B’nai Brith Canada : la mesure anti-islamophobie est une entrave à la liberté d’expression
Les détracteurs d'une motion déplorent le fait que les musulmans aient un traitement de faveur, et affirment que cela complique la lutte contre l'antisémitisme
Les dirigeants juifs canadiens étudient actuellement une mesure destinée à empêcher l’islamophobie et l’intolérance à l’égard des minorités.
Au début du mois, le dirigeant de B’nai Brith Canada a fait part de ses objections à la motion parlementaire M-103 adoptée au début de l’année qui « condamne l’islamophobie et toutes les formes de racisme systématique et de discrimination religieuse ». Le Standing Committee on Canadian Heritage a organisé des réunions sur cette mesure cette semaine.
Les détracteurs de cette mesure affirment qu’elle exclut les musulmans parce qu’elle ne condamne textuellement que l’islamophobie et ne mentionne explicitement aucun autre groupe religieux. D’autres affirment que cette motion est une entrave à la liberté d’expression.
« Chaque juif canadien, ainsi que chaque Canadien, est écœuré par les crimes anti-musulmans dont nous avons été témoins ces dernières années, notamment l’attentat meurtrier contre une mosquée à Québec, en janvier 2017 », a écrit Michael Mostyn, PDG du B’nai Brith dans un éditorial pour le quotidien canadien National Post. « Pourtant, de nombreux membres de notre communauté craignent la motion M-103 et ses potentielles ramifications, et à juste titre. »
Mostyn a déclaré dans un communiqué qu’il dirait au Standing Commitee on Canadian Heritage qu’en décourageant la critique de l’islam, la motion M-103 compliquerait la lutte contre l’antisémitisme.
Les crimes haineux contre les musulmans ont plus que doublé entre 2013 et 2016. Le bureau des statistiques canadien a recensé 159. En 2015, cette même agence avait déterminé qu’une tendance qui remonte à 9 ans, les Juifs étaient le groupe religieux le plus ciblé, avec 178 incidents signalés.
Mostyn a écrit que « de nombreux incidents anti-juifs ont été l’œuvre de musulmans canadiens, qui disent parfois agir ou parler au nom de l’islam. Ces douze derniers mois, pas moins de 4 mosquées canadiennes, deux à Montréal, une à Toronto, et une à Vancouver, ont été montrées du doigt comme des lieux où l’on répand la haine du juif.
Il faisait référence à une mosquée de la province de Colombie-Britannique, dont le site proposait un contenu antisémite, et à une mosquée de Toronto, dans laquelle un orateur avait évoqué « les saletés de Juifs ».
Mostyn a ajouté que le mois derniers, les procureurs du Québec ont décidé de ne pas inculper un imam de Montréal, Sayed al-Ghitawi, qui avait appelé Dieu à « détruire les Juifs maudits », à « les tuer un par un an », et « à n’en laisser aucun en vie ».
« Imaginez le scandale si un prêtre ou un pasteur était filmé alors qu’il tiendrait des propos similaires sur les musulmans dans une église canadienne », a-t-il écrit.
« Malheureusement, la motion M-103 risque d’exacerber l’attitude déjà nonchalante du public à l’égard de ces scandales antisémites. »
Bennie Farber, ancien PDG du Congrès canadien juif, a manifesté son soutien pour la motion.
« En tant que Juifs canadiens, nous comprenons le devoir de mémoire », a-t-il écrit dans un éditorial pour le Daily Star. « Avec le patrimoine de souffrance du peuple juif, c’est devenu un article de foi que de commémorer la persécution. Ce que nous voyons ici, tristement, c’est que lorsqu’il est question de l’oppression des musulmans canadiens, nombre de Canadiens tentent d’oublier. La motion M-103 offre une résistance face à l’amnésie collective. »
Le Centre for Israel and Jewish Affairs (CIJA), a exhorté mercredi la House of Commons Standing Committee on Canadian Heritage a adopté une terminologie plus précise.
« Nous pensons aussi qu’il est vital de parvenir à un consensus sur les termes clefs, notamment sur l’islamophobie, a déclaré Shimon Koffler Fogel, PDG du CIJA dans un communiqué.
« On ne peut pas lutter efficacement contre la bigoterie et la haine sans définition précise. Nous exhortons la Commission à s’assurer que la définition assure une protection maximale contre la haine pour les musulmans, sans pour autant restreindre le discours légitime sur les idéologies et les activités politiques. »
Mercredi, les élus québécois ont adopté un projet de loi sur la neutralité religieuse qui impose aux citoyens de se découvrir le visage lorsqu’ils profitent des services publics, où qu’ils les fournissent, notamment dans les transports en commun. Le projet de loi ne spécifie aucun vêtement particulier, mais semble faire référence à la burka et au niqab.
Mira Sucharov, professeure associée en Sciences politiques à l’université de Carlston à Ottawa, a décrit ce projet de loi comme « une manifestation de l’islamophobie légiférée ».
Les élus canadiens « menacent le délicat équilibre entre l’Église et l’État au Canada, tout en encourageant l’islamophobie par le biais d’une interdiction généralisée du niqab et de la burka », a-t-elle écrit dans le quotidien israélien Haaretz.