Arthur Langerman et sa collection d’objets antisémites, au CCLJ de Bruxelles
L'exposition présente 300 illustrations antisémites, parmi les 9 000 objets rassemblés par Arthur Langerman, enfant caché pendant la Shoah et fils d'une victime du nazisme
Enfant caché pendant la Shoah, Arthur Langerman est, après une carrière de diamantaire à Anvers, devenu collectionneur. Un collectionneur quelque peu particulier : il détient l’une des plus grandes collections privées d’objets et images antisémites au monde, qui constituent le fonds des « Archives Arthur Langerman pour la recherche sur l’iconographie antisémite ».
Une partie de sa collection sera présentée, jusqu’au 15 décembre 2020, au Centre communautaire laïc juif de Bruxelles, dans l’exposition « Plume de fiel, Images de haine. Esquisse d’une collection insolite ».
Le projet présente 300 illustrations antisémites, parmi les 9 000 objets rassemblés par Langerman, élu « Mensch de l’année 2020 » par la revue belge Regards.
Par ces objets, artefacts et images nazis, Arthur Langerman, qui a perdu son père pendant la Shoah, dit étudier l’histoire et la géographie de l’antisémitisme. « La plupart des gens, dont mes parents, ne mesuraient pas l’ampleur de ce qui se passait », dit-il. « On a commencé à tuer des Juifs dès 1933, mais ils ont cru qu’il ne leur arriverait rien, ils ont même eu un enfant pendant la guerre. S’ils avaient vu toutes ces images que j’ai devant moi, ils auraient compris. Ils auraient peut-être fui. »
« J’ai entamé cette collection pour comprendre le regard qui est posé sur les Juifs », ajoute-t-il. « En filigrane, il y a cette question qui me hante depuis toujours : qu’ont fait ces 16 millions de Juifs pour qu’on en vienne à les exterminer ? Or, en 1939, 16 millions de Juifs sur une population de 2 milliards, c’est marginal. Qu’ils soient riches ou pauvres, grands ou petits, laids ou beaux, bêtes ou intelligents, la haine dont ils font l’objet est la même ».

La collection, confiée l’an dernier au Centre pour la recherche sur l’antisémitisme de la Technische Universität de Berlin, donne ainsi un aperçu de la folie haineuse et sanguinaire des hommes. Elle rend compte de la force des images et de la propagande, et retrace l’historique de l’antisémitisme, notamment en Belgique.
« Le visiteur est invité à suivre le fil rouge qui se déroule depuis l’antijudaïsme païen et religieux d’abord, jusqu’à l’antisémitisme social et politique, ensuite », écrit le Centre. « Il s’agit d’affronter la représentation du Juif, de l’Antiquité à nos jours, pour tenter de mieux comprendre comment cette iconographie s’est-elle profilée et transmise au fil des siècles en Europe — du nord au sud, d’ouest en est —, aux Etats-Unis d’Amérique, et ailleurs… »
De nombreux objets sont ainsi présentés, allant de tableaux, gravures, esquisses, dessins, statuettes en bois, photographies, archives, livres, livrets, pamphlets, posters, cartes postales internationales, à des objets insolites (pommeaux de cannes, pipes, chopes à bière, cagnottes, plaques émaillées, pins, cendriers, boîtes d’allumettes, brassards…).
La collection avait déjà été présentée partiellement au Mémorial de Caen en 2017. L’ouvrage Dessins assassins ou la corrosion antisémite de Stéphane Grimaldi, publié chez Fayard, ainsi que le documentaire « Le Collectionneur », la présente.
L’exposition actuelle, présentée sur des panneaux explicatifs, organisée à l’occasion des 60 ans du Centre communautaire laïc juif, est destinée à être présentée dans les écoles.
Arthur Langerman proposera une visite guidée le mercredi 28 octobre, à 15h (réservation obligatoire au 02/543.01.01 ou info@cclj.be).