Attentat de l’AMIA : début du procès pour entrave à l’enquête – sans Menem
Le procureur en charge du dossier, Alberto Nisman, est mort en janvier dans des circonstances non élucidées dans son appartement
Le procès pour entrave à l’enquête sur l’attentat de la mutuelle juive AMIA de Buenos Aires (85 morts en 1994) a débuté jeudi dans la capitale argentine malgré l’absence de l’ex-président Carlos Menem, l’un des 13 accusés.
Carlos Menem, 85 ans, à la tête de l’Argentine de 1989 à 1999, a invoqué des problèmes de santé pour expliquer son absence, comme son ancien chef des services de renseignement Hugo Anzorreguy, également jugé à partir de jeudi. L’annonce de l’absence de Menem a été ponctuée de sifflets dans la salle d’audience.
En revanche, le juge en charge de l’instruction du dossier (1994-2003), Juan José Galeano, était présent. Il est accusé d’avoir remis un pot-de-vins en échange de faux témoignages.
Pour Adriana Reisfeld, la présidente de Mémoire active, une association de victimes de l’attentat, partie civile, « c’est le moment et le lieu pour qu’ils disent la vérité ».
Après 21 ans d’impunité, un procès de prétendus responsables en 2004 qui n’est pas allé à son terme et s’est soldé par un acquittement général, les familles de victimes auraient préféré assister au procès des responsables.
Pour la justice argentine, c’est l’Iran qui a commandité l’attentat, chargeant le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah de perpétrer l’attaque. Elle a lancé en 2007 des mandats d’arrêt contre des hauts fonctionnaires iraniens, dont l’ex-président Ali Rafsanjani (1989-1997). L’Iran nie toute responsabilité.
Menem, Anzorreguy et Galeano sont accusés d’avoir prématurément privilégié la piste iranienne et d’avoir écarté d’autres hypothèses.
Mort d’un procureur
Une piste syrienne a un temps été évoquée, de même que l’éventuelle culpabilité d’un groupe d’extrême-droite.
Parmi les accusés, on compte aussi deux anciens commissaires jugés pour avoir perdu plusieurs centaines d’enregistrements d’écoutes téléphoniques, deux anciens magistrats et le président de la Délégation des associations juives d’Argentine (DAIA) dans les années 1990, Ruben Beraja.
Beraja a confié à une journaliste de l’AFP qu’il ne pensait pas que le procès permettrait d’avancer sur le terrain de la vérité.
« Tout cela tient plus à la scénographie. Il est absurde que je sois accusé », dit Beraja. « Cette affaire est enterrée ».
Carlos Telleldin, soupçonné d’avoir fourni le véhicule ensuite bourré d’explosifs, puis d’avoir accepté un pot-de-vins, ainsi que son épouse, figurent parmi les accusés. Arrêté peu après l’attentat, Carlos Telleldin a déjà purgé 10 ans de détention préventive et fait partie des acquittés du procès avorté de 2004.
« C’est un procès d’une grande importance, ceux qui savent sont là », affirme le secrétaire général de la DAIA, Jorge Knoblovits, qui regrette que la piste syrienne n’ait pas été davantage examinée.
« C’est une nouvelle occasion, dit-il, pour exhumer la vérité et savoir ce qui s’est passé dans cette enquête ».
Le dossier judiciaire AMIA compte 600 tomes et 113 000 pages, mais aucun relevé d’empreintes digitales ou d’ADN n’ont été effectués sur les lieux de l’attentat.

En janvier, le procureur en charge du dossier AMIA depuis 2005, Alberto Nisman, est mort dans des circonstances non élucidées dans son appartement de Buenos Aires alors qu’il venait d’accuser publiquement la présidente Cristina Kirchner d’avoir cherché à épargner l’Iran.
Deux ans avant l’AMIA, en 1992, un attentat à la voiture piégée avait visé l’ambassade d’Israël dans la capitale argentine, faisant 29 morts et 200 blessés.
Pour Israël, il ne fait aucun doute que les deux attentats sont liés et ont été commandités par Téhéran.
Environ 140 témoins sont attendus à la barre et le procès devrait durer plusieurs mois.