Armée : moins de plaintes de soldats, mais plus de plaintes graves recensées
Dans son rapport annuel, le médiateur de l'armée, relevant du ministère de la Défense, a notamment souligné de nombreux cas d'injures racistes contre des soldats
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
Mercredi, le bureau du médiateur de l’armée israélienne a annoncé qu’il avait reçu moins de plaintes de la part de soldats que l’année précédente. Il a cependant enregistré une légère augmentation dans la gravité des plaintes déposées pour mauvais traitement ou abus de la part de leurs commandants.
Le rapport annuel du médiateur comprend des milliers de plaintes de conscrits et de soldats de carrière, dont des accusations d’une inefficacité bureaucratique rampante.
Le rapport a été présenté au ministre de la Défense Naftali Bennett et à la puissante commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, mais aussi aux hauts gradés de l’armée israélienne.
Le document a été rédigé par l’actuel médiateur de l’armée, le général Eitan Dahan (réserve), officiellement connu comme l’officier en chef des plaintes, qui travaille pour le ministère de la Défense.
Au cours de l’année 2019, le bureau du médiateur a reçu 6 114 plaintes de la part de soldats israéliens ou de leurs parents, une chute de 10 % par rapport à l’année précédente. Le bureau d’Eitan Dahan a examiné chacune des plaintes : une majorité d’entre elles – 59 % – étaient légitimes, les autres se sont révélées fausses ou insignifiantes.
Ce document est établi chaque année sur la base de plaintes écrites de soldats, d’entretiens et d’études des rapports militaires internes, afin d’identifier les tendances inquiétantes et positives au sein de l’armée.
Même si une baisse globale du nombre de plaintes a été constatée, le médiateur a mis en évidence une augmentation du nombre et de la gravité des insultes et agressions physiques de la part des commandants à l’égard de leurs subordonnés. Certains officiers ont frappé ou se sont battus avec eux, et des propos racistes ont été tenus à l’encontre de soldats d’origine éthiopienne.
Dans un des cas rapportés, un soldat est rentré à sa base après un jour de jeûne religieux – quand il est généralement mal vu de se raser – avec une barbe de trois jours. Un des commandants de la compagnie a alors sorti un couteau à cran d’arrêt et l’a placé sur le cou du soldat, tout en passant sa main sur la joue non rasée du soldat. Il a ensuite expliqué qu’il plaisantait et qu’il n’avait pas l’intention de faire de mal au soldat.
Le commandant du bataillon l’a sanctionné et a discuté de l’incident avec les soldats de l’unité, a indiqué Eitan Dahan.
Dans une autre affaire, un sous-officier a dit à une soldate de la communauté éthiopienne qu’elle n’était pas Juive.
« [Les Juifs éthiopiens] ne sont pas Juifs, vous êtes des non Juifs, et vous vous comportez pire que les Arabes », a déclaré le sous-officier selon les souvenirs de la soldate, en référence à une série de manifestations organisées par des membres de la communauté éthiopienne en réponse à la violence policière.
Le document de cette année incluait également de nombreuses conclusions déjà présentes dans des rapports des années précédentes : des commandants ne parvenant pas, sciemment ou non, à fournir aux soldats les services imposés par le protocole militaire ; des commandants parlant de manière non professionnelle et blessante à leurs subordonnés, parfois en public ; du personnel médical qui ne parvient pas à subvenir aux besoins des soldats sous leur garde et la mauvaise gestion générale de la bureaucratie.
Eitan Dahan a noté qu’il y avait un problème général de mauvais suivi des dossiers dans l’armée, ce qui, selon lui, « pouvait indiquer une culture organisationnelle problématique et, dans certains cas, un manque de professionnalisme ».
Le médiateur s’est également inquiété du nombre disproportionné de plaintes de la part de soldats de carrière. Il estime que cela devrait servir de « signal d’alarme » pour les pontes de l’armée, indiquant une forme de problème structurel.
« Je n’ai aucun doute que quand un soldat de carrière dépose une plainte, il y a dans cette plainte beaucoup plus que ce que l’on voit, un problème de relation avec son commandant ou une perte de confiance dans les organisations qui ont pour vocation de s’occuper de l’individu », a-t-il écrit dans le rapport.
On ne sait pas précisément pourquoi il a insisté sur la question du personnel militaire de carrière cette année, alors que leurs récriminations représentaient en 2019 la même proportion que l’année précédente – environ 12 % des toutes les plaintes.
Côté positif, le médiateur a noté que les efforts réalisés par l’armée pour améliorer son service auprès des jeunes avant leur conscription étaient payants, même s’il y avait encore beaucoup de chemin à parcourir.
L’armée a réagi au document, déclarant qu’elle était ouverte à la critique et qu’elle travaillait pour traiter les problèmes identifiés.
« L’armée doit examiner les conclusions du rapport, en tirer des leçons et faire les corrections nécessaires aussi vite que possible », a-t-elle réagi dans un communiqué.