Ayman Odeh se dit disposé à rejoindre un gouvernement de centre gauche
Le chef de la Liste unie rompt avec la position classique des partis arabes, mais pose ses conditions, notamment la "fin de l'occupation", l'abrogation de la loi sur l'Etat-nation
Ayman Odeh, député arabe israélien et président de la Liste arabe unie, a déclaré qu’il était disposé, sous certaines conditions, à rejoindre un gouvernement de centre gauche, marquant une rupture avec la position de la majorité arabe, qui a toujours refusé de rejoindre une coalition. Il s’est exprimé lors d’une interview dont des extraits ont été publiés jeudi.
Odeh confirmait les propos tenus auprès du Times of Israël au début du mois. Interrogé sur la possibilité qu’il rejoigne une coalition dirigée par le chef du parti Kakhol lavan Benny Gantz, il avait alors déclaré que « si nous voyons qu’il y a une direction commune, nous pourrions sérieusement envisager de le rejoindre ».
Un porte-parole de la Liste arabe unie avait cependant précisé qu’Odeh avait simplement fait référence à une coopération [non spécifiée] avec Kakhol lavan » – pas une alliance dans le gouvernement.
Si Gantz n’a pas officiellement exclu d’inclure la Liste arabe unie dans une future coalition, il a auparavant déclaré qu’il était ouvert à une coalition avec des partis sionistes, excluant donc apparemment les partis de majorité arabe.
Jeudi, le quotidien Yedioth Ahronoth a publié un aperçu d’une interview accordée par Odeh, qui sera publiée dans son intégralité vendredi, avec une citation du chef de parti qui se dit « disposé à rejoindre un gouvernement de centre-gauche ».
Cependant, il a posé certaines conditions.
En plus de relancer les négociations de paix avec les Palestiniens et de revenir sur la très controversée loi sur l’Etat-nation adoptée l’an dernier, Odeh a exigé l’établissement d’une nouvelle ville arabe, la fin de la démolition des maisons palestiniennes en Cisjordanie jugées illégales, et l’annulation de la loi qui renforce les sanctions sur les constructions illégales.
Il a également réclamé que le renforcement du contrôle des armes à feu dans la communauté arabe israélienne, des opérations contre les organisations criminelles et l’établissement d’une équipe intergouvernementale chargée de combattre la criminalité dans les villes arabes. Il a également demandé la construction d’un hôpital public dans une ville arabe, l’augmentation de l’allocation retraite et un plus grand financement pour les foyers pour femmes.
Dans un tweet publié jeudi, Odeh a ajouté une autre exigence qui n’était pas mentionnée dans l’article : « La fin de l’occupation », en référence au contrôle militaire israélien en Cisjordanie. Avec cette condition, il est très improbable que son parti rejoigne un quelconque gouvernement.
Les probabilités que ce scénario se concrétise n’ont jamais été très élevées, car les partenaires d’Odeh au sein de la Liste arabe unie – une alliance entre les partis Hadash, Raam, Taal et Balad – y sont farouchement opposés. Taal a indiqué jeudi qu’ils étaient opposés rejoindre un gouvernement.
Même avec la seule faction d’Odeh – Hadash – qui est la plus pacifiste des quatre, l’article indique que la plupart des membres ont rejeté la position d’Odeh. Il s’est dit « ouvert » au débat.
Gantz n’a pas réagi aux propos d’Odeh, mais Gabi Ashkenazi et Yoaz Hendel, députés de Kakhol lavan ont exclu jeudi la possibilité d’une alliance.
« Nous pensons que les citoyens arabes israéliens sont égaux et c’est ainsi que nous devons les traiter », a déclaré Ashkenazi à la radio militaire, avant d’ajouter que « nous ne pourrons pas siéger [dans un gouvernement] avec les partis arabes qui ne reconnaissent pas Israël comme l’Etat du peuple juif ».
Le député Hendel a ajouté que son parti « formerait un large gouvernement d’unité », qui inclura le Likud de Netanyahu. « Nous respectons les citoyens arabes israéliens et les considérons comme des citoyens qui méritent tous les droits, mais nous ne siégerons pas avec les partis arabes qui rejettent fondamentalement l’existence d’Israël en tant qu’Etat juif. Point final. »
Le ministre de la Sécurité intérieure Gilad Erdan, du Likud, a rapidement réagi et tweeté que « désormais, il est clair que quiconque vote Kakhol lavan obtiendra probablement un gouvernement de gauche avec des partisans du terrorisme ».
Il a critiqué les exigences d’Odeh, affirmant qu’elle mèneraient à « des constructions illégales à grande vitesse » et qu’il tient pour responsable, à tort, la police et le gouvernement, du haut taux de criminalité. Il a également critiqué la demande de fonds pour les foyers pour femmes affirmant que « l’éducation à la non-violence » est plus importante.
La campagne du Premier ministre Benjamin Netanyahu contre Gantz, son principal rival, aux élections d’avril et pour celles de septembre, tourne autour du fait que le président de Kakhol lavan sera dans l’incapacité de former une coalition sans le soutien des partis arabes. Aucun parti arabe n’a jamais siégé dans une coalition, mais ils ont soutenu des partis d’opposition.
Le 1er août, date-butoir pour enregistrer un parti pour les élections du 17 septembre, le président de la Liste arabe unie Ayman Odeh a déclaré jeudi qu’il pourrait « sérieusement envisager de rejoindre » le chef du parti Kakhol lavan Benny Gantz s’il gagnait les élections, mais que ce scénario serait improbable à cause des propres réserves de Gantz.
Odeh a déclaré qu’il « ne pense pas que Gantz soit prêt. Il préférerait former un gouvernement d’unité nationale [avec le Likud] plutôt que ce que nous voulons. Mais s’il se tourne vers nous, il va dans la bonne direction pour la paix et l’égalité, nous l’écouterons. Je ne crois pas que cela aura lieu parce qu’il y a beaucoup de mauvaises eaux sous les ponts. Nous ne sommes pas dans sa poche. Il devra venir à nous ».
La Liste arabe unie a été formée à l’approche des élections nationales de mars 2015, après que la Knesset a relevé le seuil électoral, faisant passer le pourcentage de voix qu’un parti doit obtenir pour entrer au Parlement de 2 % à 3,25 %.
La liste rassemble des partis de différentes bases idéologiques, y compris des socialistes, des nationalistes, des laïcs et des islamistes.
Ces dernières années, les partis à majorité arabe se sont renforcés, et ont obtenu un record de 10 % des voix lors des élections de 2015, offrant 13 sièges à la Liste arabe unie, devenu ainsi le deuxième parti d’opposition.
Le parti s’est scindé en deux factions pour les élections d’avril 2019, et les électeurs ont réagi en diminuant leur résultat combiné à 10 sièges.
Raoul Wootliff a contribué à cet article.