Baharav-Miara : « Aucune base légale » pour continuer à exempter les haredim de Tsahal
La procureure générale rejette la demande de l'État pour une représentation privée devant la Cour suprême ; des milliers de Haredim protestent contre la circonscription à Jérusalem
La procureure générale Gali Baharav-Miara a informé jeudi le gouvernement qu’il n’y avait « aucune base juridique » pour continuer à exempter les membres de la communauté ultra-orthodoxe de la conscription dans l’armée israélienne, alors que des milliers de haredim protestaient contre les plans visant à étendre la conscription à la communauté.
L’avertissement de Baharav-Miara est intervenu après que le gouvernement a demandé à être représenté à titre privé devant la Cour, plutôt que par son bureau, qui a rejeté les demandes de maintien des exemptions militaires générales pour les jeunes issus de la communauté ultra-orthodoxe.
La procureure générale a répondu que cette option ne pourrait être envisagée qu’une fois que l’État aurait notifié à la Haute Cour les mesures qu’il entend prendre pour commencer à enrôler les membres de la communauté haredi, ce qu’il est tenu de faire avant la fin du mois d’avril.
Dans une lettre adressée au secrétaire du Cabinet Yossi Fuchs, la procureure générale a réitéré sa position selon laquelle Tsahal doit commencer à former les conscrits haredi immédiatement. « L’idée exprimée dans votre lettre, selon laquelle le gouvernement peut pour l’instant s’abstenir de recruter des étudiants de yeshivot… n’a aucun fondement juridique. »
La plupart des hommes juifs israéliens sont tenus d’effectuer un service militaire de près de trois ans, suivi d’un service de réserve annuel pendant de longues années ; le service des femmes juives est de deux ans. Les Arabes israéliens ne sont pas obligés de servir, mais certains se portent volontaires.
La population ultra-orthodoxe représente environ 13 % de la société israélienne. Ses membres bénéficient d’une exemption de service depuis la création de l’État, à condition qu’ils étudient à plein temps dans des yeshivot ou séminaires religieux.
Les exemptions – et les allocations gouvernementales que de nombreux étudiants de yeshivot reçoivent jusqu’à l’âge de 26 ans – sont devenus une source de mécontentement au sein de la population.
Ce sentiment de frustration a atteint son paroxysme après l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre et la guerre qui s’en est suivie, à mesure que le bilan des soldats s’alourdit et que certains se voient demander de prolonger leur service de réserve en raison de pénurie d’effectifs et de multiplication des menaces qui pèsent sur Israël.
La lettre de la procureure générale a été publiée alors que des milliers de Juifs ultra-orthodoxes manifestaient devant un bureau de conscription de Tsahal à Jérusalem, brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Les autorités israéliennes persécutent les érudits de la Torah » et » En prison, mais pas à l’armée », et criant qu’ils préféreraient mourir plutôt que de s’enrôler.
Des responsables du groupe extrémiste « Faction de Jérusalem » ont prononcé des discours lors de ce rassemblement et, plusieurs manifestants se seraient heurtés à des policiers chargés d’assurer la sécurité de l’événement, d’après diverses sources d’information.
Le parti Shas a par ailleurs commencé à prendre ses distances du ministre de l’Intérieur Moshe Arbel, lui-même membre du parti ultra-orthodoxe, après que ce dernier a approuvé l’idée d’enrôler certains membres de la communauté haredi.
Lors d’une récente apparition dans un podcast, Arbel a déclaré que les dirigeants ultra-orthodoxes devaient faire preuve de « courage » et déclarer que « ceux dont le statut a été révoqué et qui sont éligibles à la conscription doivent faire partie de ceux qui portent le fardeau [du service] ».
En réponse, Shas a fait savoir que « le sujet de la loi sur la conscription et du statut des étudiants de yeshivot est confié exclusivement aux rabbins du Conseil des Sages de la Torah et est géré par le président du mouvement, le rabbin Aryeh Deri, et son représentant aux négociations, le rabbin Ariel Atias. »
« Les représentants du mouvement ont reçu pour instruction de ne faire aucun commentaire sur la question », poursuit le communiqué, ajoutant que la position officielle du mouvement sera communiquée « exclusivement » par les canaux officiels du parti.
Selon la chaîne publique Kan, Arbel parlait des étudiants de yeshivot qui se sont vu refuser le statut d’étudiants en Torah à temps plein par le Vaad HaYeshivot (Comité des Yeshivot), un organisme qui assure la coordination entre les yeshivot ultra-orthodoxes et le ministère de la Défense sur les questions de report de service.
Les propos d’Arbel font écho à ceux de son collègue Yaakov Margi (Shas), qui a affirmé en février sur le site Internet Kikar Hashabbat que les membres de la communauté ultra-orthodoxe qui n’étudient pas la Torah à temps plein devraient être enrôlés « par la force ».
Le discours des deux ministres est toutefois en contradiction avec celui du rabbin Moshe Maya, membre éminent du Conseil des Sages de la Torah du Shas – l’organe qui dirige le parti – qui a récemment déclaré que même ceux qui n’étudient pas à plein temps en yeshiva ne devraient pas servir dans les Tsahal.