Blinken échange avec Gallant au sujet du manque d’aide humanitaire à Gaza
Le département d'État déclare qu'Israël n'a pas réussi à améliorer suffisamment les conditions humanitaires, alors que l'échéance fixée par Washington pour se conformer à ses exigences approche - avec un risque de restrictions sur l'aide militaire
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken s’est entretenu lundi au téléphone avec le ministre de la Défense Yoav Gallant. Objectif de cet appel téléphonique : faire le point sur les initiatives prises par Israël pour améliorer la situation humanitaire à Gaza, a fait savoir le département d’État, alors que la date-limite fixée par les États-Unis pour que l’État juif se conforme à certaines exigences se rapproche – avec, le cas échéant, le risque de voir les États-Unis appliquer de potentielles restrictions sur l’assistance militaire offensive fournie à Israël.
Un appel qui a eu lieu trois jours après que Blinken a eu une conversation similaire avec le ministre des Affaires stratégiques, Ron Dermer, et alors que les États-Unis critiquent de plus en plus les tentatives, selon eux, insuffisantes de la part d’Israël de soulager la crise humanitaire au sein de l’enclave palestinienne.
Blinken et le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, avaient envoyé une lettre à Gallant et à Dermer en date du 13 octobre – avertissant que toute incapacité à s’attaquer à la crise humanitaire dans les 30 jours pourrait avoir des implications juridiques concernant les livraisons continues d’armes offensives en direction de l’État juif, les destinataires d’une telle assistance militaire ayant l’interdiction de bloquer les aides humanitaires apportées aux populations dans le besoin.
Dans leur courrier transmis à la mi-octobre, Austin et Blinken avaient fait savoir qu’entre autres conditions, Israël devait autoriser l’entrée de 350 camions transportant des produits alimentaires et autres approvisionnements par jour. Il a toutefois été révélé, vendredi, qu’un réexamen des données recueillies par l’ONU et par l’État juif avait permis d’établir que le nombre de camions pénétrant quotidiennement au sein de l’enclave côtière était bien inférieur à ce chiffre.
Le porte-parole du Département d’État, Matthew Miller, a estimé, lundi, qu’Israël avait « échoué » à répondre aux conditions nécessaires pour améliorer l’acheminement de l’assistance alimentaire et il a fait remarquer que s’il restait encore neuf jours avant l’échéance fixée par la Maison Blanche, les progrès – limités – étaient largement insuffisants.
« Aujourd’hui, la situation n’a pas changé de manière significative », a indiqué Miller aux journalistes. « Nous avons constaté une augmentation dans certaines évaluations. Mais si on se réfère aux recommandations qui ont été stipulées dans la lettre – les objectifs n’ont pas été atteints ».
Avant le début de la guerre à Gaza – une guerre qui avait été déclenchée par le pogrom commis par les hommes au Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023 – une moyenne de 500 camions par jour, transportant des aides humanitaires, entrait dans la bande. Les groupes humanitaires ont indiqué que cet afflux était le minimum nécessaire pour répondre aux besoins de la population de la bande – qui compte 2,3 millions d’habitants. La majorité des Gazaouis ont été déplacés de leurs foyers, souvent à de multiples reprises, depuis que le conflit a commencé.
Israël n’a jamais atteint, ne serait-ce que pendant un mois, ce chiffre de 500 camions entrant au quotidien dans l’enclave depuis le début des combats. Un pic avait été enregistré au mois d’avril, avec 225 poids-lourds qui apportaient quotidiennement de l’assistance humanitaire, selon les chiffres du gouvernement.
Au moment où Blinken et Austin avaient envoyé leur courrier, les inquiétudes portant sur la menace de la famine qui planait sur la population de Gaza en raison de ces restrictions étaient croissantes. Le nombre de camions autorisés à entrer par Israël dans la bande avait plongé au printemps et à l’été dernier – avec une moyenne de 13 poids-lourds par jour au début du mois d’octobre, selon les chiffres enregistrés par les Nations unies.
A la fin du mois d’octobre, ce nombre a grimpé à une moyenne de 71 camions quotidiens, a fait savoir l’ONU.
Une fois que les aides sont entrées à Gaza, les organisations rencontrent encore des difficultés pour répartir l’assistance dans les entrepôts, puis pour la distribuer aux personnes en ayant le plus besoin, ont indiqué la semaine dernière les associations humanitaires et le Département d’État. A l’origine de ces difficultés, il y a notamment une lenteur dans le traitement des aides de la part d’Israël, les restrictions placées par l’État juif sur les approvisionnements, l’anarchie qui règne sur le territoire et d’autres obstacles, ont expliqué les organisations.
Cette baisse survenue dans la délivrance des aides s’est faite tout particulièrement ressentir dans le nord de l’enclave, où Israël a relancé une nouvelle offensive, le mois dernier, visant à empêcher le Hamas de relever la tête.
Pendant les deux premières semaines de cette offensive, aucune assistance n’était parvenue jusqu’au nord de Gaza, ce qui avait entraîné l’indignation des organisations humanitaires et des alliés d’Israël – parmi lesquels les États-Unis.
Cet arrêt de deux semaines de l’acheminement des aides dans le nord de la bande a donné lieu à des rumeurs – Israël étant accusé de mettre en œuvre « le General’s plan » en gelant l’entrée de l’assistance humanitaire dans le nord, dans le but d’affamer les terroristes du Hamas.
S’il devait être effectivement mis en œuvre, ce plan très controversé prendrait au piège les centaines de milliers de Palestiniens qui n’ont pas voulu quitter leurs habitations – ou qui n’ont pas été en capacité de le faire – après l’ordre d’évacuation lancé par Tsahal, les laissant sans eau et sans nourriture.
Tsahal a démenti appliquer un tel plan – même si les responsables du gouvernement, et le Premier ministre Benjamin Netanyahu, n’ont pas apporté de démenti officiel de leur côté.
Les données récoltées par le COGAT – c’est l’instance militaire en charge de l’aide humanitaire à Gaza – ont montré que l’assistance est passée à moins d’un tiers de ce qu’elle représentait au mois de septembre et au mois d’août. Au mois de septembre, 87 446 tonnes d’aides humanitaires avaient pénétré sur le sol gazaoui. En octobre, seules 26 399 tonnes étaient entrées dans la bande.
« Les résultats ne sont pas suffisamment bons aujourd’hui », a affirmé Miller. « Assurément, ils n’ont très certainement pas carte blanche de notre part… Ils ont été dans l’incapacité de mettre en œuvre toutes ces choses que nous avions recommandées. Maintenant, cela dit, nous ne sommes pas encore au terme de la période de trente jours ».
Interrogé sur la question, il n’a pas voulu préciser ce que pourraient faire les États-Unis lorsque l’échéance sera arrivée, la semaine prochaine, se contentant de dire : « Nous respecterons la loi ».
Austin, lui aussi, a rappelé « combien il est important de garantir que l’assistance humanitaire puisse entrer de manière fluide – et plus rapidement – à Gaza » dans ses entretiens téléphoniques avec Gallant, a déclaré le major-général Pat Ryder, responsable du service de presse du Pentagone.
Le COGAT a annoncé, dans la journée de lundi, qu’il avait procédé à l’évacuation de 72 patients qui étaient pris en charge dans des hôpitaux du nord de la bande dans la journée – ils ont été hospitalisés dans d’autres secteurs plus sûrs. Il a aussi fait savoir qu’il avait livré des équipements médicaux aux établissements hospitaliers, avec également du carburant, des produits alimentaires, de l’eau et des poches de sang.
Miller a aussi déclaré que les États-Unis étaient en train d’étudier la décision prise par le gouvernement israélien de se retirer de l’accord de 1967 qui avait reconnu l’agence de l’ONU en charge de la question des réfugiés palestiniens, l’UNRWA. La Knesset a adopté, la semaine dernière, des lois qui viendront limiter de manière importante les opérations de l’agence en Israël, à Gaza et en Cisjordanie.
Blinken et Austin s’étaient opposés, dans leur missive, à cette rupture des liens entre l’État juif et l’Office controversé de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient.
Si cela fait longtemps qu’Israël entretient une relation conflictuelle avec l’UNRWA, la colère avait atteint un pic suite au pogrom commis par le Hamas, le 7 octobre – il s’était avéré qu’un certain nombre d’employés de l’agence y avaient pris part, kidnappant et massacrant des Israéliens.
Israël affirme que 10 % des personnels de l’agence des Nations unies sont liés au Hamas – une accusation rejetée avec force par l’agence.
Avant l’adoption de la législation, l’UNRWA avait confirmé qu’un commandant de l’unité Nukhba du Hamas, qui avait été tué dans une frappe israélienne et qui avait été à la tête du massacre commis dans un abri antiaérien situé aux abords du kibboutz Reim, le 7 octobre, travaillait pour l’agence depuis le mois de juillet 2022.
Dans ce contexte, les deux projets de loi auront rapidement avancé au parlement, parrainés à la fois par des députés de la coalition et par des législateurs de l’opposition.
Israël est en guerre contre le groupe terroriste du Hamas au pouvoir dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023 – date à laquelle des milliers d’hommes armés placés sous la direction du Hamas avaient envahi le sud d’Israël. Ils y avaient commis un pogrom, massacrant plus de 1 200 personnes et prenant 251 personnes en otage. 97 captifs se trouveraient encore dans les geôles du groupe terroriste.
Le ministère de la Santé de Gaza, qui est dirigé par le Hamas, affirme que plus de 44 000 personnes ont été tuées ou sont présumées mortes dans les combats jusqu’à présent. Ce bilan est invérifiable et il ne fait pas de distinction entre civils et combattants. De son côté, Israël avait indiqué, au mois d’août, avoir tué quelque 17 000 hommes armés dans les combats depuis le début de la guerre, en plus d’un millier d’hommes sur le territoire israélien, le 7 octobre et dans les jours qui avaient suivi.
Israël déclare chercher à minimiser les pertes, du côté des civils, et souligne que le Hamas utilise la population comme bouclier humaine, lançant ses attaques depuis des structures civils – quartiers résidentiels, habitations, hôpitaux, écoles et mosquées.
Lazar Berman a contribué à cet article.