Biden : Israël pourra poursuivre les chefs du Hamas même une fois la guerre terminée
Après un début de conférence de presse difficile, le président a répondu aux questions sur la guerre à Gaza, affirmant que des progrès ont été réalisés dans les pourparlers relatifs aux otages
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Lors d’une conférence de presse très attendue à l’issue du sommet de l’OTAN qui s’est tenu jeudi à Washington, le président américain Joe Biden a semblé suggérer que la fin de la guerre à Gaza ne signifierait pas qu’Israël devrait cesser de s’en prendre aux dirigeants du groupe terroriste palestinien du Hamas.
Le président, âgé de 81 ans, qui fait l’objet d’une attention particulière en raison des inquiétudes concernant ses chances de réélection à la suite de sa piètre performance lors du débat du mois dernier, a exhorté Israël à mettre fin aux combats à Gaza et a révélé que le plan qu’il préconise pour la gestion de l’enclave après la guerre ouvrirait la voie à une solution à deux États.
« Il est temps de mettre fin à cette guerre », a déclaré Biden en s’adressant à Israël. « Cela ne signifie pas qu’il faille renoncer à poursuivre [le chef du Hamas Yahya] Sinwar et le Hamas. »
Alors que des responsables américains ont déclaré en privé au Times of Israel en mai que l’administration serait toujours favorable à ce qu’Israël s’en prenne aux dirigeants du Hamas une fois la guerre terminée, il semble que ce soit la première fois que Washington s’exprime publiquement en ce sens.
La conférence de presse du président a commencé de façon hésitante après que Biden a confondu les noms de la vice-présidente Kamala Harris et de son adversaire, l’ancien président Donald Trump, en réponse à une question sur la confiance qu’il accordait à Harris.
« Je n’aurais pas choisi la vice-présidente Trump comme vice-présidente si elle n’était pas qualifiée pour être présidente », a-t-il déclaré.
Cette erreur fait suite à une autre bévue du président, annonçant l’arrivée du président ukrainien Volodymyr Zelensky qu’il a présenté comme étant Poutine.
« Mesdames et Messieurs, le président Poutine. Le président Poutine, on doit battre le président Poutine. Le président Zelensky. Je suis tellement déterminé à battre Poutine », s’est rapidement corrigé Biden, sous les applaudissements.
Malgré un début de conférence de presse en dents de scie, les réponses de Biden se sont stabilisées au fur et à mesure qu’il répondait aux questions des journalistes. Le président ayant surmonté un bégaiement datant de l’enfance, a souvent confondu différents noms et ses capacité d’élocution ont été son point faible, tout au long de sa carrière politique.
Abordant la guerre entre Israël et le Hamas, qui en est à son dixième mois, Biden a déclaré que si les deux parties s’étaient mises d’accord sur le « cadre » d’un cessez-le-feu et d’un accord de libération des otages qu’il avait présenté en mai, elles n’étaient pas encore parvenues à un accord. Il a toutefois insisté sur le fait que des progrès avaient été accomplis pour surmonter les obstacles.
Biden n’a pas précisé à quel moment Israël et le groupe terroriste palestinien s’étaient mis d’accord sur le cadre d’une trêve, et il n’était pas clairement établi dans quelle mesure cette évolution était significative, étant donné qu’un responsable israélien a déclaré jeudi au Times of Israel que les deux parties étaient encore à deux ou trois semaines d’un accord et qu’il leur restait d’importantes failles à combler.
Les équipes de négociation israéliennes ont voyagé entre Israël, Doha et Le Caire au cours de la semaine dernière afin de rencontrer les médiateurs américains, égyptiens et qataris. Les pays négociateurs ont fait preuve d’un optimisme prudent quant à la direction que prennent les pourparlers, bien que le Hamas ait déclaré dans un communiqué jeudi que les médiateurs ne lui avaient pas encore fourni de mises à jour.
Depuis des mois, les États-Unis « s’efforcent d’obtenir un cessez-le-feu à Gaza afin de ramener les otages chez eux et d’ouvrir la voie à la paix et à la stabilité au Moyen-Orient », a rappelé Biden lors de la conférence de presse, soulignant qu’il souhaitait vivement mettre un terme à la guerre, qui a été déclenchée par le pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël.
« Il s’agit de questions difficiles et complexes », a déclaré Biden à propos des divergences qui subsistent entre Israël et le groupe terroriste palestinien.
« Il y a encore des lacunes à combler, mais nous progressons. La tendance est positive et je suis déterminé à conclure cet accord et à mettre fin à cette guerre, qui devrait cesser maintenant », a-t-il assuré.
Le président a reconnu qu’il avait parfois été frustré par le gouvernement israélien en raison de sa gestion de la guerre à Gaza.
Il a rappelé sa visite en Israël quelques jours après « les massacres perpétrés par le Hamas » le 7 octobre, visite au cours de laquelle il a convaincu le Premier ministre Benjamin Netanyahu d’autoriser l’entrée de l’aide à Gaza après avoir imposé des restrictions sécuritaires dans la bande de Gaza au cours des premières semaines de la guerre.
« Nous avons beaucoup insisté pour que l’aide soit acheminée. Israël s’est parfois montré peu coopératif », a déclaré Biden.
« Je connais bien Israël et je le soutiens, mais son cabinet de guerre est l’un des plus conservateurs de l’Histoire d’Israël », a-t-il poursuivi, confondant apparemment le cabinet élargi avec le petit groupe de ministres, aujourd’hui dissolu, qui comprenait les ministres modérés Benny Gantz et Gadi Eisenkot, qui ont quitté le cabinet de guerre le mois dernier.
« Il y a beaucoup de choses que, rétrospectivement, j’aurais aimé pouvoir convaincre les Israéliens de faire », a-t-il poursuivi.
Réitérant ce qu’il avait dit au cabinet de guerre lorsqu’il s’était rendu en Israël peu après le 7 octobre, Biden a indiqué qu’il avait averti les dirigeants israéliens de ne pas « faire la même erreur que l’Amérique après Ben Laden ».
« Il n’est pas nécessaire d’occuper quoi que ce soit. Poursuivez les gens qui ont fait le [sale] travail […] Ne pensez pas que c’est ce que vous devriez faire, doubler la mise. Nous vous aiderons à trouver les méchants – Sinwar et compagnie », a-t-il déclaré.
Faisant référence à un autre sujet de désaccord apparu ces dernières semaines avec Israël, et en particulier avec Netanyahu, Biden a réaffirmé sa décision de suspendre la livraison d’une cargaison de bombes de 900 kg.
« Je suis conscient de toutes ces critiques quant au fait que je ne fournirais pas les armes dont ils ont besoin. Je ne fournirai pas de bombes de 900 kg. Elles ne peuvent être utilisées ni à Gaza ni dans aucune zone peuplée sans provoquer une tragédie humaine et des dégâts considérables », a-t-il souligné, indiquant qu’il n’avait pas l’intention de lever la restriction qu’il a imposée sur cette cargaison.
Il a toutefois affirmé que les États-Unis continuaient à contribuer à la sécurité d’Israël par d’autres moyens, évoquant notamment l’attaque iranienne de missiles et de drones qu’il a contribué à contrecarrer avec ses alliés européens et arabes en avril.
« J’ai pu unir les nations arabes et l’Europe et il ne s’est rien passé. C’était une leçon incroyable pour le Moyen-Orient », a-t-il déclaré.
En ce qui concerne sa vision de l’unité au Proche-Orient, Biden a déclaré lors de la conférence de presse que le plan qu’il préconise pour la gestion de la bande de Gaza après la guerre amorcerait un processus conduisant à une solution à deux États, les pays arabes aidant à sécuriser la bande de Gaza pendant une période transitoire, évitant ainsi la possibilité d’une occupation de l’enclave par Israël après la fin de la guerre.
« Il n’y a pas d’autre réponse ultime que la solution de deux États », a-t-il déclaré.
« Ce qui a pu être fait dans le cadre du plan que j’ai élaboré, c’est qu’il y ait un processus pour une solution à deux États, et que nous obtenions des nations arabes – de l’Égypte à l’Arabie saoudite – qu’elles coopèrent à la transition afin de maintenir la paix à Gaza sans que les forces israéliennes n’y restent », a expliqué Biden.
« La question qui se pose depuis le début est de savoir quel sera le jour suivant à Gaza. Et le jour d’après à Gaza doit être […] pas d’occupation par Israël de la bande de Gaza, ainsi que la capacité pour nous d’accéder, d’entrer et de sortir aussi rapidement que possible tout ce qui est nécessaire là-bas », a-t-il ajouté, faisant manifestement référence à une circulation plus libre de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza.
Le contrôle de Gaza par le Hamas est impopulaire, a déclaré Biden, affirmant que, malgré de récents sondages suggérant le contraire, le soutien au groupe terroriste était en baisse parmi les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie.
« Si vous observez, il y a un mécontentement croissant en Cisjordanie, de la part des Palestiniens, à l’égard du Hamas. Le Hamas est désormais impopulaire », a-t-il assuré.
Un sondage publié le mois dernier par le Palestinian Center for Policy and Survey Research (PCPSR) a révélé que le soutien global au Hamas en Cisjordanie et à Gaza s’élevait à 40 %, soit une augmentation de six points par rapport au sondage précédent, réalisé il y a trois mois. Avant la guerre, le soutien global au groupe terroriste palestinien s’élevait à 22 %.
En Cisjordanie, 41 % des habitants ont déclaré soutenir le Hamas (contre 35 % il y a trois mois), tandis que 17 % soutiennent le parti laïc Fatah du président de l’Autorité palestinienne (AP) Mahmoud Abbas (contre 12 % il y a trois mois).
Dans la bande de Gaza, le soutien au Hamas s’élève aujourd’hui à 38 % (34 % il y a trois mois) et le soutien au Fatah à 24 % (25 % il y a trois mois).
Avec l’âge « vient la sagesse »
Les réponses de Biden aux questions concernant la guerre à Gaza ont été détaillées et claires, même si, à plusieurs reprises au cours de la conférence de presse, ses réponses ont semblé s’écarter du sujet avant qu’il n’ait été au bout de sa pensée.
Il a néanmoins insisté sur le fait qu’il était particulièrement qualifié pour affronter Trump dans le courant de l’année, mettant en avant ses dizaines d’années d’expérience sur la scène internationale pour défendre son point de vue.
« Tout ce que l’âge fait, c’est apporter un peu de sagesse si l’on y prête attention », a déclaré Biden, qui est déjà la personne la plus âgée à avoir jamais occupé le poste de président.
Il a toutefois reconnu qu’il devait « se ménager » un peu plus que par le passé et s’est plaint que ses collaborateurs lui imposaient parfois un emploi du temps trop chargé. « Mon épouse me fait vivre un enfer. »
Biden a affirmé être en bonne santé, mais a ajouté qu’il accepterait de passer un autre examen neurologique pour déterminer son acuité mentale si ses médecins le recommandent.
La conférence de presse a permis au président de vanter ses succès sur la scène internationale à l’issue du sommet de l’OTAN à Washington, où les membres ont apporté leur soutien à l’Ukraine pour lutter contre l’invasion lancée par le président russe Poutine en février 2022.
Il a affirmé que Trump affaiblirait l’OTAN et ferait grimper les prix pour les consommateurs américains en imposant des droits de douane élevés sur les produits importés.
Il s’est félicité d’avoir amené la Suède et la Finlande à rejoindre l’Alliance et a affirmé avoir réuni 50 pays pour soutenir l’Ukraine.