Israël en guerre - Jour 499

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Au son des sirènes, les survivants de la Shoah restent fermes

Avec des abris souvent inaccessibles, beaucoup des habitants âgés du sud sous les tirs ont peur de rester, mais plus encore de partir

Marissa Newman est la correspondante politique du Times of Israël

Un rescapé de la Shoah tient une canne au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem (Crédit : Pierre Terdjman/Flash90)
Un rescapé de la Shoah tient une canne au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem (Crédit : Pierre Terdjman/Flash90)

Lorsque les sirènes résonnent sans fin dans la petit ville du sud de Mavkiim, Magda Feldmar n’essaie pas de se rendre à l’abri, parce que cette survivante de l’Holocauste d’origine hongroise n’a nulle part où aller.

L’abri le plus proche se trouve à une dizaine de minutes de marche. Avec seulement 15 secondes à disposition lorsque les sirènes retentissent avant la chute des roquettes, Feldmar reste assise, seule, dans sa maison située à juste 7,2 kilomètres de la frontière avec l’enclave côtière très explosive. Elle attend dans l’angoisse qu’une autre salve de roquettes se termine.

Familière au front, Feldmar a immigré en Israël en 1948 après avoir perdu sa famille dans la guerre. Elle s’est installée dans une ville à la frontière nord avec son mari décédé, mais a déménagé huit ans plus tard lorsque les affrontements incessants depuis la Syrie étaient devenus insupportables.

« Ils tiraient tout le temps. Je me suis dit, j’ai déjà enduré assez d’épreuves, maintenant je veux juste un peu de calme », dit-elle, d’une voix tremblante, mais ferme.

Felrmar est une des 40 à 50 survivants de sa ville à vivre sans un abri adapté du fait que la législation gouvernementale ne finance des abris qu’à sept kilomètres de Gaza. Si la ville était juste à 200 mètres plus près de la bande de Gaza, elle en bénéficierait aussi, selon Rony Kalinsky, le directeur de la fondation pour le soutien des victimes de l’Holocauste en Israël.

On compte environ 100 000 surivants de l’Holocauste qui vivent à proximité de la ligne de feu de la bande Gaza, estime-t-il.

La fondation a mis en place une ligne d’urgence pour l’opération Bordure protectrice, en offrant des paquets de nourriture aux survivants, un soutien moral mais pas d’aides psychologiques (les volontaires répondent à la fois aux appels et contactent les survivants dans le sud pour proposer des aides) et la possibilité de trouver un logement temporaire dans le nord d’Israël tant que les violences continuent.

Cette dernière option, selon Yisraela Shwartzman, une travailleuse sociale pour la fondation, est rarement utilisée, et bien souvent, lorsqu’une place est trouvée, les survivants se rétractent.

« C’est difficile pour eux de quitter leurs maisons, de quitter leur cadre de vie », dit-elle. Il y a eu peu de cas où les survivants ont demandé à être relogés et on suivi la procédure jusqu’au bout, explique-t-elle. Il est rare que les vieux survivants se déracinent du confort et de la familiarité de leur maison. S’ils ont des problèmes de santé, cela devient encore plus compliqué.

Les problèmes des abris inadaptés et de la réticence à évaquer persiste également dans les plus grandes villes du sud, comme à Ashdod, à Ashkelon et à Beer Sheva, dont toutes ses villes ont des populations importantes de survivants.

Magda Feldmar (Crédit : autorisation)
Magda Feldmar (Crédit : autorisation)

Si les conditions sont légèrement meilleures qu’à Mavkiim, tous les immeubles résidentiels des villes du sud ne sont pas pourvus d’abris, et même si le Commandement militaire a publié une directive générale demandant aux personnes d’assister les anciens vers les abris, dans la plupart des cas, il n’y a tout simplement pas assez de temps.

Larissa Litvak prend son mari atteint d’une maladie chronique et le conduit en fauteuil roulant dans le séjour lorsque les sirènes retentissent à Beer Sheva. Elle pense que la pièce est orientée à l’est et elle considère que c’est l’endroit le plus sûr. L’abri le plus proche est de l’autre côté de la rue et avec le handicap de son mari, il est totalement impossible d’atteindre la zone fortifiée.

En relatant la fuite de sa mère de Kiev, avec elle-même, alors bébé, et son grand frère dans son sillage, la survie au bord de la famine, Litvak se trompe de manière révélatrice dans la prononciation de l’Armée Rouge (haTzava haAdom) avec celle des sirènes de l’alerte rouge (tzeva adom).

Si sa fille a incité sa mère et son père à venir vivre chez eux dans une autre partie de la ville avec un abri facilement accessible, Larissa reste chez elle.

« Ils veulent nous emmener [dans leur maison]. Mais je ne peux pas, parce qu’il est en fauteuil roulant, et un fauteuil roulant différent. Son oxygène et l’équipement pour la douche également sont différents », explique-t-elle.

Pour certains, refuser l’offre des leurs enfants est une question de conserver un semblant d’indépendance, même si cela implique d’être confrontés à la solitude.

Zvulun Hajaz de Beersheba déclare avoir 101 ans, mais il se sent en avoir 20 ans de moins. Au son des sirènes, Hajaz se rend dans une pièce non-fortifiée du côté de sa maison. « Ce n’est pas fortifié, mais c’est mieux que rien », dit-il. La nuit dernière, lorsque deux sirènes ont sonné, Hajaz, qui a perdu la vue il y a neuf ans, a boitillé vers la pièce et y est resté jusqu’au matin.

Le survivant tunisien des nazis, qui a émigré en Israël en 1949 et a perdu un enfant dans la guerre du Yom Kippour, est catégorique : il ne peut pas quitter sa maison et aller au Nord, malgré la guerre et la terrible solitude qu’il décrit.

« Mes enfants m’invitent [à rester avec eux], mais je connais ma maison, mon espace. Je peux prendre ma canne et aller à la salle de bains moi-même, mais si j’allais là-bas, je devrais appeler quelqu’un à chaque fois que j’ai besoin d’aller aux toilettes », explique-t-il.

Si Hajaz a une aide soignante quelques heures par jour, le flot de volontaire de la fondation qui fréquente sa maison ne sont pas arrivés, explique le porte-parole de la fondation, à cause de la situation sécuritaire.

« Dans dix minutes, elle rentre chez elle », déclare Hajaz de sa soignante, qu’il considère affectueusement comme sa fille. « Et grand-père Zevulun sera seul ».

L’instinct de survie

Kalinsky explique qu’à cause d’autres déluges de tirs de roquettes au cours des années passées, la fondation est malheureusement habituée à ce types de campagnes. Il est conscient que les difficultés des survivants de l’Holocauste sont différentes de celles du reste de la population âgée. Leur peur de l’abandon est plus prononcée, et leurs terreurs rappellent des mémoires horribles. Pourtant en parlant aux survivants eux-mêmes, leurs expériences passées semblent guider leur besoin de surmonter les événements.

Dans sa description de la situation au Sud, Feldmar change abruptement de sujet et évoque la vague de manifestations pro-palestiniennes et antisémites qui balaie l’Europe. « Je suis très en colère qu’ils veulent nous annihiler. Nous n’avons rien fait de mal. Nous voulons simplement vivre dans notre état », explique-t-elle.

« Pourquoi ? Qu’avons-nous fait ? Qu’avons-nous fait ? Nous voulons juste vivre. »

A Beer Sheva, Litvak insiste : « Si nous avons survécu jusqu’ici, nous survivrons… Nous sommes forts, ce que nous avons enduré pendant notre enfance, et maintenant nous avons un Etat. »

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