Au cœur du long combat pour l’adoption de la « loi sur les rabbins » controversée du Shas
Les critiques ont affirmé que la législation qui autoriserait le ministre des Services religieux à allouer des fonds supplémentaires aux conseils religieux est "essentiellement une loi sur l'emploi assortie d'un chèque en blanc"
Lundi dans la soirée, après plus d’un an d’efforts, les députés ont approuvé en première lecture, devant la Knesset, la dite « loi sur les rabbins II », avec 52 votes « Pour » et 39 votes « Contre ».
La législation – un amendement apparemment prosaïque à la Loi sur les services religieux – vise à réguler les contributions apportées par le gouvernement et par les municipalités locales aux instances chargées des services religieux communautaires.
Si elle est moins connue que certaines législations particulièrement sensibles qui secouent actuellement le Parlement israélien – la loi sur la garde d’enfants et celle sur le recrutement militaire – elle s’avère être, en fin de compte, tout aussi polémique. La coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu a ainsi bloqué, de manière répétée, toutes ses avancées – au grand dam de ses soutiens au sein du parti ultra-orthodoxe Shas.
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Élargir l’influence du grand-rabbinat
Le dernier chapitre de cette longue histoire s’est ouvert au mois de juin – lorsque les législateurs de la commission de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset ont fait resurgir une version antérieure du texte. Une version qui aurait considérablement accru l’influence du grand rabbinat et du ministère des Services religieux dans la nomination des rabbins municipaux – au détriment des autorités locales – et qui aurait porté atteinte au rôle tenu par les femmes dans ce processus.
Si une initiative antérieure visant à redonner de l’élan à la législation, au mois de mars dernier – elle avait été proposée pour la toute première fois à la mi-2023 mais elle avait été gelée après le pogrom du 7 octobre – avait échoué en raison des protestations des partenaires de coalition laïques du Premier ministre, la sortie des formations HaMahane HaMamlahti et Tikva Hadasha du gouvernement, dans l’intervalle, avait supprimé le dernier obstacle à sa réintroduction.
Si elle est adoptée, la Loi sur les rabbins coûterait des dizaines de millions de shekels par an aux contribuables pour payer les salaires de centaines de nouveaux rabbins employés par les municipalités.
Elle vise à créer des centaines d’emplois qui seront financés par des fonds publics, tout en accordant au Grand Rabbinat d’Israël un droit de regard considérable sur la nomination de tous les nouveaux rabbins des municipalités – ce qui a amené les critiques à l’accuser de chercher à fournir des emplois aux apparatchiks du Shas.
Elle abaisse également le nombre minimum de femmes requis au sein des commissions chargées de nommer les rabbins en le faisant passer de 40 % à seulement un tiers, et elle donne, dans les faits, aux personnes qui seront nommées un poste garanti qu’elles pourront occuper jusqu’à l’âge de 75 ans.
La révolte des députés du Likud
La réintroduction du texte, au mois de juin dernier, avait entraîné une réaction vive et immédiate de la part des députés du Likud qui avaient accusé l’auteur du projet de loi, Erez Malul, parlementaire du Shas, et le président de la Commission Simcha Rothman (Hatzionout HaDatit) de vouloir faire adopter « furtivement » une loi « qui provoque la division » en période de guerre.
Finalement, le Premier ministre Netanyahu avait été contraint d’ordonner que le projet de loi soit retiré de l’ordre du jour de la Knesset après que les députés Moshe Saada et Tally Gotliv ont empêché son avancée au sein de la commission, suscitant la colère du Shas.
« Il n’y a pas de coalition, il n’y a pas de discipline et le plus frustrant, c’est que le Likud est un parti composé de 35 factions distinctes », avait déclaré un responsable du Shas devant les caméras de la chaîne nationale Kann. Il avait averti que « la dissolution complète de la coalition n’est qu’une question de temps ».
Révision
Face à l’échec, les soutiens de la proposition s’étaient regroupés – Malul, du Shas, soumettant une version adoucie qui accordait au ministre des Services religieux l’autorité nécessaire pour allouer des fonds supplémentaires aux conseils religieux locaux dans tout le pays.
Le nouveau projet de loi, qui avait été rapidement baptisé « projet de loi sur les rabbins II », avait immédiatement éveillé la méfiance des groupes de veille – qui craignent qu’il s’agisse d’un moyen détourné permettant de réintroduire certaines des dispositions incluses dans le texte initial, ce que Malul et d’autres partisans du projet de loi démentent avec vigueur.
Tel qu’il a été formulé sous la plume de Malul, le second projet de loi sur les rabbins viendrait amender la loi sur les services religieux de manière à ce que le ministre des Services religieux – c’est actuellement Michael Malkieli, du Shas – soit autorisé, après consultation avec le ministre des Finances, à payer des « dépenses salariales et à rémunérer des postes au-delà de ce qui est stipulé » dans la loi.
Selon les notes explicatives du projet de loi, la législation permettrait au gouvernement d’aider à payer les « salaires versés aux rabbins régionaux, aux rabbins des moshavim et aux préposés aux bains rituels sans faire peser la charge sur les autorités et les conseils régionaux » – et ce serait le cas à la fois dans les communautés dotées de conseils religieux et dans celles qui n’en ont pas.
S’exprimant, cet été, auprès du Times of Israel, Malul avait rejeté les inquiétudes exprimées par ses détracteurs, évoquant un « populisme de pacotille ».
« Il y a de nombreux rabbins municipaux dans les implantations ainsi que dess- kessim, ou kahenat – des responsables religieux de la communauté éthiopienne Beta Israel – dont les salaires sont versés suite aux décisions qui peuvent être prises par le gouvernement sans que cette manière de faire soit ancrée dans la loi », avait-il expliqué.
Souvent, les conseils religieux locaux « ne veulent pas participer à leur rémunération et nous sommes donc tout simplement en train de créer un nouveau cadre qui comprend… un budget particulier pour tous ces postes ».
Un levier contre Netanyahu
S’il n’a pas suscité le même torrent de critiques que sa version précédente, le second projet de loi sur les rabbins a également rencontré une forte opposition au sein de la coalition. Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, avait sabordé le projet de loi à trois reprises au mois de juillet – dans le cadre d’un conflit d’ordre politique avec Netanyahu sans lien avec le sujet, alors qu’il tentait de gagner plus d’influence au sein du gouvernement dans le contexte de la guerre en cours.
Dans le passé, Ben Gvir avait, à plusieurs reprises, réclamé d’intégrer le cabinet de guerre, la cellule de commandement militaire gouvernementale aujourd’hui défunte, disant vouloir prendre part au processus décisionnaire s’agissant de la prise en charge de la guerre. Et cela avait été à cette fin qu’il avait contré de manière active le projet de loi, exerçant ainsi des pressions sur le Premier ministre pour le convaincre de le nommer au sein du panel de premier plan.
Renaissance
Alors que le projet de loi semblait être mort-né – au moins temporairement – après les congés d’été de la Knesset, il a finalement été réinscrit à l’ordre du jour. Un revirement survenu après la marche arrière de Ben Gvir, qui avait obtenu de Netanyahu, entretemps, qu’il soit inclus dans les consultations ministérielles en matière de sécurité.
Mais si Ben Gvir n’a plus fait obstacle, le projet de loi a encore rencontré des difficultés avant sa première lecture, la faction ultra-orthodoxe Yahadout HaTorah affirmant que la législation avait été avancée par le Shas sans coordination préalable. Finalement, Yahadout HaTorah a renoncé à son objection, ayant obtenu l’assurance que la formation sera bien consultée avant les prochaines lectures.
Après avoir franchi le cap de la première lecture, la « Loi sur les rabbins II » va maintenant retourner devant la commission de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset. Elle y sera préparée en vue de sa deuxième lecture et de sa troisième lecture – qui sont nécessaires pour qu’elle ait force de loi.
Il est toutefois possible que la colère générale à l’égard de la communauté ultra-orthodoxe – une fureur suscitée par les initiatives prises par les Haredim pour conserver leur régime d’exemption de service militaire – rende l’approbation de la législation difficile à l’avenir.
Ce projet de loi « donne au ministre la capacité d’embaucher autant de rabbins qu’il le souhaite sans aucune limite » et il est essentiellement un projet de loi sur l’emploi assorti d’un chèque en blanc », a déclaré au Times of Israel le rabbin Seth Farber, directeur de l’organisation à but non lucratif ITIM, qui aide les Israéliens à naviguer dans la bureaucratie religieuse du pays, avant le vote de lundi. « C’est une véritable arnaque politique. »
« Le pire, pour moi, c’est qu’ils dépensent d’énormes ressources, à la fois politiques et financières, pour fournir des emplois à des personnes qui, pour la plupart, ne servent pas dans l’armée et qui n’assument pas le fardeau national – un fardeau qui est en ce moment la guerre que mène Israël sur plusieurs fronts », a-t-il ajouté.
« Ce n’est pas seulement irresponsable, c’est carrément insultant », s’est-il insurgé.
Canaan Lidor a contribué à cet article.
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