Berlin réforme le processus pour restituer les oeuvres spoliées par les nazis
Près de 80 ans après la chute du IIIème Reich, tous les biens spoliés n'ont pas été rendus aux descendants des victimes
Le gouvernement allemand a adopté mercredi une réforme des procédures de restitution d’œuvres spoliées par les nazis, un projet critiqué par des avocats et des descendants de victimes, mais approuvé par le Conseil central des Juifs.
« L’Allemagne va mieux assumer ses responsabilités historiques grâce à cette réforme », a estimé la ministre de la Culture, Clauria Roth, dans un communiqué.
Entre l’accession au pouvoir d’Adolf Hitler le 30 janvier 1933 et la capitulation allemande le 8 mai 1945, des centaines de milliers de biens culturels ont été volés à leurs propriétaires, juifs pour la plupart.
En décembre 1998, après des décennies d’inertie, l’Allemagne et 43 autres Etats s’étaient engagés à retrouver et si possible à restituer les œuvres volées par les nazis.
Près de 80 ans après la chute du IIIème Reich, tous les biens spoliés n’ont pas été rendus aux descendants des victimes.
Dans le cadre du système actuel, le demandeur et le détenteur d’œuvres d’art prétendument pillées doivent tous deux consentir à l’arbitrage, une démarche que de nombreux propriétaires actuels ont refusée dans la pratique.
La réforme proposée prévoit de remplacer la commission consultative actuelle, dont les décisions ne sont pas contraignantes, par un tribunal d’arbitrage pour les demandes de restitution.
Le nouveau mécanisme permettra aux victimes ou à leurs descendants de faire un « appel unilatéral » pour la restitution des œuvres, a affirmé Mme Roth, donc sans l’accord des musées qui les détiennent.
Dans une lettre ouverte au chancelier allemand Olaf Scholz publiée mardi, un groupe d’avocats et de descendants de victimes, sous l’égide de l’avocat Olaf Ossmann basé en Suisse et de l’historien allemand Willi Korte, ont fustigé cette réforme.
Selon eux, au lieu d’améliorer l’accès à la justice, cette réforme va exclure « des groupes entiers de victimes » et limiter les droits de restitution pour d’autres.
Le Conseil central des Juifs en Allemagne, qui a participé aux discussions sur la réforme, et la Jewish Claims Conference, organisation qui demande des dommages et intérêts pour les survivants de l’Holocauste, ont estimé tous les deux qu’elle représentait un « premier pas ».
L’objectif de ces deux institutions reste néanmoins une loi de restitution obligatoire également pour les institutions privées, comme l’ont déjà d’autres pays européens.
Ces dernières années, la recherche d’œuvres spoliées a été facilitée pour les descendants des victimes grâce à la déclassification de nombreux documents, à internet et à la numérisation, avec un accès facilité à tous les musées, marchands d’arts et maisons d’enchères.