guillemets de ‘gauchos’, il y a quand même un fond d’antisémitisme qu’il faut dénoncer », a assuré à l’AFP un membre du conseil d’administration, sous couvert d’anonymat.
Un des épisodes s’est déroulé le 6 novembre quand un militant a proposé une ébauche de texte de soutien aux Palestiniens, pris sous le feu des bombardements israéliens dans la bande de Gaza, un mois après l’assaut barbare mené par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre, au cours duquel quelque 3 000 terroristes ont fait irruption en Israël par voie terrestre, aérienne et maritime, tuant quelque 1 200 personnes et prenant 253 otages, dans le cadre d’actes horribles de brutalité, accompagnés d’agressions sexuelles.
« J’ai pleuré »
« Nous ne sommes pas débarrassés de l’inutile culpabilité face au régime de Vichy », lit-on notamment dans ce document, consulté par l’AFP.
Quand Eva Vocz, une Juive de 31 ans et une des quatre salariés de l’association, a ouvert ce courriel, elle a pleuré, a-t-elle témoigné.
Elle s’est dit « profondément heurtée » de lire des « propos antisémites » dans une association de « lutte contre les discriminations ». Ce brouillon ne sera ni débattu ni publié.
Elle a ensuite recueilli le témoignage d’un activiste d’Act Up-Paris, cible de menaces de mort accompagnées de croix gammées à la porte de son appartement.
« L’antisémitisme frappe tout le monde. Nous ne laisserons pas faire », a-t-elle dénoncé sur les réseaux sociaux, sur le compte Act Up-Paris, dans un contexte de forte hausse du nombre d’actes antisémites en France.
Mais certains militants, dont Françoise Gil, dénoncent une « instrumentalisation ». « Il n’est pas Juif, ce n’était pas du tout un acte antisémite », a affirmé à l’AFP cette socio-anthropologue.
Lors d’une réunion le 5 février à laquelle Vocz a assisté en visioconférence, plusieurs activistes s’en sont pris à elle et à sa publication.
« La première chose à laquelle on devrait penser lorsqu’on voit une croix gammée à Act Up, c’est aux déportés homosexuels », a lancé un militant, d’après le compte-rendu consulté par l’AFP. Une autre a assuré que le Hamas est un « mouvement de libération ». A également été évoqué le militantisme de Vocz au sein du collectif de Juifs de gauche Golem. Deux membres du conseil d’administration ont pris la défense de la salariée.
« Je me suis quand même retrouvée face à une meute qui s’était organisée pour faire d’une réunion mon procès en double allégeance. Parce que c’est ça le ressort, c’est que je ne sers plus les intérêts d’Act Up mais ceux de l’État d’Israël », s’est étonnée Vocz, en arrêt depuis mi-février.
« Je me suis dit : mais en fait, en tant que Juif, on n’est pas bienvenu », comme « dans beaucoup de luttes à gauche en ce moment », s’est émue une sympathisante d’Act Up, de confession juive, qui a souhaité garder l’anonymat.
« Débordements verbaux »
En février, Gil a été radiée d’Act Up-Paris. Lui est notamment reproché d’avoir traité Vocz, dans son dos, de « sioniste ». « Anti-sioniste » revendiquée, Gil réfute tout antisémitisme.
« Dans ce cas de figure, c’était ‘sioniste’ pour ne pas dire ‘Juive' », a souligné Vocz.
« Dès qu’on a une sensibilité pour le ‘génocide’ clairement qui se déroule à Gaza, on est taxé d’antisémitisme », a déploré Gil alors que plus de 32 900 personnes seraient morte dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre, selon le ministère de la Santé du Hamas. Les chiffres publiés par le groupe terroriste sont invérifiables, et ils incluraient ses propres terroristes et hommes armés, tués en Israël et à Gaza, et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza. Tsahal dit avoir éliminé 13 000 terroristes palestiniens dans la bande de Gaza, en plus d’un millier de terroristes qui ont pris d’assaut Israël le 7 octobre.
Au sein d’Act Up-Paris, réputé pour ses actions coups de poing, on s’inquiète de l’avenir d’une association qui a du mal à recruter et compte une quarantaine de militants dont une dizaine d’actifs. Son assemblée générale est prévue samedi.
Dans ce contexte de tensions, les réunions publiques hebdomadaires ont été suspendues « pour éviter des débordements verbaux voire physiques », a reconnu Cecil Lhuiller, du conseil d’administration, et certaines adhésions sont en suspens.
Les commentaires sur les réseaux sociaux se multiplient et deux publications venant d’une sympathisante visent nommément Eva Vocz.
« Je ne laisserai plus place aux harcèlements », a prévenu la trentenaire.