Avec l’entrée de Gantz au gouvernement, l’extrême-droite est marginalisée
L'ancien chef d'état-major a su tirer parti du besoin gouvernemental de légitimité politique et d'expérience militaire pour obtenir un rôle réel d'influence

L’annonce de la formation d’un gouvernement d’urgence, mercredi – qui a été marquée par l’entrée de Benny Gantz et celle de son parti HaMahane HaMamlahti au sein du gouvernement – a répondu aux vœux exprimés par un grand nombre d’Israéliens, dans tout le pays, depuis l’assaut brutal et meurtrier du Hamas qui a eu lieu samedi : Un gouvernement plus large, plus représentatif pour la nation qui fait probablement actuellement face à la pire catastrophe jamais survenue depuis sa fondation.
Mais au-delà de l’aspect symbolique de la décision prise par Gantz d’intégrer son parti au sein du gouvernement – un scénario qui aurait encore été inimaginable il y a seulement une semaine – la mécanique issue de ce refaçonnement de l’administration du pays aura des implications majeures concernant deux choses en particulier : la gestion politique de la guerre et le programme de refonte du système judiciaire israélien qui a si gravement fracturé la nation au cours des neuf derniers mois.
La principale demande soumise par Gantz dans le cadre de son entrée possible au sein du gouvernement était la création d’un « cabinet de guerre » restreint qui dirigerait le conflit – une stipulation visant à lui accorder une influence significative dans le processus décisionnaire et à réduire celle des partis d’extrême-droite de la coalition, Hatzionout HaDatit et Otzma Yehudit.
L’ancien ministre de la Défense et chef d’état-major de Tsahal semble avoir atteint ses objectifs à ces deux égards.
Le cabinet de guerre qui sera constitué du Premier ministre Benjamin Netanyahu, du ministre de la Défense Yoav Gallant et de Gantz est en effet restreint – en particulier si on le compare au cabinet de sécurité, composé de dix membres, qui est chargé habituellement de superviser les décisions en matière de sécurité (le cabinet de guerre comprendra toutefois deux « observateurs » : Gadi Eisenkot, député HaMahane HaMamlahti et, lui aussi, ancien chef d’état-major et Ron Dermer, ministre des Affaires stratégiques).
Selon le document qui a été signé par les parties, mercredi, le cabinet de guerre sera autorisé par le cabinet de sécurité à déterminer les objectifs de la campagne actuelle sur tous les fronts ; à donner des ordres opérationnels aux forces de sécurité pour qu’elles mènent toutes les actions militaires nécessaires ou à formuler des stratégies de sortie. D’autres pouvoirs lui seront ultérieurement octroyés.

Pour résumer, selon l’accord, c’est le cabinet qui sera aux commandes, offrant à Gantz une influence et des responsabilités déterminantes en matière de conduite de la guerre.
Et, ce qui est crucial pour Gantz, le leader de Hationout HaDatit Bezalel Smotrich et le chef d’Otzma Yehudit, Itamar Ben Gvir, se trouvent par ricochet repoussés à la marge.
Tous les deux sont membres du cabinet de sécurité mais il semble dorénavant qu’ils n’auront que peu d’influence directe dans la conduite de la guerre. Gantz désirait ardemment qu’il en soit ainsi, afin que la guerre soit gérée de manière responsable et aussi en raison du sentiment de rejet que suscitent les deux extrémistes auprès de l’électorat modéré, de centre-droit, de Gantz.
Gantz et sa formation auront aussi une influence loin d’être négligeable sur certains pouvoirs relatifs aux compétences du cabinet de sécurité – les dossiers de sécurité intérieure qui sont placés sous la gouverne de Ben Gvir – dans la mesure où quatre membres de HaMahane HaMamlahti siègeront dorénavant au sein de l’instance, diluant l’influence de l’extrême-droite.

Également notable dans l’arrangement conclu entre Netanyahu et Gantz, la décision prise de laisser une place disponible au sein du cabinet de guerre à Yair Lapid, le président de Yesh Atid.
Si Lapid a, jusqu’à présent, refusé de rejoindre un gouvernement tant que Hatzionout HaDatit et Otzma Yehudit en resteront membres, cette ouverture offre à Lapid la capacité de réexaminer la question et au gouvernement d’urgence la possibilité d’élargir encore davantage la coalition.
L’arrangement ne prévoit pas, en revanche, une potentielle place pour le leader de Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, dans le cabinet de guerre, même si ce dernier devait décider d’intégrer le gouvernement.
Autre aspect crucial de l’accord conclu, celui que les législations et autres résolutions gouvernementales ne pourront pas être faites sans Gantz, à l’exception des affaires sécuritaires et diplomatiques et des dossiers relatifs au maintien du fonctionnement du pays dans cette période de conflit.
Ainsi, le plan de refonte radicale du système judiciaire, qui avait ébranlé la nation et déchiré la société israélienne depuis le début de l’année, a donc été officiellement mis en suspens pour le moment – et très probablement pour de bon.
Les échecs lourds de conséquences de l’armée, des services de renseignement et du gouvernement qui auront finalement permis au Hamas de commettre son carnage barbare ont d’ores et déjà semé le doute sur l’avenir politique du gouvernement actuel – et de Netanyahu en particulier – une fois que la guerre sera terminée.
A la fin du conflit, les récriminations commenceront à se faire sérieusement entendre et le gouvernement ne disposera d’aucun capital politique pour faire adopter ce qui était déjà un projet d’affaiblissement du système judiciaire israélien incroyablement clivant.

En insistant sur des demandes réalistes, Gantz est parvenu à endosser le costume de leader politique responsable et à éviter de donner le sentiment de s’adonner à des manœuvres de politique politicienne à un moment de crise nationale d’une extrême gravité.
Concernant Lapid, il n’a jamais paru probable que Netanyahu apporte une réponse favorable à sa demande d’exclure Hatzionout HaDatit et Otzma Yehudit du gouvernement pour laisser le champ libre au ralliement de celui qui est actuellement le chef de l’opposition – et c’est cette demande qui le laisse aujourd’hui sur la touche.
Gantz prend un risque politique en assumant désormais des responsabilités dans les retombées d’un désastre survenu sous la garde d’un autre que lui. Mais il peut aussi légitimement se targuer d’être parvenu à marginaliser les extrémistes à une période de nécessité par le biais de la formation d’un cabinet de guerre, préservant de cette façon son statut de centriste modéré. Ce qui fait de l’initiative qu’il a décidé de prendre aujourd’hui une initiative très différente de la décision qu’il avait prise, en 2020, de s’unir à Netanyahu dans le cadre d’un gouvernement d’unité – une expérience qui avait été funeste pour lui. Un grand nombre de membres du centre-gauche avaient déclaré, à l’époque, qu’il s’était vendu. Aujourd’hui, aussi nombreux sont ceux qui le considèrent comme un sauveur.
Et, en mettant de côté la politique, il faut vraiment dorénavant espérer que son expérience de chef d’état-major et de ministre de la Défense, une expérience qui se combine à celle d’Eizenkot, dynamisera réellement la capacité du gouvernement à mener cette guerre de manière réussie et à vaincre l’ennemi barbare qui en a été à l’origine.
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