Après l’attentat, la marche pro-otages de Boulder devrait reprendre la semaine prochaine
Selon les organisateurs de la marche, la communauté juive est partagée entre tristesse, colère et peur après l'attentat au lance-flammes et à la bombe incendiaire qui a fait 12 blessés, mais elle n'abandonne pas

Suite à l’attentat de dimanche dernier contre des manifestants pro-otages à Boulder, dans le Colorado, les manifestations hebdomadaires du groupe reprendront dès dimanche prochain, plus déterminées que jamais, ont fait savoir mardi les organisateurs au Times of Israel.
« Nous ne nous laisserons pas intimider ou arrêter par ce type d’actions », explique Bruce Shaffer, co-responsable de la branche de Boulder de Run For Their Lives, initiative forte de 230 groupes dans le monde qui sensibilisent le grand public au sort des otages israéliens détenus par le Hamas. « Si nous annulons la marche, nous donnons à ces gens ce qu’ils veulent. »
Immédiatement après l’attentat de dimanche – qui a fait 12 blessés, victimes d’un lance-flammes artisanal et de tirs de cocktails Molotov – l’organisation mondiale Run For Their Lives avait annulé tous ses événements de crainte d’attentats semblables, explique Rachel Amaru, cheffe de la section de Boulder. Mais l’organisation a réexaminé sa position lundi et elle a laissé chacune de ses branches décider de ce qu’elles devaient faire en coopération avec les autorités locales.
La prochaine marche le long du centre commercial piétonnier de Pearl Street, à Boulder, se fera sous forte protection policière et en présence de nombreux militants, assure Amaru. Il est prévu que le Forum israélien des otages et des familles de disparus envoie des représentants qui prendront la parole et qui témoigneront de leur solidarité lors de cet événement, ajoute-t-elle.
La communauté de Boulder est partagée entre la douleur, la colère et la peur suite à l’attentat, confie Shaffer, dont deux membres de sa famille ont été blessés lors de l’attentat. « Il y a beaucoup de douleur et de traumatisme, et les victimes ont particulièrement besoin que l’on respecte leur intimité en ce moment », ajoute-t-il.
Trois des victimes, dont un homme de 88 ans, étaient toujours hospitalisées pour de graves brûlures lundi soir, souligne Amaru, qui refuse de donner le nom des victimes pour des raisons de confidentialité.

Dimanche, le procureur américain par intérim, J. Bishop Grewell, a indiqué que Mohammed Sabry Soliman, suspect âgé de 45 ans, ferait face à des chefs d’inculpation de l’Etat et de niveau fédéral, avec une possible peine de prison à vie s’il est reconnu coupable.
Selon les informations disponibles, ce ressortissant égyptien, en situation irrégulière aux États-Unis, a tiré avec un lance-flammes de fortune sur la foule et lancé des cocktails Molotov en criant « Libérez la Palestine ».
Cet attentat, perpétré la veille de la fête juive de Shavouot, est le dernier acte antisémite en date aux États-Unis depuis que le Hamas a lancé sa guerre contre Israël le 7 octobre 2023. Selon l’Anti-Defamation League, 9 354 actes antisémites – harcèlement, vandalisme ou agression – ont été enregistrés aux États-Unis en 2024, soit plus d’un par heure en moyenne.
Avant l’attentat de Boulder, deux membres du personnel de l’ambassade d’Israël avaient été abattus devant le musée juif de Washington, DC, il y a de cela deux semaines, ce qui fait craindre à certains que les appels à l’« intifada mondiale » prennent effectivement de l’ampleur sur le sol américain.
Tous les dimanche après-midi depuis novembre 2023, les participants à la marche de Boulder se retrouvent à l’angle de Pearl et de 8th pour remonter et redescendre les sept pâtés de maisons jusqu’au palais de justice, situé à la sortie du centre commercial de Pearl Street, rappelle Shaffer. Arrivé au niveau du palais de justice, le groupe entonne l’hymne national israélien, regarde une brève vidéo et lit les noms des otages encore aux mains du Hamas à Gaza.
« Nous marchons tranquillement, en file indienne, et après la lecture de chaque nom, la foule scande ‘Libérez-les’, » explique Shaffer. « C’est quelque chose de fort. »

Les neuf premiers mois, la marche attirait chaque semaine une cinquantaine de personnes contre une trentaine aujourd’hui, poursuit Amaru. Parfois, comme lorsque les corps sans vie de six otages avaient été découverts assassinés à Gaza, à la fin du mois d’août dernier, des centaines de personnes étaient venues, précise-t-elle.
Les marches sont toujours organisées en coopération avec la police, souligne Amaru, et l’organisation a demandé des renforts de sécurité suite au meurtre de Yaron Lischinsky et de Sarah Milgrim, tués devant le Musée juif de la capitale le 21 mai dernier.
Ni Amaru ni Shaffer n’étaient à Boulder lors de l’attentat de dimanche dernier : exceptionnellement, ils l’avaient manquée tous les deux et la marche avait été confiée à un bénévole expérimenté, expliquent-ils.
Amaru affirme que cette marche hebdomadaire est un espace sûr et important pour les pro-Israël de Boulder. Les quelque 10 000 Juifs de la ville représentent aujourd’hui 10 % de la population mais la majorité n’est pas affiliée à une synagogue ou ne prend pas particulièrement position sur Israël, souligne-t-elle.

« Les personnes de notre communauté Run For Their Lives sont toutes du même avis et se soucient vraiment d’Israël », explique Amaru. « Nous avons reçu énormément de soutien de la part des communautés juives depuis l’attentat. »
Cependant, ajoute Shaffer, le climat, en ville, est un « cloaque » fait de haine violente envers les Juifs et Israël, encouragée en partie par les autorités locales.

« Je suis très en colère et très déçu par l’incapacité des organisations religieuses non juives et d’autres organisations de la sphère civile à se mobiliser pour nous soutenir », ajoute-t-il. « Depuis le pogrom du 7 octobre, certaines personnes nous ont adressé des condoléances discrètes et polies, mais sans condamnation officielle. »
La municipalité de Boulder a publié lundi une déclaration pour condamner l’attaque et dire sa solidarité avec les victimes et avec les membres de la communauté juive de la ville. Taishya Adams, membre du conseil municipal régulièrement accusée d’antisémitisme par les représentants juifs, a refusé d’approuver cette déclaration.
« Je refuse de signer une lettre qui assimile les appels à une ‘Palestine libre’ à de l’antisémitisme », a-t-elle écrit sur la page Facebook de la ville. « Sans l’élément anti-sioniste, il est impossible de comprendre l’un des principaux ressorts de cet effroyable attentat. »

La communauté juive de Boulder connait l’une des croissances les plus rapides de tous les États-Unis : ses membres sont originaires de tous les États-Unis, note Amaru. « C’est différent de Denver, où certaines familles sont là depuis longtemps », ajoute-t-elle.
Néanmoins, poursuit Amaru, le traumatisme de l’attentat a laissé de profondes cicatrices et fait voler en éclats son sentiment de sécurité.
« Notre douleur est profonde », conclut-elle. « Jamais je n’ai autant voulu partir m’installer en Israël et faire mon alyah. »