Avec un seul habitant juif, Kaboul est toujours rongée par l’antisémitisme
En Afghanistan, un pays dominé par des Islamistes et dépourvu de communauté juive, on s'interroge sur l'origine de la haine persistante à l'encontre des Juifs e d'Israël

KABOUL, Afghanistan — Un matin ensoleillé mais frais de janvier 2018, des Talibans ont fait sauter une ambulance pleine d’explosifs improvisés dans une rue bondée du centre ville de Kaboul. La bombe a coûté la vie à 100 personnes, et le choc de l’attentat a désespéré les résidents de la capitale afghane.
Dans le sillage de l’attaque, un groupe de jeunes artistes afghans a peint un mur à proximité du lieu de l’attentat, avec des images d’hommes masqués, ou non, tirant ensemble un cargo de grands coeurs rouges. La peinture murale devait devenir le symbole de l’amour et de l’espoir. Mais elle a rapidement été vandalisée avec un message gribouillé au crayon noir : « Mort à Israël… Allah est grand, Khamenei est notre chef ».
Le graffiti faisait référence à Sayyid Ali Hosseini Khamenei, l’actuel guide suprême de l’Iran, qui est en place depuis 1989.
« Il est possible que des gens aient reçu de l’argent pour écrire les slogans, a déclaré Asaf Yousufi, un militant qui a participé à une manifestation d’étudiants contre la célébration du Jour Quds, un événement annuel initié par l’Iran en 1979 qui vise à montrer du soutien au peuple palestinien tout en s’opposant à Israël et au sionisme.
La journée al-Quds a lieu le dernier vendredi du mois musulman du Ramadan, qui est tombé cette année le 31 mai.
« Chaque année, Sayed Hussain Mazari paie des jeunes qui vivent dans la rue à Kaboul pour organiser un rassemblement pour la journée al-Quds », a déclaré Yousufi.

Peu de centres religieux en Afghanistan sont auto-financés ou financés localement. Comme pour d’autres pays du Moyen-orient comme l’Irak, le Liban, le Yemen, le Bahreïn et le Pakistan, de nombreux spécialistes religieux chiites en Afghanistan sont financés par l’Iran. Yousufi affirme que Mazari compte parmi eux, même s’il pense que ce dernier ne le reconnaîtra pas publiquement.
La République islamique d’Iran, dont le gouvernement est ouvertement anti-Israël, maintient une présence d’agents de renseignement en Afghanistan et soutient des groupes qui servent ses intérêts nationaux. Certains experts pensent que l’Iran pourrait bien être derrière la diffusion de l’antisémitisme chez ses voisins à l’est dans ce qui serait une tentative pour construire un front uni contre l’Etat juif.
Le pays peut-il être antisémite s’il n’y a pas de Juifs ?
« [L’expression] ‘Mort à Israël’ est clairement antisémite », a déclaré le professeur Shana Sippy, qui enseigne les études religieuses au Centre College, une université privée de sciences sociales à Danville dans le Kentucky. Mais il y a aussi une bonne partie de la critique du gouvernement israélien qui n’est pas antisémite, et c’est une partie du défi ».
Des universitaires cherchent depuis longtemps les racines de l’antisémitisme, et ils sont parvenus à une certaine forme de consensus sur son origine dans des pays européens comme l’Allemagne. Mais en Afghanistan, qui est dominé par des Islamistes et qui n’a pas de communauté juive, comprendre l’antisémitisme constitue un défi.
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Il y a actuellement un seul Juif connu vivant dans le pays.

« C’est intriguant, et les universitaires ont discuté sur les sources de la haine des Juifs dans des pays comme l’Afghanistan, où il est très improbable que cette [haine] procède de toute expérience avec le peuple juif », a déclaré le Dr Gunther Jikeli, un professeur d’études juives à l’Université d’Indiana dont les recherches se focalisent sur l’antisémitisme.
« Esther Webman [une chercheuse associée du Centre Moshe Dayan] a dit que le nationalisme pan-arabe et les enseignements islamistes ont nourri non seulement la haine contre Israël, mais aussi la haine des Juifs », a déclaré Jikeli.
Jikeli a dit que la haine des Juifs en Afghanistan peut aussi être un effet résiduel d’efforts de la propagande de l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, avec des programmes radios que le régime diffusait dans des pays arabophones qui diabolisaient les Juifs.
Près de 80 ans après la fin de la Shoah, Adolf Hitler bénéficie encore d’une large notoriété en Afghanistan, et son image est parfois utilisée dans des publicités – y compris pour des cours d’expression en public qui le présentent comme un orateur exemplaire.
Une expression afghane dit qu’Hitler a laissé quelques Juifs en vie pour rappeler au monde à quel point ils étaient nocifs.
« Il y a aussi un débat sur des éléments antisémites dans les traditions islamiques, a déclaré Jikeli. Par exemple, [le journaliste canado-pakistanais] Tarek Fatah ou [le professeur de science politique] Bassam Bibi avancent l’idée que les Islamistes ont mal interprété l’islam et développé une rhétorique antisémite ».

Dans des conversations privées, les religieux afghans radicaux comparent les terroristes aux Juifs, en disant que « même » les Juifs sont meilleurs que les terroristes. Et dans les sphères politiques, des groupes ethniques non-pachtoune font l’hypothèse que les Pachtounes, l’ethnie la plus importante, étaient Juifs à l’origine.
Le Dr Davood Moradian, directeur de l’Institut Afghan pour les Etudes stratégiques, rejette cette hypothèse que les Pachtounes étaient autrefois juifs, expliquant que cette théorie a été développée avec une visée politique.
Vestiges d’une communauté autrefois florissante
Alors que les Pachtounes ne descendent peut-être pas des Juifs, il y avait bien autrefois une communauté juive florissante dans ce pays d’Asie centrale. En 2013, des chercheurs ont découvert de rares documents médiévaux juifs datant des 11e, 12e et 13e siècles dans des caves de la province de Bamyan au centre de l’Afghanistan.
A son apogée, on estime que la communauté juive du pays devait compter 40 000 membres, même s’ils ont progressivement émigré au fil des ans. La création d’Israël en 1948 a conduit au départ de presque tous les Juifs qui y étaient restés. Dans les années 1960, des Juifs Afghans ont quitté le pays en masse, pour aller vivre à New York et Tel Aviv après avoir vécu en paix et en harmonie pendant des siècles avec leurs voisins musulmans.

« Personnellement, je pense que c’est un mélange de plusieurs facteurs, y compris du fait que personne ne s’est réellement opposé aux formes très crues de théories antisémites conspirationnistes dans des pays comme l’Afghanistan, a expliqué Jikeli. Mais la diabolisation des Juifs a commencé à être remise en question ».
Quarante ans de haine, de conflits armées et bombardements ont fatigué la jeune génération.
« La haine n’apporte rien d’autre que la destruction, a déclaré le Dr Wee Teck Young, un travailleur humanitaire de Singapour qui dirige un centre basé à Kaboul pour promouvoir la tolérance envers les différents groupes ethniques en Afghanistan. « Donnez de l’amour à votre famille, à vos amis, et donnez de l’amour à la communauté et au monde entier ».
Dans un Afghanistan d’après-guerre, une nouvelle génération éduquée s’est développée pour s’opposer à l’intolérance.
« La plupart des gens éduqués, ceux qui comprennent le monde, s’opposent [à la haine] », a déclaré Yousufi. Je vois tout le monde de la même façon – nous sommes tous humains ».
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