Canada : Andrew Scheer, conservateur, ami d’Israël et principal rival de Trudeau
Celui qui pourrait devenir le prochain Premier ministre à l'issue des législatives du 21 octobre veut déménager l'ambassade du Canada en Israël à Jérusalem
Réservé de nature, fiscalement prudent, personnellement hostile à l’avortement, au mariage homosexuel ou au cannabis légal : aussi bien par sa personnalité que ses idées, le chef conservateur canadien Andrew Scheer tranche avec le Premier ministre libéral sortant Justin Trudeau, auquel il espère succéder lors des élections législatives fédérales du 21 octobre.
Plus de deux ans après son arrivée à la direction du Parti conservateur du Canada, M. Scheer, 40 ans, reste une énigme pour bien des Canadiens, lui qui est pourtant député d’une circonscription de l’Ouest du pays depuis 2004.
« On le voit bien, ce n’est pas un personnage charismatique à la Trudeau. C’est l’antithèse jusqu’à un certain point de Trudeau : il n’est pas à l’aise devant les foules », résume pour l’AFP Frédéric Boily, politologue à l’université d’Alberta à Edmonton.
M. Scheer se décrit lui-même comme un Canadien ordinaire : un bon père de famille de cinq enfants (deux garçons et trois filles âgés de 3 à 14 ans) conduisant un mini-van et aimant prendre une bière en regardant un match de football américain.
Larges fossettes sur le visage, cet homme grand (1,93 m) et pragmatique s’est imposé face à 12 autres candidats après treize tours de scrutin lors de la course à la direction de son parti en mai 2017, apparaissant comme l’homme du compromis entre conservateurs fiscaux et moraux, quand personne ne l’attendait.
Timide, il lui arrive de ne pouvoir réfréner un sourire, même lorsqu’il se fâche, une situation qui le frustre et lui a valu le surnom de « Harper souriant », en référence à l’austère ancien Premier ministre conservateur Stephen Harper (2006-2015).
« Il est idéologiquement plus conservateur que Stephen Harper sur les questions familiales et morales », souligne cependant le politologue Daniel Béland de l’université McGill à Montréal.
L’environnement, son « talon d’Achille »
Né à Ottawa dans une famille catholique pratiquante de la classe moyenne, M. Scheer est animé par des convictions personnelles profondes héritées de ses parents, une mère infirmière impliquée dans le mouvement anti-avortement, et un père archiviste dans un journal local, aujourd’hui diacre d’une basilique de la capitale canadienne.
Il se veut rassurant face à ses prises de position tranchées du passé contre l’avortement ou le mariage homosexuel, qui vont à contre-courant de l’opinion d’une majorité de Canadiens. S’il devient Premier ministre, « rien ne va changer » dans ce domaine, martèle-t-il en promettant de ne pas rouvrir les débats sur ces enjeux, contrairement à ce qu’en pensent ses détracteurs.
Il a été acculé à la défensive lorsque la presse a révélé en milieu de campagne qu’il avait aussi la nationalité américaine, héritée de son père né aux Etats-Unis. Il a reconnu le fait mais expliqué qu’il avait formellement demandé à y renoncer après avoir pris la tête du parti en 2017.
Sa priorité au pouvoir serait d’abolir la taxe fédérale sur le carbone, principale mesure du gouvernement Trudeau pour lutter contre le réchauffement climatique. Il investirait plutôt dans les technologies propres. « Il a un plan vert, mais qui est assez mince », dit à l’AFP Daniel Béland.
Pour Frédéric Boily, l’environnement, c’est le « véritable talon d’Achille » d’Andrew Scheer, « plus que le conservatisme social ». Cela l’empêche d’élargir sa base électorale, concentrée dans l’Ouest canadien, vers une province comme le Québec, en pointe dans ce domaine, dit-il.
À l’international, M. Scheer veut réduire de 25 % l’aide canadienne à l’étranger, durcir la ligne face à des Etats considérés comme « hostiles » comme la Chine ou la Russie et déménager l’ambassade du Canada en Israël à Jérusalem. Il a également promis de classer le Corps des gardiens de la Révolution islamique iranien sur sa liste des organisations terroristes.
Défenseur de l’industrie pétrolière du Canada, quatrième producteur mondial de la planète, il rêve de mettre en place un « corridor » s’étirant d’un bout à l’autre du Canada et qui serait réservé à des projets d’infrastructures énergétiques.
« Réaliste », il s’engage à ramener le Canada à l’équilibre budgétaire en cinq ans, et non plus en deux ans comme il s’y était précédemment engagé, et promet de « remettre plus d’argent dans les poches des Canadiens ».