Arbel Yehud, l’otage libérée, fustige la politisation du sort des captifs
"Je pensais qu'ils faisaient du terrorisme psychologique" : La jeune femme a indiqué qu'elle n'avait pas cru ses ravisseurs lorsqu'ils lui avaient dit que les otages étaient devenus une question politique en Israël

Arbel Yehud, une otage qui a recouvré la liberté dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu conclu entre Israël et le Hamas, a condamné lundi la politisation de la question des otages détenus dans la bande de Gaza. Elle a appelé le gouvernement à accepter un accord global unique qui permettrait à tous les captifs d’être relâchés.
Yehud a été relâchée à la fin du mois dernier. Elle s’est exprimée par le biais d’un message qui a été lu par son père devant la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset.
« J’ai appris l’arabe en l’espace d’un mois et j’ai entendu mes ravisseurs se réjouir des clivages, dans notre nation, sur la question de la libération des otages », a déclaré Yehiel Yehud en lisant un extrait de la déclaration de sa fille. « Je pensais qu’ils faisaient du terrorisme psychologique lorsqu’ils disaient que la question des otages était devenue une problématique politique. Et je n’y ai pas cru jusqu’à ce que je revienne en Israël en étant confrontée à cette dure réalité ».
Des manifestations massives de soutien aux otages avaient commencé peu après le début de la guerre, le 7 octobre 2023 – ce jour-là, le groupe terroriste du Hamas avait commis un pogrom dans le sud d’Israël, massacrant plus de 1 200 personnes, des civils en majorité, et kidnappant 251 personnes qui avaient été prises en otage à Gaza.
En plus de ces rassemblements, des manifestations antigouvernementales hebdomadaires avaient repris à Tel Aviv – avec un mouvement de protestation qui s’était déjà formé dans les mois qui avaient précédé le conflit, réunissant les très nombreux opposants au plan de refonte radicale du système judiciaire israélien qui était alors avancé par la coalition au pouvoir. Les événements organisés par les deux groupes avaient été distincts – même s’ils se sont souvent rejoints à l’issue des manifestations réclamant la remise en liberté des otages. Au fil du temps, la guerre s’éternisant, les familles des captifs s’étaient montrées de plus en plus impatientes à l’égard du gouvernement, qui n’avait pas réussi à obtenir la libération de leurs proches. Certaines avaient, par ailleurs, ouvertement critiqué le gouvernement pour sa gestion de la situation.
Dans un contexte d’accusations qui laissaient entendre que le Premier ministre Benjamin Netanyahu évitait de s’engager en faveur d’un cessez-le-feu pour préserver le maintien au pouvoir de sa coalition – son aile la plus à droite ayant menacé de quitter cette dernière si la guerre devait se terminer avant la totale destruction du Hamas – les rassemblements de soutien aux otages avaient adopté, petit à petit, un ton de plus en plus hostile à l’égard du gouvernement.

Après 15 mois de combats, un accord de cessez-le-feu en trois phases a finalement été conclu le mois dernier. Dans le cadre de la première phase de l’accord, le Hamas s’est engagé à libérer progressivement une partie des captifs en échange de la remise en liberté, par Israël, de centaines de prisonniers palestiniens incarcérés dans le pays pour atteinte à la sécurité nationale. Les combats ont été suspendus.
Dans l’intervalle, les négociations sur les phases suivantes – des pourparlers qui aboutiraient à un cessez-le-feu permanent et au retrait total d’Israël de l’enclave côtière, ainsi qu’à la libération de tous les otages restants – sont censées commencer.
C’est au cours de la première phase de six semaines qu’Arbel Yehud a été relâchée. D’autres captifs libérés ont également expliqué que leurs geôliers leur montraient les informations en provenance d’Israël concernant les rassemblements antigouvernementaux organisés en leur nom.
« J’ai été détenue pendant 482 jours sans voir ni entendre un seul Israélien, depuis le moment où j’ai été séparée de mon conjoint Ariel Cunio, trois heures après mon enlèvement et ce jusqu’au moment où j’ai rencontré Gadi [Mozes, relâché en même temps qu’elle]. Vous pouvez vous imaginer certaines des horreurs que j’ai vécues pendant ma captivité, des horreurs que vous avez tous vues le jour de ma libération », a écrit Yehud.
« Malgré ça, je suis revenue avec pour objectif de sauver mon bien-aimé Ariel, son frère David et tous les autres otages… avec, en plus, la perspective de la longue période de rétablissement et de réadaptation qui est devant moi ».
Elle a rappelé la manière dont elle avait supplié son père de ne pas abandonner le combat, quelques heures après son retour en Israël.
« J’ai besoin d’Ariel pour me rétablir », a-t-elle écrit dans sa déclaration faite aux députés. « Faites revenir tout le monde en une seule fois – les vivants et les morts – et n’effrayez pas les citoyens avec l’éventuel prix qui sera à payer. Soyez vous-mêmes effrayés, c’est peut-être ce qui garantira que vous protégerez mieux les citoyens de ce pays à l’avenir ».

Yehud, 29 ans, avait été libérée à Khan Younès en même temps que Gadi Mozes, 80 ans, le 30 janvier – à l’occasion d’une remise chaotique des deux otages à la Croix Rouge. Les deux captifs avaient été contraints de défiler, entourés d’hommes armés du Hamas, à travers une foule chauffée à blanc, au cours d’une cérémonie mise en scène qui avait duré plus d’une heure.
Yehud et Mozes, qui avaient été kidnappés au kibboutz Kfar Aza, avaient été relâchés en même temps que cinq ressortissants thaïlandais, 482 jours après avoir été enlevés lors du massacre perpétré par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023. Agam Berger, une observatrice de Tsahal, avait été remise en liberté le même jour dans le nord de Gaza.
Les manifestants qui se sont rassemblés samedi à Tel Aviv – et dans tout le pays – ont appelé avec conviction le gouvernement à mener l’accord de cessez-le-feu en cours jusqu’à son terme dans le but de garantir la libération des captifs et ce jusqu’au dernier d’entre eux.
Un appel lancé alors que Netanyahu continue de répéter que la guerre se poursuivra et que le cessez-le-feu actuel n’est que temporaire. Les groupes de soutien aux captifs craignent que si les combats reprennent avant que tous les otages ne soient libérés, certains d’entre eux ne soient définitivement abandonnés aux mains de leurs geôliers.
Certains ont insisté sur la nécessité de conclure un accord prévoyant la libération de tous les otages restants en une seule fois.
Soixante-treize des 251 otages enlevés par le Hamas, le 7 octobre 2023, se trouvent toujours à Gaza, y-compris les corps sans vie d’au moins 34 personnes dont la mort a été confirmée par l’armée israélienne.

Le Hamas a jusqu’à présent libéré 21 otages – civils, soldats et ressortissants thaïlandais – au cours du cessez-le-feu qui a débuté au mois de janvier.
Le groupe terroriste avait relâché 105 civils lors d’une trêve d’une semaine survenue à la fin du mois de novembre 2023 et quatre otages avaient recouvré la liberté auparavant. Huit otages ont été sauvés vivants par les soldats, et les corps sans vie de 40 otages ont également été retrouvés – dont trois qui avaient été accidentellement tués par l’armée israélienne alors qu’ils tentaient d’échapper à leurs ravisseurs.
Le Hamas détient également deux civils israéliens qui étaient entrés de leur propre gré dans la bande de Gaza en 2014 et 2015, ainsi que le corps sans vie d’un soldat de Tsahal qui avait été tué en 2014. La dépouille d’un autre soldat, qui avait, lui aussi, perdu la vie en 2014, a été récupéré à Gaza au mois de janvier.