Avec les regards tournés vers Gaza, le Hamas pourrait bien mettre le feu à la Cisjordanie
La popularité du groupe terroriste a explosé avec la perte de confiance des Palestiniens en Abbas, des raids militaires qui ont fait des centaines de morts et les violences des extrémistes israéliens
Pendant la pause d’une semaine dans les combats opposant Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, une trêve qui s’est terminée vendredi, c’est une foule de Palestiniens en liesse qui s’est réunie aux abords de la prison militaire d’Ofer pour saluer les détenus sécuritaires – femmes et adolescents – relâchés dans le cadre d’un accord de cessez-le-feu temporaire.
Les drapeaux du Hamas étaient nombreux dans l’assistance tandis que les ex-prisonniers – même ceux qui sont affiliés à d’autres factions palestiniennes – ont remercié le commandant militaire du groupe terroriste de la bande, Muhammad Deif et son chef politique, Yahya Sinwar. Les responsables de l’Autorité palestinienne brillaient, de leur côté, par leur absence – ils n’étaient d’ailleurs pas les bienvenus dans cette océan de vert.
Avant même le conflit actuel – qui a commencé le 7 octobre lorsque des milliers de terroristes du Hamas ont envahi le sud d’Israël, semant la désolation dans les communautés, tuant 1 200 personnes, des civils en majorité, et enlevant 240 personnes prises en otage dans la bande de Gaza – Israël comptait des milliers de prisonniers incarcérés pour atteinte à la sécurité nationale dans ses cellules. Le 17 octobre, Israël avait annoncé avoir placé en détention 118 « combattants hors-la-loi » qui avaient été capturés pendant et après les atrocités du 7 octobre. Aucun chiffre réactualisé n’a été rendu public depuis.
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La question des prisonniers est depuis longtemps une priorité préoccupante pour les Palestiniens – et il est évident que le Hamas a remporté une nouvelle et précieuse influence politique en obtenant la remise en liberté de 240 détenus dans l’accord portant sur les otages.
En plus du massacre du 7 octobre – qui est considéré par de nombreux Palestiniens comme une réussite militaire importante qui, de surcroît, a permis de raviver l’intérêt pour la cause palestinienne à l’international (même au prix d’une catastrophe humanitaire à Gaza) – il est facile de comprendre pourquoi le Hamas jouit dorénavant d’un soutien sans précédent en Cisjordanie.
Selon un sondage réalisé pour le Monde arabe pour la Recherche et le Développement (AWRAD), l’aile militaire du Hamas, les brigades Ezzedine al-Qassam, ont connu un incroyable essor de 89 % dans le soutien apporté par le public de Cisjordanie depuis le début de la guerre. Son porte-parole, Abu Obeida, était devenu un héros pour de nombreux jeunes pendant l’Opération Gardien des murs, en 2021.
La popularité du Hamas grimpe en flèche
Le Hamas – et en particulier l’aile militaire du groupe terroriste – connaît un important essor de popularité tandis que la réputation de l’Autorité palestinien subit des dégâts immenses dans la rue palestinienne.
Même si le président de l’AP, Mahmoud Abbas, est critiqué en Israël pour avoir refusé de condamner ouvertement les atrocités du 7 octobre, il est accusé en Cisjordanie par ses nombreux ennemis – le Hamas le premier – d’être un traître, un collaborateur d’Israël. A la fin du mois dernier encore, des Palestiniens armés auraient tué deux informateurs présumés d’Israël à Tulkarem, une ville de Cisjordanie, et une foule très emportée aurait traîné et piétiné leurs corps sans vie dans les rues. Il est difficile de dire où se trouvaient les forces de sécurité palestiniennes lors de cet incident.
Des exécutions qui ont signalé de manière claire une dynamique du pouvoir qui est en train de changer en Cisjordanie, avec un message effrayant qui est ainsi transmis à Ramallah. Le Hamas, pendant ce temps, ne fait guère preuve de circonspection en ce qui concerne ses objectifs. Lorsque le groupe terroriste a mobilisé la rue palestinienne, la nuit du 19 octobre, après une explosion survenue à l’hôpital baptiste Al-Ahli – la déflagration avait été apparemment causée par une roquette errante du Jihad islamique palestinien – il a appelé non seulement à la victoire face à Israël, mais au démantèlement du régime d’Abbas.
Contrairement à son prédécesseur Yasser Arafat, Abbas a évité les violences contre Israël. Mais sa diplomatie n’a eu que peu de résultats en matière d’indépendance palestinienne, ce qui fait de lui une cible facile pour ses opposants violents du Hamas.
L’huile sur le feu : attentats terroristes et violences des résidents d’implantation
Pendant sa rencontre avec les leaders israéliens, le 30 novembre, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a, une nouvelle fois, souligné qu’il était nécessaire, pour Israël, de faire assumer sans délai leurs responsabilités aux partisans du mouvement pro-implantation qui commettent des violences à l’encontre des Palestiniens, en Cisjordanie.
Même si ces attaques sont sous-estimées en Israël, les violences commises par les résidents d’implantation extrémistes sont très répandues – et de nombreux Palestiniens connaissent ce phénomène, hélas devenu familier pour eux. Dans le passé, il s’agissait de biens incendiés et d’altercations physiques – qui n’ont fait que se renforcer en intensité depuis le début du conflit actuel. Les Palestiniens ont également fait état de violences et de meurtres, affirmant par ailleurs que l’armée israélienne ne fait que peu de choses pour les protéger face aux partisans du mouvement pro-implantation les plus radicaux.
De leur côté, les résidents d’implantation ont manifesté aux abords du bureau du Premier ministre à Jérusalem, disant que leur vie était en péril en raison de la riposte insuffisante de l’État juif face aux attentats terroristes meurtriers qui ont été perpétrés en Cisjordanie.
Depuis le massacre du 7 octobre, l’armée mène des opérations agressives à Jénine, à Naplouse, à Tulkarem et dans d’autres villes et villages de la Cisjordanie pour déjouer des attaques terroristes programmées, pour éliminer les tunnels souterrains et pour confisquer des armements meurtriers.
Selon le ministère de la Santé placé sous la direction de l’Autorité palestinienne, 225 Palestiniens ont trouvé la mort au cours de ces opérations et pendant des affrontements avec les militaires – et, dans quelques cas, ils ont été tués par des partisans du mouvement pro-implantation. Parmi les morts, de nombreux terroristes du Hamas et du Jihad islamique palestinien mais également 50 enfants et adolescents.
La semaine dernière, deux jeunes garçons, Ahmed al-Ghoul et Basel Abu al-Wafa, âgés de 8 et de 15 ans, ont perdu la vie dans le camp de réfugiés de Jénine pendant des échanges de coups de feu entre les soldats israéliens et des hommes armés palestiniens.
Le climat de calme tendu qui avait dominé pendant la première semaine de la guerre à Gaza s’est clairement dissipé. La combinaison d’un Hamas enhardi, de raids militaires israéliens, de violences commises par les résidents d’implantation, de la détérioration de la situation économique, des incitations et du désespoir le plus pur pourraient faire tomber la Cisjordanie dans l’abîme.
Dans un tel cas, Israël pourrait se trouver engagé au niveau militaire sur un nouveau front et, comme c’est déjà le cas à Gaza, sans partenaire israélien raisonnable pour communiquer.
Pendant des années, les gouvernements du Premier ministre Benjamin Netanyahu ont affaibli l’AP et ils ont permis au Hamas de se consolider à Gaza. Aujourd’hui, cette politique ratée porte ses fruits – des fruits empoisonnés : Le Hamas pourrait bien être vaincu à Gaza mais il pourrait bien aussi déclencher une nouvelle Intifada et écarter le régime plus modéré de Mahmoud Abbas.
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