Israël en guerre - Jour 431

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Analyse

Bien que maladroit, le reportage sur la colère des Gazaouis envers le Hamas semble refléter une baisse de soutien

Les civils n'applaudiraient plus les roquettes et se réjouiraient de la défaite du groupe terroriste, tout en espérant qu'Israël arrête la guerre, selon certains habitants de Gaza

Des Palestiniens déplacés quittant l'ouest de Khan Yunès pour se rendre dans des zones situées dans l'est de la ville à la suite d'informations sur le retrait des troupes israéliennes de la zone dans le sud de la bande de Gaza, le 30 juillet 2024.(Crédit : Bashar Taleb/AFP)
Des Palestiniens déplacés quittant l'ouest de Khan Yunès pour se rendre dans des zones situées dans l'est de la ville à la suite d'informations sur le retrait des troupes israéliennes de la zone dans le sud de la bande de Gaza, le 30 juillet 2024.(Crédit : Bashar Taleb/AFP)

Pour la première fois depuis le début de la guerre il y a plus d’un an, l’armée israélienne a autorisé un journaliste à interviewer des civils palestiniens à Gaza la semaine dernière. Le reportage, qui a été diffusé dimanche sur N12, offre un aperçu filtré de la situation des femmes et des enfants gazaouis déplacés de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza.

Avec pour toile de fond des débris, de la poussière et des soldats israéliens armés, plusieurs des habitants qui se sont entretenus avec Ohad Hemo, journaliste chargé des affaires palestiniennes, ont exprimé leur frustration à l’égard du Hamas, criant et maudissant le groupe terroriste au pouvoir à Gaza pour les ravages causés à leurs vies.

« Je jure que j’étais heureuse quand vous avez tué [le chef du Hamas Yahya] Sinwar, qui a causé la destruction et tué nos enfants », dit une femme qui ajoute en criant, « Si Dieu le veut, vous les détruirez ».

Depuis plus d’un an, les journalistes israéliens et étrangers n’ont pu entrer dans la bande de Gaza, depuis Israël, que sous surveillance militaire et seulement dans des zones sans civils pour y documenter les activités militaires. Clarissa Ward, de CNN, semble être la seule journaliste occidentale à s’être rendue indépendamment à Gaza, où elle a interviewé des Palestiniens dans un hôpital de campagne en décembre 2023.

De son côté, le Hamas exerce un contrôle strict sur les reportages réalisés depuis Gaza et a menacé les journalistes qui couvraient les activités terroristes du groupe. Depuis un an, la seule grande chaîne autorisée par le Hamas à opérer dans la bande de Gaza, est sans surprise Al Jazeera, connue pour ses liens étroits avec le groupe terroriste, et qu’elle présente comme un « mouvement de résistance ».

Le reportage de Hemo a été perçu par certains comme une tentative de propagande maladroite, présentant une image aseptisée des habitants de Gaza accueillant les Israéliens comme des libérateurs, ne reflétant pas réellement le sentiment des habitants de Gaza. Les interviews semblent souvent coïncider avec les affirmations de l’armée concernant l’évacuation des civils gazaouis en colère contre le Hamas.

Certains observateurs en ont conclu, qu’au vu de la dévastation subies par de nombreux habitants de Gaza, les personnes interrogées s’exprimaient sous pression et qu’elles auraient peut-être également dirigé leur colère contre Israël pour avoir bombardé leurs maisons si elles ne s’étaient pas adressées à un journaliste israélien devant des soldats israéliens alors qu’elles traversaient une zone d’évacuation administrée par Israël pour échapper aux tirs israéliens.

« J’ai attendu en vain que l’angle de la caméra s’ouvre et qu’Hemo montre aux Israéliens l’ampleur inconcevable de la destruction, ce qui aurait pu expliquer pourquoi des réfugiés désespérés, fatigués, assoiffés et affamés se tiennent devant ses caméras, prêts à dire exactement ce que les soldats qui se trouvent hors du cadre veulent entendre », a écrit Shany Littman, du Haaretz.

Même l’extrême-droite s’est quant à elle montrée peu impressionnée, déplorant que les commentaires recueillis ne reflètent pas leur vision selon laquelle tous les Gazaouis seraient des partisans du Hamas et ne mériteraient aucune sympathie. « La réalité ce soir : l’horreur des médias de propagande et la réalisation du public israélien qu’il n’y a pas un seul innocent [à Gaza] », a tweeté un extrémiste influent du mouvement d’implantation en réponse au reportage.

Des manifestants palestiniens scandent des slogans contre le Hamas dans la bande de Gaza lors d’une manifestation contre les pannes d’électricité chroniques du territoire et les conditions de vie difficiles le long des rues de Khan Younès, dimanche 30 juillet 2023. (Crédit : AP)

Et pourtant, les propos recueillis par Hemo reflètent fidèlement les opinions d’au moins une partie des Gazaouis, selon trois personnes qui se sont récemment entretenues avec le Times of Israel. (Leurs noms ont été modifiés pour des raisons de sécurité).

Les sondages effectués par le Centre palestinien de recherche sur les politiques et les enquêtes montrent aussi que le soutien au Hamas est en baisse parmi les habitants de Gaza, avec seulement 39 % de Gazaouis se disant favorables au groupe en septembre, en baisse par rapport aux 64 % en juin.

Mark, un travailleur humanitaire européen qui gère la logistique d’une grande organisation à Deir al-Balah, a rapporté que lorsque le Hamas tire des roquettes, ce qui est rare ces jours-ci, seuls les adolescents semblent applaudir dans la rue.

« Les adultes leur disent alors invariablement qu’il n’y a aucune raison de se réjouir. Chaque roquette tirée cause des problèmes », a-t-il poursuivi. « Elle entraîne une réaction israélienne et des bombardements pendant la semaine suivante. »

« Les gens en sont venus à considérer le Hamas comme un problème. Je n’ai pas encore rencontré d’adulte qui soutienne ouvertement le Hamas ou qui prétende que celui-ci peut apporter une solution », a ajouté Mark.

Khaled, un Palestinien de 30 ans qui vit dans un camp de déplacés surpeuplé dans le sud de la bande de Gaza, a décrit la frustration générale à l’égard du groupe terroriste. Le Times of Israel a recueilli son témoignage par l’intermédiaire du Center for Peace Communications, basé aux États-Unis, qui a cherché à diffuser les sentiments anti-Hamas des habitants de Gaza à travers le monde. (En janvier 2023, le Times of Israel a publié une série de courts métrages produits par le centre).

« Les gens haïssent de plus en plus le Hamas », a confié Khaled, un opposant au groupe avant le 7 octobre et qui a été emprisonné par le Hamas dans le passé. « Ce dont ils ont besoin maintenant, c’est de la paix. »

Campements de tentes abritant des Palestiniens déplacés à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 11 mai 2024. (Crédit : AFP)

Ces sentiments sont partagés par Rashid, militant anti-Hamas de Deir al-Balah, qui a été emprisonné pour sa participation au mouvement de protestation « Nous voulons vivre » en 2019.

« La plupart des habitants de Gaza sont opposés au Hamas ; ils veulent un avenir sans lui », a-t-il déclaré. « L’un des aspects positifs de la guerre est qu’ils peuvent désormais la maudire ouvertement dans les rues, sans craindre de représailles. »

« L’assassinat de Sinwar a suscité un certain optimisme, les gens espérant qu’un cessez-le-feu était proche et que la normalité reviendrait, même parmi les partisans du Hamas », ajoute Rashid.

Néanmoins, même si les dirigeants du Hamas ont été éliminés, un cessez-le-feu semble toujours hors de portée, ce qui ne fait qu’aggraver les difficultés des civils de Gaza. « Tant qu’Israël n’aura pas pris la décision de mettre fin au conflit, personne ne pourra mettre un terme à la situation insensée qui règne dans la bande de Gaza. Après l’effondrement du Hamas, l’avenir de Gaza repose entre les mains d’Israël », a indiqué Rashid.

Un vide de pouvoir

Alors que le Hamas continue de lancer des attaques occasionnelles contre les troupes de Tsahal pour projeter des « images de victoire », comme l’a récemment indiqué un officier supérieur de Tsahal au Times of Israel, selon les témoignages des civils gazaouis indiquent que le groupe se concentre uniquement sur sa survie et ne dispose pas des moyens nécessaires pour contrôler la bande de Gaza.

« Ils ont complètement perdu le soutien du peuple, ainsi que leur emprise sur les esprits et les mots », a observé Rashid.

« Le Hamas s’est effondré », confirme Khaled. « Cela ne signifie pas qu’il n’essaiera pas de se reconstituer ; il continuera sans fin. »

Des membres du Service national de sécurité palestinien, fidèles au Hamas, patrouillent à la frontière sud de la bande de Gaza, le 10 février 2015. (Crédit : Abed Rahim Khatib/Flash90)

Selon Mark, ce qui reste de l’autorité du Hamas dans la bande de Gaza, se limite aux membres de la branche de défense civile dirigée par le Hamas, qui, masqués, dirigent la circulation à certains carrefours armés de fusils.

L’effondrement de la gouvernance du Hamas l’a forcé à la clandestinité, Tsahal estimant avoir tué près de 19 000 de ses terroristes. Depuis, ce vide de pouvoir est comblé par des familles et des clans locaux, qui contrôlent parfois des zones entières par la force.

Les grands clans familiaux sont un élément traditionnel de la société gazaouie. Avec le déplacement forcé de centaines de milliers de personnes du nord vers le sud de la bande de Gaza, de nombreux clans ont également dû se relocaliser. En s’installant dans de nouvelles zones, ils ont tenté d’imposer leur autorité ou de prendre le contrôle de certains secteurs d’activité, ce qui a mené à des conflits territoriaux avec les clans déjà présents.

Les affrontements armés entre clans ne sont pas rares, explique Mark, et peuvent parfois faire des victimes et dégénérer en querelles de représailles sanglantes.

Cette situation chaotique a grandement perturbé le travail des organisations humanitaires, qui sont maintenant obligées de négocier avec de nombreux chefs de clan pour pouvoir opérer, a-t-il ajouté.

Des Palestiniens armés et masqués sont assis sur des camions transportant de l’aide humanitaire à Gaza par le point de passage de Kerem Shalom avec Israël, dans le sud de la bande de Gaza, le 3 avril 2024. (Crédit : Abed Rahim Khatib/Flash90)

Selon Rashid, le Hamas se serait allié à des gangs liés aux clans, qui agissent comme sa « mafia » à l’intérieur de Gaza. Ces clans dominent les marchés noirs, où ils s’enrichissent en vendant nourriture et produits de première nécessité aux civils à des prix exorbitants en raison de la pénurie. Certains clans rackettent également les organisations humanitaires et les commerçants en échange d’un passage sécurisé dans les zones qu’ils contrôlent.

N12 rapportait en septembre que le Hamas avait récolté 500 millions de dollars en revendant de l’aide humanitaire volée, et que l’argent avait été en partie utilisé au recrutement de nouveaux terroristes.

Rashid a confirmé que le groupe terroriste continuait ses efforts pour recruter de nouveaux membres, mais il a précisé que très peu de personnes répondaient à l’appel.

La fin est proche ?

En septembre, Yoav Gallant, alors ministre de la Défense, avait déclaré que le Hamas n’était plus une organisation militaire et qu’il n’était plus engagé que dans la guérilla.

Deux mois plus tard, la situation n’a guère changé.

« Dans le centre de Gaza, où je vis, nous n’avons même plus l’impression d’être en guerre. Nous avons l’impression d’être en état de mort clinique », a expliqué Rashid. « Les opérations d’Israël, comme celle en cours à Jabalia, ne sont qu’une excuse pour prolonger le conflit. Après tout, l’objectif d’Israël était de démanteler le Hamas en tant que force dirigeante, et non d’éliminer chacun de ses membres. »

Rashid pense que le Hamas tentera de proclamer sa victoire au départ de Tsahal, mais estime que le centre et le sud de Gaza sont prêts pour l’après-guerre.

Des enfants palestiniens passent devant des tentes dans un camp de fortune pour les personnes déplacées à Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 17 octobre 2024. (Crédit : Eyad BABA / AFP)

Khaled, lui, considère qu’Israël n’a plus d’ennemi à combattre et appelle Tsahal à atténuer les souffrances des civils gazaouis.

« Il n’y a aucune raison de prolonger la guerre. Israël a vaincu le Hamas et peut mettre fin au conflit maintenant, en menant des opérations ciblées si nécessaire. Il n’est pas nécessaire de maintenir la pression sur les civils. Au contraire, Israël doit faire preuve de bonne volonté à l’égard des civils en établissant des zones de sécurité », a-t-il déclaré.

Il a préconisé la création de « zones de sécurité » dans la bande de Gaza par le biais de discussions avec des « institutions » israéliennes non spécifiées. Ces zones permettraient aux civils « pacifiques » de s’autogérer, indépendamment du Hamas et des clans. « Ce qu’il faut maintenant, c’est une volonté politique d’Israël. Malheureusement, les autorités israéliennes n’ont pas réagi », ajoute Khaled.

Le 28 octobre, la Knesset a adopté deux lois interdisant essentiellement à l’Office controversé des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) d’opérer en Israël et réduisant considérablement ses activités à Gaza et en Cisjordanie, malgré une large opposition internationale.

L’UNRWA assure la fourniture en éducation, soins de santé et aide alimentaire à des millions de Palestiniens dans la bande de Gaza, en Cisjordanie, en Jordanie, au Liban et en Syrie.

De jeunes garçons sont assis sur une charrette avec des colis d’aide humanitaire fournis par l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) dans le centre de Gaza, le 27 août 2024, lors du conflit entre Israël et le Hamas. (Omar AL-QATTAA / AFP)

Mark, le travailleur humanitaire, a prévenu que la fermeture de l’UNRWA perturberait gravement les opérations de secours.

« Beaucoup pensent que l’ONU peut facilement remplacer l’UNRWA, mais ce n’est pas si simple », a-t-il déclaré. « L’UNRWA était une immense organisation, qui gérait des écoles, des cliniques et la distribution alimentaire. Sans elle, en théorie, ces responsabilités incombent désormais à Israël, considéré comme la puissance occupante ».

Khaled, qui a grandi dans un camp de réfugiés et fréquenté les écoles de l’UNRWA, ne s’inquiète pas outre mesure de la suppression de l’aide de l’agence.

« Depuis le début de la guerre, l’UNRWA était censé distribuer de la nourriture, mais je n’ai jamais reçu qu’un sac de farine – et je dois nourrir une famille de dix personnes », a-t-il dit.

« Nous ne voulons pas vivre éternellement de l’aide », a-t-il ajouté. « Nous voulons vivre comme les gens du Golfe, d’Europe ou d’Amérique. Nous voulons développer une économie privée, travailler et pouvoir acheter ce dont nous avons besoin. Nous ne voulons pas dépendre éternellement de l’UNRWA pour un sac de farine ou de riz ».

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