Bezeq/Scandale des textos : Les suspects exigent une libération immédiate
Les avocats de Shaul Elovitch et d'autres affirment que le processus judiciaire a été entaché par une coordination apparente entre le tribunal et les enquêteurs

Les avocats de six suspects placés en état d’arrestation dans l’enquête de corruption concernant le géant israélien des télécommunications Bezeq ont demandé leur libération immédiate après qu’une discussion sur messagerie instantanée entre une magistrate et un enquêteur dans le dossier a semblé révéler que tous deux s’étaient coordonnés sur les jugements rendus par la cour concernant les placements en détention provisoire des personnalités soupçonnées, avant même la tenue des audiences.
La cour des magistrats de Tel Aviv devrait discuter des demandes de libération soumises par les suspects dans la matinée de lundi, sous la présidence du juge Ala Masarwa. Masarwa remplace la magistrate Ronit Poznansky-Katz, qui a été immédiatement placée en congé. Une enquête sera ouverte sur sa conduite.
Une source proche de la police a indiqué au site d’information Ynet que les responsables chargés de l’application de la loi ne s’inquiétaient pas de ce que ce scandale des textos ne vienne heurter l’enquête sur Bezeq, connue sous le nom d’Affaire 4 000.
« Ce sont les preuves qui auront le dessus », a expliqué cette source.
Dans l’Affaire 4000, Shaul Elovitch, le président et actionnaire principal de Bezeq, aurait ordonné au site d’information Walla, qui lui appartient, d’assurer une couverture médiatique positive des actions de Netanyahu et de sa famille en échange de la promotion de politiques au profit du géant des télécommunications et de lui-même.

Dans un « chat » sur l’application de messagerie instantanée WhatsApp obtenu par la Dixième chaîne, Eran Shacham-Shavit, enquêteur à l’Autorité des titres israélienne, dit à Poznansky-Katz que les responsables en charge de l’affaire comptent libérer certains suspects détenus dans le cadre de l’enquête et maintenir d’autres en détention pendant quelques jours de plus.
« Tentez d’avoir l’air surprise », écrit-il.
« Je prends mon air surpris », répond-elle.
Dans une autre discussion, Shacham-Shavit écrit que, concernant les suspectes “Stella (Handler) et Iris (Elovitch), nous demanderons demain quelques jours de plus ».
« On demandera trois jours, mais vous pouvez véritablement, vraiment en accorder deux », explique-t-il.
« Continuez à tout me révéler mais il faudra que j’ai l’air vraiment, vraiment surprise », répond encore la juge, apparemment en plaisantant.

La conversation a eu lieu avant les audiences concernant les placements en détention préventive des suspects, pendant lesquelles ces derniers peuvent présenter leurs arguments avant que le juge ne prenne une décision sur leur sort.
Suite à la publication de la discussion, la présidente de la Cour suprême Esther Hayut et la ministre de la Justice Ayelet Shaked ont ordonné l’ouverture d’une enquête officielle sur Poznansky-Katz.
Poznansky-Katz a été écartée des audiences prévues dans le dossier lundi, le président de la cour des magistrats ajoutant que la juge a été placée immédiatement en congé et qu’elle ne prendra plus part aux délibérations jusqu’au terme d’une enquête.
Shacham-Shavit a été lui aussi écarté du dossier et mis en congé. L’Autorité des titres israélienne a juré d’enquêter sur ses agissements.
Le département de la Justice a fait savoir dans un communiqué que le procureur général Avichai Mandelblit et le procureur de l’Etat Shai Nitzan considéraient que l’incident « contrevient aux principes de base exigés de la part des responsables des poursuites ».
Les suspects qui réclameront leur libération lundi sont Elovitch, son épouse Iris et son fils Or, l’ancien porte-parole de Netanyahu Nir Hefetz, Handler et le directeur général-adjoint Amikam Shorer.
L’avocat d’Elovitch, Jacques Chen, a estimé dimanche qu’il « a été révélé dorénavant que l’arrestation était entièrement illégale. Nous avons l’intention d’en appeler à la cour ce soir même pour demander la libération sur le champ [d’Elovitch]. Nous réfléchirons aux prochaines étapes à entreprendre ».
Un avocat du fils d’Elovitch, Or, a expliqué que les textos entre l’enquêteur et la juge avaient « vicié le processus judiciaire ».

Les réponses politiques à la révélation de ces discussions ont été rapides et furieuses.
Le ministre de la Défense Avigdor Liberman a demandé la suspension immédiate de la juge. « Nous ne devons pas permettre que l’opinion publique perde confiance dans le système des tribunaux », a-t-il écrit sur Twitter.
Le chef de Yesh Atid, Yair Lapid, a qualifié l’incident « d’affligeant » et a déclaré qu’il montrait « le mépris de la justice et le mépris envers l’opinion publique ».
Le leader de l’Union sioniste, Avi Gabbay, a déclaré : « Un juge qui coordonne des arrestations avec un procureur n’a pas sa place dans un tribunal », mais il a ajouté que cet incident n’influait en rien sur les soupçons nourris envers Netanyahu : « Aucune conduite de la part d’un magistrat – aussi honteuse puisse-t-elle être – ne peut les atténuer ».
Le président de l’Union sioniste Yoel Hasson s’est dit lui aussi atterré. « La confiance publique dans le système judiciaire est le saint des saints », a-t-il tweeté. « Le droit à des procédures normales pour tous les suspects est la base. L’enquêteur comme la juge doivent être écartés de leurs postes dès ce soir ».
Le ministre du Tourisme Yariv Levin (Likud) a dit pour sa part que « s’il est clairement établi que des civils ont été envoyés en détention en raison d’un processus dans lequel des décisions ont été prises préalablement à une audience, il s’agira de l’un des délits criminels les plus graves ».
Le député Bezalel Smotritch du parti HaBayit HaYehudi a également appelé la suspension des deux responsables et il a demandé la libération immédiate de tous les suspects de l’Affaire 4000. « Nous ne devons pas donner la moindre chance au fait que la liberté d’un individu soit ôtée à travers un processus inapproprié », a-t-il déclaré.

Dans la matinée de dimanche, une source proche de l’enquête a fait savoir au Times of Israel que Netanyahu serait interrogé vendredi dans le dossier, peut-être même « après lecture de ses droits » au titre de suspect.
L’enquête de l’Affaire 4 000 a connu la semaine dernière des rebondissements suite à l’arrestation d’un certain nombre de conseillers de haut-rang de Netanyahu et de cadres de Bezeq.
Shlomo Filber, le directeur-général du ministère des Communications qui a été suspendu, confident de Netanyahu de longue date, a signé mardi dernier un accord pour devenir témoin de l’accusation. Il pourrait incriminer le Premier ministre dans le dossier. Filber a vu sa détention provisoire prolongée mercredi de 15 jours et il devrait rester dans un lieu tenu secret pendant ces deux semaines alors que la police continuera à l’interroger.
Raoul Wootliff a contribué à cet article.