Biens spoliés : La Lettonie et la Lituanie paieront les survivants de la Shoah et leurs héritiers
Les pays proposent une échéance limitée pour se porter candidat à une indemnisation après que des décennies de gouvernance soviétique ont empêché une telle initiative
JTA — Une petite échéance est offerte – jusqu’au 31 décembre exactement – aux survivants lituaniens de la Shoah et à leurs héritiers pour faire valoir leurs droits concernant les biens qui leur ont été spoliés, en vertu d’une loi qui a été adoptée l’année dernière.
Une législation similaire, en Lettonie, a également été mise en vigueur, offrant aux survivants de la Shoah l’opportunité d’obtenir un paiement unique d’environ 5 300 dollars.
« Pour de nombreuses personnes, ces accords ne sont pas seulement une question d’argent ; ils parlent aussi de reconnaissance », commente Gideon Taylor, président de la World Jewish Restitution Organization, auprès de la Jewish Telegraphic Agency. « Ce sont des pays qui acceptent finalement ce qu’a été leur passé en reconnaissant qu’il y avait des Juifs, là-bas et que chaque habitation, chaque maison représente une histoire individuelle ».
Les deux nations baltes étaient des centres riches de vie et d’Histoire juives avant la Seconde guerre mondiale. Les nazis, avec leurs collaborateurs lituaniens et lettons, avaient tué environ 90% des 220 000 Juifs de Lituanie et 75% des 95 000 Juifs de Lettonie. Aujourd’hui, environ 5 000 Juifs vivent en Lituanie et 9 500 en Lettonie.
Les deux pays étaient occupés par l’Union soviétique pendant la guerre et ils étaient restés au sein de l’Union soviétique jusqu’à sa dissolution. Ce qui explique pourquoi ils offrent une restitution seulement plus de 80 ans après que la population juive eut été expropriée, déportée et tuée, dit Taylor.
« L’idéologie communiste était, d’un côté, que les communistes avaient combattu les nazis et qu’ils n’avaient donc aucune responsabilité dans ce qui s’était passé », explique-t-il. « Il n’y a ainsi eu aucune possibilité de réparation ou de compensation en ce qui concerne les biens spoliés et, de surcroît, ces biens ont été tous confisqués par le gouvernement communiste, appartenant à l’État ».
Certains survivants lettons et lituaniens pourraient obtenir une indemnisation par le biais des enveloppes annuelles d’indemnisation qui sont négociées par l’association Conference on Jewish Material Claims Against Germany, qui est parvenue à rassembler la somme de 1,4 milliards de dollars, la plus élevée de l’Histoire, pour les survivants. Mais les pays de l’ex-Union soviétique n’ont pas présenté de programmes d’indemnisation directs et la plupart des programmes à destination des descendants des Juifs qui ont été tués, emprisonnés ou dont les biens ont été saisis par les nazis et par leurs collaborateurs ont d’ores et déjà expiré.
Dès 1991, par exemple, la Lituanie avait adopté une série de lois portant sur la restitution des biens privés que s’étaient appropriés les régimes totalitaires – mais dans la mesure où ces législations exigeaient des postulants d’être de citoyenneté lituanienne, elles excluaient, dans les faits, les survivants de la Shoah et les familles qui avaient fui le pays.
En ce moment, le programme lituanien est ouvert aux survivants et aux héritiers directs de biens privés juifs qui ont été nationalisés ou dont l’expropriation de la part des régimes nazi ou soviétique a été illégale. Une loi, en 2022, a prévu la distribution de 5 à 10 millions d’euros aux victimes de la Shoah, par le biais de la fondation Good Will. Le montant exact de chaque paiement – il sera unique – sera déterminé sur la base du nombre total de dossiers de candidature qui ont été approuvés, et les versements seront effectués avant le 1er juillet 2025.
Le programme letton, qui a aussi été lancé en 2022, propose un paiement de 5 000 euros aux survivants qui vivaient dans le pays à la date du 21 juin 1941, pendant l’occupation brève de la Lettonie par l’Allemagne, ce qui signifie que seules les personnes âgées de 82 ans et plus y sont éligibles. Le Fonds de restitution de la communauté juive, en Lettonie, approuvera ces indemnisations de manière continue.
La World Jewish Restitution Organization s’efforce actuellement de trouver des survivants et des héritiers directs éligibles à une compensation dans tout le monde juif, notamment en Israël, aux États-Unis et dans tout le Canada. Les bases de données des survivants ont permis d’entrer en contact direct avec certains d’entre eux. Toutefois, une campagne a aussi été lancée sur les réseaux sociaux, avec des annonces de publicité et même des partenariats avec les influenceurs qui tentent d’entrer en contact avec le nombre déclinant de personnes encore en lien avec ce lourd passé.