Après la diffusion d’un clip des otages, leurs proches interpellent les dirigeants
Les parents et les fratries de Hersh Goldberg-Polin, d'Or Levy et d'Eliya Cohen somment le gouvernement de trouver un arrangement qui permettra à tous les captifs de recouvrer la liberté
Les familles des trois otages israéliens qui sont apparus dans une vidéo diffusée lundi – un clip qui montrait le moment de leur enlèvement – ont expliqué que ces images glaçantes devaient rappeler aux dirigeants du pays la nécessité absolue d’obtenir la remise en liberté de tous les captifs qui se trouvent encore à Gaza.
Dans cette séquence, Hersh Goldberg-Polin, Or Levy et Eliya Cohen sont brutalement embarqués à bord d’un pick-up et emmenés dans la bande de Gaza, le 7 octobre, dans le cadre de l’attaque sanglante qui avait été commise par le groupe terroriste du Hamas dans le sud d’Israël. Des milliers d’hommes armés avaient tué près de 1 200 personnes, des civils en majorité, et ils avaient kidnappé 251 personnes, qui sont depuis retenues en captivité au sein de l’enclave côtière.
Tous les trois avaient été enlevés alors qu’ils avaient trouvé refuge dans le même abri antiaérien pendant l’attaque du Hamas.
Les proches des captifs et le Forum des Familles d’otages et des portés-disparus ont dit avoir choisi de diffuser la vidéo pour souligner l’abandon de ces Israéliens encore détenus en otages dans la bande de Gaza.
Les parents et les fratries des otages ont accordé une série d’entretiens aux journalistes exhortant le gouvernement à accepter de finaliser un accord avec le Hamas.
Rachel Goldberg et Jon Polin, les parents de Goldberg-Polin, se sont entretenus avec la Douzième chaîne après la diffusion de la nouvelle vidéo.
« Ce sont des images qu’aucun parent au monde ne souhaite voir », a dit Polin. « Nous, parents d’otages, nous n’avons pas besoin de piqûre de rappel. Mais que peut-être que les décisionnaires en Israël et dans le monde ont besoin d’une telle piqûre – pour leur rappeler que nous ne faisons pas qu’employer ce mot ‘otage’ et que derrière chaque otage, il y a des êtres humains, des gens qui existent vraiment, des gens qui ont des rêves, qui ont des familles, avec des amis qui les aiment et qui les attendent ».
« Le monde entier doit voir ce qui est arrivé », a ajouté Polin. « C’est ce qui est arrivé, c’est ce qu’ils ont vécu. C’est très dur à regarder mais c’est important ».
Sur les images, Goldberg-Polin serre son bras, soufflé par une explosion juste au-dessous du coude, où un garrot a été placé.
Polin a indiqué qu’elle avait des contacts « bons et constants » avec les responsables des États-Unis et qu’elle était amenée à communiquer avec le Secrétaire d’État Antony Blinken à chaque fois qu’il se rendait en Israël.
« Il y a beaucoup moins de contacts » avec les autorités israéliennes, a-t-elle ajouté, faisant remarquer « qu’il faut demander à chaque fois ».
De son côté, Goldberg a déclaré que « c’est dur de croire qu’après 262 jours, il y ait encore 120 personnes là-bas ».
Polin a rejeté les propos controversés qui ont été tenus dimanche par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui avait fait savoir qu’il souhaitait conclure un accord avec le Hamas qui ne ne permettrait qu’à certains otages de recouvrer la liberté. Polin a souligné que tous les captifs actuellement dans les geôles du Hamas devaient être relâchés, sans exception. Suite au tollé, Netanyahu a depuis précisé qu’il voulait un accord qui ouvrirait la porte au rapatriement de tous les otages.
Michael Levy a déclaré à la Treizième chaîne que son frère Or, qui apparaît dans la vidéo, semblait être recouvert du sang d’Eynav, son épouse.
« Ce qui m’a sauté aux yeux en premier, c’est la terreur qu’il y a dans son regard, la peur qui se lit sur son visage. J’ai remarqué qu’il était recouvert du sang de son épouse Eynav, qui a été assassinée le 7 octobre. Il a été obligé de regarder son assassinat de ses propres yeux dans l’abri anti-aérien. »
Le fils du couple, Almog, fêtera son anniversaire mardi sans ses parents.
« C’est bouleversant », a confié Michael Levy devant les caméras de la Treizième chaîne. « Il n’arrête pas de demander où sont Or et Eynav ; il veut les voir et nous n’avons aucune réponse à lui apporter. »
« C’est tout simplement impossible de dire quelque chose de pareil à un si petit enfant. Il veut simplement que sa maman et son papa fêtent son anniversaire avec lui mais malheureusement, cela n’arrivera pas », a-t-il continué.
Le petit garçon a été confié aux soins de ses grands-parents.
« C’est triste à dire mais j’ai parfois le sentiment que les gens ont besoin d’une piqûre de rappel, que le gouvernement doit se rappeler que les otages sont encore là-bas, qu’ils sont encore vivants mais que le temps presse pour eux », a poursuivi Levy. « J’ai l’impression que nos cris ne sont pas entendus, que la discussion porte dorénavant sur ‘le prix à payer’ dans le cadre d’un accord. Mais quel est le prix d’une vie humaine ? Quel est donc ce prix pour un enfant de trois ans qui fête son anniversaire sans ses parents, qui supplie de pouvoir enfin voir son père ?, » a-t-il interrogé.
Levy a dit qu’il souhaitait qu’en voyant la séquence, les membres du gouvernement « observent la terreur qui se lit sur les visages d’Or, de Hirsch et d’Ely – une terreur qui rappelle qu’ils ont été abandonnés, le 7 octobre, et que c’est le devoir du gouvernement de les ramener auprès de leurs familles aussi rapidement que possible ».
Sigi Cohen, la mère d’Eliya Cohen, 26 ans, évoquant les terroristes apparaissant sur les images devant les caméras de la chaîne Kan, a déclaré que « leur perversité est visible ».
Elle aussi a rejeté les paroles prononcées par Netanyahu concernant un accord partiel sur les captifs.
« Cela serait jouer à la roulette russe. Qui sait qui reviendra ? Et qui prendra la décision ? », a-t-elle interrogé.
Cohen a insisté sur le fait qu’un accord était probablement le seul moyen garantissant la remise en liberté des captifs qui sont encore à Gaza – même si une poignée d’entre eux ont été secourus dans le cadre de l’offensive militaire israélienne en cours dans la bande, une campagne qui vise à détruire le Hamas.
« Si seulement c’était possible – mais cela ne l’est pas », a-t-elle affirmé. « Netanyahu doit faire preuve de leadership. Ma plus grande crainte, c’est que le gouvernement israélien conserve la même attitude parce qu’en ce moment, il n’y a pas d’accord et il n’y a pas de combat. Il doit prendre une décision. Le gouvernement ne peut pas se contenter de ne rien faire en nous laissant dans l’attente ».
« C’est plus dur chaque jour qui passe », a-t-elle confié. « Et si c’est comme ça pour nous, alors qu’est-ce que cela doit être pour ceux qui sont là-bas ? »
Fustigeant Netanyahu pour ses propos sur un accord partiel, Cohen a estimé que « ceux qui prennent la parole, qu’il s’agisse du Premier ministre ou de qui que ce soit d’autre, doivent comprendre qu’il y a 120 familles pour qui chaque propos est à chaque fois un nouveau séisme ».
Cohen et sa petite amie Ziv Abud, qui se trouvaient aux côtés de la nièce d’Abud et de la petite amie de son neveu, se trouvaient dans un abri anti-aérien. La nièce et le neveu d’Abud avaient été tués et Abud et Cohen s’étaient cachés en se couchant sous les cadavres qui gisaient au sol.
Le président Isaac Herzog a partagé la vidéo sur son compte X, écrivant que « outre le courage incroyable » affiché par les otages, « nous voyons aussi le visage du mal sous la forme des terroristes du Hamas qui ont kidnappé, violé et assassiné des civils innocents ».
« Le monde tout entier doit voir cette cruauté, donner un écho aux cris des otages détenus dans les conditions de captivité barbares par le Hamas, il doit prendre des mesures fermes et se tenir aux côtés d’Israël en appelant à entreprendre toute action en faveur de leur libération », a-t-il ajouté dans sa publication.
Netanyahu, de son côté, a dit dans un communiqué que « les images choquantes de l’enlèvement de Hersh, d’Or et d’Eliya nous déchirent le cœur et elles témoignent encore de la cruauté de l’ennemi que nous nous sommes jurés d’éliminer. Nous n’arrêterons pas la guerre avant d’avoir fait revenir chez eux les 120 otages dans leur totalité ».
Il resterait, selon les estimations, 116 otages à Gaza, mais tous ne seraient plus en vie. Le groupe terroriste détient également, depuis une décennie, deux Israéliens qui étaient entrés dans la bande de leur propre gré, ainsi que les dépouilles de deux soldats.
Le Forum des Familles d’otages et de portés-disparus, la principale organisation représentant les proches des captifs, a expliqué dans une déclaration que « cette vidéo dure est un grave réquisitoire dénonçant la négligence qui prévaut depuis 262 jours. Hersh, Eliya, et Or ont été kidnappés en vie et ils doivent revenir en Israël dès aujourd’hui. Chaque jour qui passe met davantage en péril ceux qui ont été enlevés et met en danger leur capacité de retrouver enfin leurs proches. »
Après la diffusion du clip, ce sont environ 200 personnes qui se sont rassemblées à Jérusalem pour manifester au nom de Goldberg-Polin, qui est un ressortissant américano-israélien. Parmi elles, la jeune sœur de l’otage, a indiqué le site d’information Ynet.
Partis du consulat américain, les protestataires ont rejoint la place de Paris, située aux abords de la résidence officielle du Premier ministre.
Des heurts ont éclaté entre les manifestants et la police, qui a expliqué que ce rassemblement n’avait pas été autorisé et qu’il était donc illégal. Les forces de l’ordre ont installé des barrières interdisant l’accès au domicile du chef de gouvernement et le groupe s’est finalement dispersé.