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Avec la Formule 1, Bahreïn travaille son image de tolérance post-Accords d’Abraham

Le royaume du Golfe, qui se veut un modèle de "coexistence pacifique moderne", parle de sa relation normalisée avec Israël comme d’un élément clé de sa politique étrangère

Un Boeing 787-9 Dreamliner de Gulf Air survole le circuit avant le Grand Prix de Formule 1 de Bahreïn, le 5 mars 2023. (Crédit : Giuseppe Cacace/AFP)
Un Boeing 787-9 Dreamliner de Gulf Air survole le circuit avant le Grand Prix de Formule 1 de Bahreïn, le 5 mars 2023. (Crédit : Giuseppe Cacace/AFP)

SAKHIR, Bahreïn – À l’occasion de l’ouverture de la saison 2023 de Formule 1, des dizaines de milliers de fans de sport automobile se sont retrouvés dans un endroit assez improbable, à savoir un circuit situé dans le désert de ce royaume du Golfe.

Depuis son ouverture en 2004, le circuit international de Bahreïn a accueilli un Grand Prix de F1 chaque année, à l’exception de 2011 et 2020, respectivement en raison d’importants troubles civils et de la pandémie de COVID-19.

Les organisateurs de la course de cette année ont enregistré une participation record, avec près de 100 000 fans qui ont pris part aux activités tout au long du week-end.

Archipel du golfe Persique, Bahreïn connait une affluence bien inférieure à celle d’autres endroits qui accueillent des courses de F1, comme par exemple Abou Dhabi.

Toutefois, la diversité de cette foule, composée de fans venus de Bahreïn, d’Europe – le cœur traditionnel de la F1 – ou d’ailleurs renforce le message de tolérance promu par les responsables locaux tout au long de l’événement.

Un élément central de cette campagne de relations publiques est l’établissement de relations diplomatiques avec Israël, dans le sillage des accords Abraham, conclus en 2020 sous les auspices des États-Unis et qui ont permis à l’État juif de normaliser également ses relations avec les Émirats arabes unis et le Maroc.

Bien qu’il manque à Bahreïn ce qui fait du Maroc et des Émirats arabes unis des destinations particulièrement prisées des Israéliens – à savoir des liens culturels juifs profonds et anciens dans le cas du premier et le statut de hub mondial de Dubaï dans le second –, les autorités de Bahreïn mettent en avant attraits historiques et culturels et opportunités commerciales.

Ils ne semblent pas perturbés par le rythme relativement lent auquel les relations se développent, favorables à une approche lente mais régulière qui, selon eux, est une garantie de succès sur le long terme.

Ils soulignent en outre que le soutien de Manama aux Palestiniens continuera à figurer à l’ordre du jour des relations avec Jérusalem, même s’il n’en constitue pas l’élément central.

« Une coexistence naturelle »

Le journaliste qui rédige ces quelques lignes a fait partie d’un petit groupe de journalistes du Moyen-Orient invités par le gouvernement bahreïni à une présentation de l’histoire de la F1 et d’autres événements internationaux dans le pays, reflets selon lui de l’histoire et de la vision d’une « coexistence pacifique et moderne réussie ».

« Nous, Bahreïnis, sommes fiers de vivre dans un archipel doté d’une riche histoire de plus de 5 000 ans, construite au fil du temps », explique Cheikh Abdulla bin Ahmed Al Khalifa, sous-secrétaire aux affaires politiques au ministère des Affaires étrangères de Bahreïn, lors d’un point de presse.

« Nous avons la conviction que Bahreïn est unique, unique dans le sens où cette coexistence … s’est développé naturellement. »

« Bahreïn est peut-être le seul pays de la région où vous trouvez des musulmans, des chrétiens, des hindous, des juifs, des bahaïs », ajoute-t-il.

Le pilote néerlandais Max Verstappen (au centre) de l’écurie Red Bull Racing mène la course lors du Grand Prix de Formule Un de Bahreïn, sur le circuit international de Bahreïn, à Sakhir, le 5 mars 2023. (Crédit : Giuseppe Cacace/AFP)

À mesure que Manama s’est rapproché de Jérusalem, les Juifs du royaume ont bénéficié de davantage de tolérance.

L’unique synagogue de Bahreïn, la Maison des Dix Commandements, y organise à nouveau des prière publiques après des dizaines d’années passées à prier de manière privée.

À la synagogue, où le Livre d’Esther a été lu cette semaine en l’honneur de la fête de Pourim, plusieurs objets exposés témoignent de cette nouvelle ère, comme cette plaque avec les Dix Commandements écrits en arabe ou le rouleau de la Torah remis au roi Hamad bin Isa Al Khalifa, lors d’une visite en 2020 du conseiller principal et gendre de l’ex-président américain Donald Trump, Jared Kushner, qui a joué un rôle de premier plan dans la conclusion des accords d’Abraham.

Les célébrations de Pourim elles-mêmes ont également ouvert une fenêtre sur Bahreïn, notamment en matière de relations étrangères, car y ont pris part des membres de la communauté locale, des Israéliens et des Juifs de passage, affectés à la cinquième flotte de la marine américaine, dont le quartier général est situé dans le pays.

Un rabbin lit le livre d’Esther lors des célébrations de Pourim à la Maison des Dix Commandements à Manama, à Bahreïn, le 6 mars 2023. (Crédit : Alexander Fulbright/Times of Israel)

Selon Khalifa, cette tolérance religieuse sur le plan intérieur se manifeste également dans la politique extérieure bahreïnie, dont l’un des principaux piliers est la promotion de la paix.

Il affirme qu’en la matière, « la conclusion des accords d’Abraham a sans doute été la mesure la plus importante prise par Bahreïn ».

« Nous sommes persuadés que le renforcement de la coopération et du développement au niveau de la région auront un impact positif sur la sécurité et la stabilité régionales », ajoute le diplomate de haut rang.

« Vers d’autres succès »

Au-delà de l’amélioration de la sécurité et de la stabilité, l’établissement de relations avec Israël offre également à Bahreïn des avantages économiques significatifs, conformes à sa volonté de ne plus dépendre uniquement de la production pétrolière.

Il souhaite en particulier développer le tourisme international, et le Grand Prix de F1 lui offre à ce titre une très belle vitrine publicitaire.

« Nous pensons que le tourisme israélien a toute sa place au sein de notre stratégie globale de promotion du tourisme à Bahreïn », explique à la presse Khalid Ebrahim Humaidan, directeur général du Conseil de développement économique de Bahreïn.

Il ajoute « qu’il y a certainement des opportunités dans d’autres secteurs », évoquant les capacités manufacturières de son pays et la robuste industrie technologique d’Israël.

« Nous avons de nombreux sujets communs avec les investisseurs israéliens », assure-t-il.

Vue de la skyline de Manama, le 28 février 2023. (Crédit : Giuseppe Cacace/AFP)

Humaidan reconnait que les relations économiques ont mis du temps à se développer depuis les accords d’Abraham, mais rappelle que Bahreïn se positionne sur le long terme.

« Il y a de belles opportunités en cours de conclusion et nous espérons qu’elles ouvriront la voie à d’autres succès », dit-il.

« Haro sur le développement de l’occupation »

Au milieu du concert d’éloges sur ces nouvelles relations diplomatiques, un irritant demeure, celui de la question palestinienne, même s’il a perdu en centralité.

Khalifa, responsable du ministère des Affaires étrangères, parle du conflit israélo-palestinien comme « du conflit historique le plus pertinent et le plus urgent de la région », que les relations avec Israël pourraient contribuer à résoudre.

« Cela demeure la pierre angulaire de la sécurité et de la stabilité régionales, et nous croyons plus que jamais que la solution à deux États réglera le conflit le plus long qu’ait connu la région », affirme-t-il.

« Il existe à n’en pas douter une vraie solidarité entre États arabes, musulmans et au-delà, de par le monde, pour aider les Palestiniens et soutenir leur droit historique à se doter d’un État indépendant ayant Jérusalem-Est comme capitale. »

« Nous croyons, à l’instar de la Jordanie et de l’Egypte, qu’entretenir des relations avec Israël améliorera les chances de parvenir à la paix dans la région, alors nous continuons à travailler et à construire sur cette base », ajoute-t-il.

Le président Isaac Herzog (à gauche) s’entretient avec le roi de Bahreïn Hamad bin Isa Al Khalifa (à droite) au palais Al-Qudaibiya à Manama, à Bahreïn, le 4 décembre 2022. (Crédit : Amos Ben-Gershom/GPO)

À la question d’un journaliste lui demandant de quelle manière les relations avec Israël pouvaient faire progresser la question des droits des Palestiniens, Khalifa répond : « Il ne fait aucun doute qu’il est exclu que l’occupation gagne du terrain ».

Il rappelle la proximité du mois du ramadan, soulignant que Bahreïn ne souhaite en rien « empêcher les gens de prier », allusion au mont du Temple dans la Vieille Ville de Jérusalem.

Malgré son ton volontiers critique sur la question palestinienne, Khalifa refuse de donner son avis lorsqu’on lui demande dans quelle mesure Bahreïn s’inquiète des manifestations contre la réforme judiciaire en Israël, très critiquées par les États-Unis et d’autres pays occidentaux.

« C’est un sujet de politique intérieure israélienne », dit-il.

« Ce qui nous intéresse et nous concerne au premier chef, ce sont nos relations bilatérales avec Israël. »

Le billet d’avion et les frais d’hébergement de l’auteur de cet article ont été pris en charge par le Centre national de la communication de Bahreïn.

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