Attentat rue des Rosiers : la Jordanie refuse l’extradition de 2 suspects
L'attentat avait fait six morts et 22 blessés en 1982 dans le quartier juif parisien du Marais
La justice jordanienne a rejeté l’extradition vers la France de deux suspects installés en Jordanie, dont le cerveau présumé, de l’attentat contre un restaurant juif de la rue des Rosiers, à Paris, qui avait fait six morts en 1982.
La justice française avait émis en 2015 quatre mandats d’arrêts internationaux contre des membres présumés du commando qui avait semé la terreur dans cette rue du Marais, au cœur de Paris, il y a près de 34 ans.
L’un d’eux visait le Jordanien d’origine palestinienne Souhair Mouhamed Hassan Khalid al-Abassi, alias « Amjad Atta », présenté comme le cerveau de cette attaque.
L’homme aujourd’hui âgé de 62 ans vit depuis des années en Jordanie où il travaillait comme employé dans la construction, a indiqué une source des services de sécurité jordaniens à l’AFP.
La justice jordanienne a refusé de le livrer à la France car un accord d’extradition entre Paris et la Jordanie n’était pas encore entré en vigueur au moment de son arrestation, a expliqué à l’AFP une source judiciaire à Amman sous couvert de l’anonymat.
Signé en 2011, cet accord n’est entré en vigueur qu’en juillet 2015 tandis que M. Abassi avait été arrêté le 1er juin à Zarqa, une ville située à une trentaine de kilomètres de la capitale jordanienne puis libéré sous caution. Zarqa abrite un important camp de réfugiés palestiniens.
Le rejet de l’extradition de M. Abassi a été décidé le 29 octobre 2015, selon la source judiciaire.
La Jordanie ne remettra pas non plus le deuxième suspect jordanien réclamé par la France, Nizar Tawfiq Mussa Hamada, 54 ans, « en raison du dépassement du délai de prescription » pour les faits qui lui sont reprochés, a précisé la justice jordanienne dans une décision dont l’AFP a obtenu une copie.
L’avocate du suspect, Nour al-Iman, a affirmé à l’AFP que la cour a également jugé que la demande d’extradition formulée par Paris ne comprenait pas suffisamment de pièces à conviction pour permettre un éventuel procès en Jordanie.
‘Consterné’
« Je suis consterné. On attendait des autorités jordaniennes un message fort dans la lutte antiterroriste. C’est une décision de politique interne pour ménager la paix sociale en Jordanie. On espère vivement que les autorités françaises continueront leurs efforts pour que les suspects puissent comparaître devant la justice », a déclaré à l’AFP David Père, avocat de l’Association française des victimes du terrorisme, partie civile dans le dossier.
De source judiciaire française, on se dit « pas surpris par cette décision jordanienne qui était attendue ».
La Jordanie n’accepte que très rarement d’extrader ses citoyens vers d’autres pays.
Si aucun des suspects n’était remis à la France, la justice française pourrait décider de juger les suspects par contumace.
En plus des deux Jordaniens, la justice française recherche deux autres membres présumés du commando, Mahmoud Khader Abed Adra, alias « Hicham Harb », 59 ans, qui vit aujourd’hui en Cisjordanie, un territoire palestinien occupé par Israël et Walid Abdulrahman Abou Zayed, alias « Souhail Othman », 56 ans, qui vit en Norvège.
L’attentat de la rue des Rosiers avait été attribué à un groupe palestinien dissident de l’Organisation de libération de la Palestine du défunt leader Yasser Arafat, le Fatah-Conseil révolutionnaire (Fatah-CR) d' »Abou Nidal ».
Les suspects, identifiés grâce à des témoignages anonymes, sont soupçonnés d’avoir appartenu au groupe d’Abou Nidal, un homme mort en 2002 dans des circonstances mystérieuses.
Le 9 août 1982 à la mi-journée, une grenade avait été jetée dans le restaurant casher de Jo Goldenberg à Paris. L’engin avait explosé au milieu d’une cinquantaine de clients. Deux tueurs étaient ensuite entrés, ouvrant le feu.
Composé de trois à cinq hommes armés, selon une source proche du dossier, le commando avait ensuite remonté la rue, vidant en direction des passants les chargeurs de leurs pistolets-mitrailleurs. Bilan six morts et 22 blessés.