Blinken exhorte Israël à élaborer un plan d’après-guerre
Tout en affirmant que le coût d'une incursion à Rafah pour les civils n'en "vaudrait pas la peine", le secrétaire d'État veut s'assurer que le Hamas ne puisse plus gouverner Gaza
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a déclaré dimanche qu’Israël devait disposer d’un plan de gouvernance pour l’après-guerre à Gaza, faute de quoi il y aurait « un vide susceptible d’être comblé par le chaos, l’anarchie et, en fin de compte, par le [groupe terroriste palestinien du] Hamas à nouveau ».
Dans une interview accordée à l’émission « Meet the Nation » de la chaîne CBS, le plus haut diplomate américain a déclaré que si Israël pouvait obtenir un « succès initial » lors d’une éventuelle opération militaire à Rafah, la ville la plus méridionale de Gaza, le « coût élevé pour les civils » n’en vaudrait pas la peine.
En outre, il a déclaré que sans un plan pour déterminer qui prendra le contrôle de Gaza après la défaite du groupe terroriste palestinien du Hamas, Israël « devra faire face à une insurrection durable parce qu’un grand nombre de [terroristes] armés du Hamas resteront sur place, quoi qu’ils fassent à Rafah ».
« S’ils partent et quittent Gaza, comme nous pensons qu’ils doivent le faire, il y aura un vide qui sera probablement comblé par le chaos, l’anarchie et, en fin de compte, de nouveau par le Hamas », a-t-il affirmé.
Asked if the U.S. is pausing any weapons shipments to Israel apart from 3,500 so-called ‘dumb bombs,’ @SecBlinken says “The answer to that is no,” but adds that if Israel invades Rafah, “there's certain systems that we're not going to be…supplying for that operation.” pic.twitter.com/yLQHpkG0lQ
— Face The Nation (@FaceTheNation) May 12, 2024
Le plan actuellement envisagé par Israël à Rafah « risque de provoquer d’énormes dégâts auprès de la population civile sans pour autant résoudre le problème », a estimé par ailleurs le chef de la diplomatie américaine sur NBC.
« Nous avons vu le Hamas revenir dans les zones qu’Israël a libérées dans le nord, même à Khan Younès », ville en ruines proche de Rafah, a assuré le secrétaire d’Etat.
Les Etats-Unis ont publiquement menacé de suspendre la livraison de certaines catégories d’armes à Israël, notamment des obus d’artillerie, si Israël lançait une offensive majeure dans la ville surpeuplée de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, à laquelle le président Joe Biden s’oppose.
Des inquiétudes réitérées par le conseiller à la sécurité nationale américain, Jake Sullivan, lors d’un entretien dimanche avec son homologue israélien Tzahi Hanegbi, selon un communiqué de la Maison Blanche.
D’après l’exécutif américain, M. Hanegbi a confirmé qu’Israël « prenait bien en compte les préoccupations des Etats-Unis ».
A la question de savoir si les Etats-Unis considéraient que davantage de civils avaient été tués à Gaza que de membres du Hamas, Blinken a répondu « oui », dimanche à la chaîne CBS.
Les déclarations de Blinken font écho à des déclarations antérieures de l’administration Biden encourageant le Premier ministre Benjamin Netanyahu à élaborer et à annoncer une stratégie dite « du jour d’après » pour déterminer qui gouvernera Gaza après la guerre.
Le chef d’état-major de l’armée israélienne, Herzi Halevi, aurait critiqué Netanyahu lors des consultations sur la sécurité qui ont eu lieu ce week-end, parce qu’il n’avait pas élaboré un tel plan.
Netanyahu et son gouvernement sont depuis longtemps critiqués pour leur refus d’élaborer un plan de gestion de la bande de Gaza après la guerre, et le Premier ministre a refusé de tenir des discussions de fond au sein du cabinet sur la question, craignant qu’elles n’entraînent l’effondrement de sa coalition.
Netanyahu a rejeté les efforts visant à inclure l’Autorité palestinienne (AP) dans la planification de l’après-guerre, arguant que le contrepoids plus modéré du Hamas, qui soutient publiquement une solution à deux États, n’est pas différent du groupe terroriste de Gaza en ce sens qu’il refuse lui aussi d’accepter l’existence d’Israël et qu’il prône la haine de l’État juif.
« Nous avons le même objectif qu’Israël », a déclaré Blinken. « Nous voulons nous assurer que le Hamas ne puisse plus gouverner Gaza. Nous voulons nous assurer qu’elle soit démilitarisée. Nous voulons nous assurer qu’Israël capture les dirigeants [du Hamas]… Nous avons un moyen différent, et nous pensons que c’est un moyen plus efficace et plus durable d’y parvenir. Nous restons en discussion avec Israël à ce sujet. »
Le Washington Post a rapporté samedi que l’administration Biden avait proposé à Israël de lui fournir des « renseignements sensibles » sur la localisation des hauts dirigeants du Hamas si ce dernier acceptait de surseoir à l’opération militaire d’envergure qu’il promet depuis longtemps à Rafah.