Blinken contourne le Congrès pour la deuxième vente d’armes express à Israël du mois
Le secrétaire d'État a déterminé qu'il existait une situation d'urgence nécessitant la vente immédiate d'obus d'artillerie de 155 millimètres et d'équipements connexes à Israël
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a accéléré la vente de munitions à Israël vendredi, contournant l’examen du Congrès sur les armes envoyées à Jérusalem pour sa guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas pour la deuxième fois ce mois-ci.
Expliquant la dernière décision de Blinken de renoncer à l’examen du Congrès, le Département d’État américain a déclaré que le secrétaire d’État avait déterminé qu’il existait une situation d’urgence nécessitant la vente immédiate d’obus d’artillerie de 155 millimètres et d’équipements connexes à Israël.
Le Département d’État a indiqué qu’Israël avait demandé que les détonateurs, les amorces et les charges soient inclus dans une demande antérieure concernant les obus de 155 mm. La valeur totale de la vente est estimée à 147,5 millions de dollars.
Le 9 décembre, Blinken a utilisé la même mesure d’urgence pour accélérer la vente d’environ 14 000 obus de chars d’assaut à Israël, pour un montant de 106 millions de dollars.
Ces deux mesures ont été prises alors que la demande du président américain Joe Biden concernant un programme d’aide de près de 106 milliards de dollars pour l’Ukraine, Israël et d’autres exigences en matière de sécurité nationale reste en suspens au Congrès, pris dans un débat sur la politique d’immigration des États-Unis et la sécurité des frontières.
Des législateurs démocrates d’extrême-gauche ont évoqué la possibilité de subordonner l’aide américaine de 14,3 milliards de dollars proposée à son allié du Moyen-Orient à des mesures concrètes prises par le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu pour réduire le nombre de victimes civiles à Gaza pendant la guerre contre le Hamas.
Le Département d’État a cherché à contrer les critiques potentielles de la vente pour des raisons de droits de l’Homme en affirmant qu’il était en contact permanent avec Israël pour souligner l’importance de minimiser les pertes civiles.
Les responsables de l’administration Biden ont également intensifié leurs appels à Israël pour qu’il réduise l’intensité des combats menés par Tsahal au cours des dernières semaines.
« Nous continuons d’insister fortement auprès du gouvernement israélien sur le fait qu’il doit non seulement se conformer au droit humanitaire international, mais aussi prendre toutes les mesures possibles pour éviter de blesser des civils », a affirmé le Département d’État vendredi.
« Le Hamas se cache derrière les civils et s’est implanté dans la population civile, mais cela ne minimise pas la responsabilité et l’impératif stratégique d’Israël de faire la distinction entre les civils et les terroristes du Hamas lorsqu’il mène ses opérations militaires », a souligné le département.
« Ce type d’opération ne peut être gagné qu’en protégeant les civils. »
Passer outre le Congrès avec des procédures d’urgence pour les ventes d’armes est une mesure inhabituelle qui, par le passé, s’est heurtée à la résistance des législateurs, qui disposent normalement d’un certain temps pour se prononcer sur les transferts d’armes proposés et, dans certains cas, pour les bloquer.
Les États-Unis et Israël ont maintenu un accord selon lequel Washington continue à soutenir la guerre d’Israël contre le Hamas, tandis que Jérusalem prend des mesures pour s’assurer que l’aide humanitaire à Gaza puisse augmenter parallèlement, avait indiqué un fonctionnaire israélien au Times of Israel au début du mois.
Israël reproche aux autorités égyptiennes et de l’ONU de ne pas suivre sa cadence d’inspection, tandis que l’ONU insiste sur le fait qu’une aide substantielle ne peut être acheminée en toute sécurité tant que les combats se poursuivent.
Vendredi, seuls 81 camions transportant de l’aide humanitaire sont entrés à Gaza par les points de passage israéliens de Kerem Shalom et égyptiens de Rafah, a indiqué le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA).
Kerem Shalom avait été fermé pendant trois jours jusqu’à vendredi en raison de ce que l’OCHA appelle des incidents de sécurité, notamment une attaque de drone de l’armée israélienne, la saisie de l’aide par des habitants désespérés et des transferts non annoncés et non coordonnés de prisonniers et de victimes en provenance d’Israël.
« Le volume de l’aide reste terriblement insuffisant », a affirmé l’OCHA dans un communiqué.
Le 17 décembre, Israël a rouvert le point de passage de Kerem Shalom pour permettre à l’aide d’entrer directement dans Gaza depuis Israël, pour la première fois depuis le début de la guerre.
Toutefois, cette mesure n’a pas entraîné l’augmentation souhaitée de l’acheminement de l’aide.
Deux cents camions sont entrés à Gaza chaque jour de la trêve d’une semaine du mois dernier. Depuis, ce chiffre est loin d’être atteint. Avant la guerre et la crise humanitaire massive qui en a résulté, environ 500 camions d’aide entraient chaque jour dans la bande de Gaza.
La semaine dernière, Washington a opposé son veto à une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies appelant à une augmentation de l’aide.
Netanyahu a profité d’un appel téléphonique avec le président américain Joe Biden pour remercier Washington d’avoir réussi à modifier le texte en supprimant l’appel à un cessez-le-feu immédiat.
Pour sa part, Biden a profité de cet appel pour faire part de son souhait de voir Israël réduire son opération dans la bande de Gaza, a déclaré la Maison Blanche.
Le bureau de Netanyahu a indiqué dans un communiqué que le Premier ministre « a précisé qu’Israël poursuivrait la guerre jusqu’à ce que tous ses objectifs soient atteints », notamment le renversement du groupe terroriste palestinien du Hamas et le retour de tous les otages encore détenus par les terroristes palestiniens dans la bande de Gaza.
Blinken a déclaré mercredi que les États-Unis continueraient à fournir une assistance à Israël pour « s’assurer que ce qui s’est passé le 7 octobre ne puisse plus jamais se reproduire ».
En privé, des fonctionnaires de l’administration Biden en visite en Israël ont fait savoir qu’ils s’attendaient à ce que le passage progressif à des combats de moindre intensité commence en janvier, ont indiqué deux fonctionnaires américains et israéliens au Times of Israel.
Mi-décembre, Biden a averti qu’Israël perdait le soutien de la communauté internationale en raison de ses « bombardements aveugles » à Gaza.
Les opérations aériennes et terrestres menées par Israël auraient fait plus de 21 000 morts à Gaza depuis le début de la guerre, selon le ministère de la Santé du Hamas. Les chiffres publiés par le groupe terroriste sont invérifiables, et ils incluraient ses propres terroristes et hommes armés, tués en Israël et à Gaza, et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza. Tsahal affirme avoir tué quelque 8 500 terroristes au cours de la guerre.
La guerre a éclaté le 7 octobre lorsque les terroristes du Hamas se sont déchaînés sur les communautés du sud, tuant 1 200 personnes – pour la plupart des civils massacrés lors d’atrocités brutales – et emmenant au moins 240 otages à Gaza.
La frustration des États-Unis à l’égard de Netanyahu s’est étendue à d’autres questions : Biden aurait dit au Premier ministre, lors du même appel téléphonique ce week-end, que la décision du cabinet israélien de retenir les recettes fiscales de l’Autorité palestinienne (AP) devait être résolue.
Un fonctionnaire américain a indiqué au site d’information Axios que cet appel avait été l’un des plus difficiles et des plus « contrariants » depuis le début de la guerre. « Nous avons eu l’impression que le président prenait chaque jour des risques pour Bibi [Netanyahu] et que lorsque ce dernier doit donner le change et prendre un risque politique, il n’est pas disposé à le faire », a expliqué le fonctionnaire américain.
Selon l’article d’Axios, « Biden a demandé à Netanyahu d’accepter » la proposition qu’il a lui-même soulevée il y a plusieurs semaines : « transférer les recettes fiscales retenues en Norvège pour qu’elles soient conservées jusqu’à ce qu’un arrangement soit trouvé pour apaiser les inquiétudes d’Israël qui craint que les fonds ne parviennent au Hamas ».
L’AP a accepté cet arrangement, selon Axios, mais Netanyahu aurait tenté de faire marche arrière, disant à Biden qu’il ne pensait plus que c’était une bonne idée.
Après quelques minutes de conversation, Biden aurait dit à Netanyahu qu’il s’attendait à ce qu’il solutionne la problématique, et qu’il devrait traiter avec les partisans de la ligne radicale dans sa coalition sur la question tout comme lui, le président, traite avec la pression politique du Congrès au sujet de la guerre.
« Le président a ajouté que ‘cette conversation était terminée’ et a mis fin à l’appel », selon Axios citant le responsable américain et la deuxième source.
Les États-Unis font depuis longtemps pression sur Israël pour qu’il prenne des mesures visant à renforcer l’AP, faisant valoir que l’effondrement du Hamas, moins modéré, aurait pour conséquence qu’Israël serait chargé de fournir des services à environ trois millions de Palestiniens en Cisjordanie.
Washington considère également le renforcement de l’AP comme une condition préalable à la mise en place d’une solution à deux États, à laquelle s’oppose l’actuel gouvernement israélien.