Borrell tente de rassurer Cohen après un débat houleux au Parlement européen
Une session, intitulée "Détérioration de la démocratie en Israël et conséquences sur les territoires occupés", a été émaillée de virulentes critiques contre Israël et d'appels à rompre les liens diplomatiques
Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Le chef de la politique étrangère européenne, Josep Borrell, a rejeté les accusations selon lesquelles l’Union européenne (UE) s’immisçait dans les affaires intérieures d’Israël.
Il a affirmé mardi que Jérusalem ne devrait pas mal prendre le débat au Parlement européen sur les politiques en Cisjordanie et la réforme judiciaire.
Les propos de Borrell ont introduit une session intitulée « Détérioration de la démocratie en Israël et conséquences sur les territoires occupés », débat d’une heure invitant les membres du Parlement européen à examiner les pressions du gouvernement israélien pour encadrer strictement le système judiciaire, les manifestations publiques et les mesures israéliennes vis-à-vis des Palestiniens.
Emaillé de virulentes critiques d’Israël et d’appels à rompre les relations diplomatiques, le débat a fortement incommodé le ministre des Affaires étrangères Eli Cohen, qui s’est exprimé à plusieurs reprises ces derniers jours contre ce qu’il qualifie d’ingérence européenne dans les affaires intérieures israéliennes.
« Il ne s’agit pas d’ingérence mais d’une manifestation de notre intérêt et de notre considération pour la démocratie israélienne », a répondu M. Borrell en ouvrant la session à Strasbourg.
Cohen s’est entretenu avec Borrell mardi, lui reprochant d’avoir mis sur le même plan les attentats terroristes palestiniens et les opérations de Tsahal.
Cohen a par ailleurs demandé que l’UE s’abstienne de s’immiscer dans la politique interne d’Israël.
Lors d’une conférence de presse, lundi soir, avec le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, Cohen a demandé à son homologue de faire en sorte de prévenir toute ingérence européenne dans les affaires intérieures d’Israël et le conflit israélo-palestinien.
Dans son discours au Parlement européen, Borrell a reconnu que Cohen « n’était pas très heureux de ce débat ».
« Ce parlement est libre de discuter de tout ce qu’il considère important », a insisté M. Borrell.
« Et c’est ce que j’ai essayé d’expliquer au ministre israélien [d’une manière très amicale] : ‘Ecoutez, il est normal que les parlementaires soient préoccupés par la spirale de violence en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, et veuillent désamorcer la situation.’ »
Borrell a souligné que l’UE reconnaissait le droit d’Israël à se défendre et ne comparerait jamais les opérations anti-terroristes de Tsahal aux attentats terroristes.
« J’espère que le débat d’aujourd’hui sera fructueux, de manière à montrer au ministre Cohen que le Parlement est prêt à discuter de ce qui se passe au Moyen-Orient », a-t-il poursuivi, « et comment nous pouvons contribuer au processus de paix, ce qui ne revient pas du tout à avoir une position anti-israélienne – pas du tout ».
Sur la question de la réforme judiciaire, Borrell a dit ne pas prendre parti et se borner à exprimer l’espoir qu’un compromis soit trouvé.
Il a toutefois clairement exprimé sa position sur la situation en
Cisjordanie : « Les colonies sont illégales au regard du droit international et leur expansion doit cesser, ainsi que les démolitions de maisons et les expulsions de Palestiniens. Le gouvernement israélien doit sérieusement lutter contre la violence des colons extrémistes et amener leurs auteurs à rendre des comptes. »
Il a ajouté que les opérations de Tsahal devaient être proportionnées et conformes au droit international.
Borrell a également critiqué les Palestiniens, affirmant qu’ils devaient faire en sorte de lutter contre le terrorisme et s’unir de manière à créer une autorité nationale.
Le Parlement européen a également tenu des débats mardi sur les menaces qui pèsent sur la société civile en Géorgie et en Moldavie.
La tentative du ministère des Affaires étrangères de faire taire les critiques européennes a été dénoncée par le chef de l’opposition Yair Lapid, qui a cité des informations selon lesquelles des diplomates israéliens en Europe avaient reçu des éléments de langage de nature partisane avant le débat du Parlement européen.
« Chaque tentative du ministère des Affaires étrangères de mener une campagne politique en dehors des frontières d’Israël est une atteinte sérieuse au rôle du ministère des Affaires étrangères et une violation totale des règles diplomatiques, ce qui causera à Israël des dommages diplomatiques importants », a tweeté Lapid.
Il a ajouté qu’il s’agissait « d’une violation flagrante et manifeste des règles et même de la séparation des pouvoirs ».
Le site d’information Walla a fait savoir qu’Assaf Moran, chef du service du ministère en charge des organisations multilatérales européennes et de l’OTAN, avait adressé une lettre aux envoyés d’Israël dans les pays de l’UE avec des éléments de langage à diffuser auprès des parlementaires amis avant le débat, rappelant que les élections de novembre « avaient exprimé un choix sans appel de la population israélienne sur l’identité du gouvernement et son programme ».
Le message aurait également fait valoir que le processus législatif en vue de la réforme était loin d’être terminé, « et [qu’]il était préférable de le laisser se dérouler sans ingérence extérieure ».
Et ce, alors que de nombreux projets de loi sur la question se rapprochent de leur toute dernière lecture, qui pourrait avoir lieu dès la semaine prochaine.