Israël en guerre - Jour 498

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Analyse

Ce désordre qu’est le Liban

Après 18 mois d’impasse, le pays divisé pourrait avoir un nouveau président. Qui ne mettra fin à aucune dissension.

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Michel Aoun, président du Liban, en 2015. (Crédit : capture d'écran YouTube)
Michel Aoun, président du Liban, en 2015. (Crédit : capture d'écran YouTube)

Les dernières nouvelles de la course présidentielle au Liban ont stupéfait quelques experts, commentateurs et journalistes – libanais et étrangers de la même manière.

Les personnes qui étaient autrefois des ennemis farouches se sont unies, alors que des alliances se sont effondrées dans la nuit.

Et pourtant il est loin d’être certain que cette sitcom politique ne mette fin à la crise de la présidence et de la direction du pays.

Par où commencer ?

Un bon point de départ pourrait être la démission de l’ancien président, Michel Sleiman, en mai 2014. Personne n’a été désigné pour le remplacer pendant les 20 derniers mois qui se sont écoulés depuis.

Le vide gouvernemental rend difficile l’effectivité des systèmes politiques et diplomatiques puisque, contrairement à Israël par exemple, où la présidence est essentiellement symbolique, la présidence libanaise est un mandat avec de réels pouvoirs.

Le gouvernement lui-même souffre de sévères problèmes dans son fonctionnement (la crise des ordures, par exemple), et le Parlement se réunit à peine.

Mais que vient-il de se passer là-bas qui a surpris tant de personnes ?

Selon la constitution du Liban et sa convention nationale, qui a été établie en 1943, le président du pays doit être un chrétien maronite. Et ceci même si les chrétiens sont à présent une petite minorité comparé aux autres communautés religieuses, comme les chiites et les sunnites.

Deux candidats chrétiens, chacun d’un camp politique différent, ont donc été proposés, immédiatement après la démission de Sleiman.

Le premier candidat était Samir Geagea, président exécutif du parti des Forces libanaises. Il était le dirigeant de l’une des milices chrétiennes armées qui ont gagné le soutien de l’Alliance du 14-mars dirigée par Saad Hariri, fils de l’ancien Premier ministre libanais Rafik Hariri, qui a été assassiné en 2005, de toute évidence par le Hezbollah.

Le camp de Geagea est connu pour son opposition aux soutiens de la Syrie et du Hezbollah. Saad Hariri, qui est d’origine sunnite, est ancien Premier ministre du Liban, comme son père.

Le second candidat, Michel Aoun, était le fondateur du Courant patriotique libre, qu’il a dirigé de 2005 à 2015.

Le Courant patriotique libre a marché main dans la main avec le Hezbollah et ses soutiens depuis 2006 (bien qu’il ait auparavant combattu le Hezbollah), et a avant cela refusé de rejoindre l’Alliance du 14-mars. Il faut noter que la plupart des chrétiens maronites préfèrent le parti d’Aoun à celui de Geagea.

Samir Geagea s'adressant à la presse le 29 mai 2013 (Crédit : Capture d'image d'une vidéo YouTube téléchargée par MTVLebanonNews)
Samir Geagea s’adressant à la presse le 29 mai 2013 (Crédit : Capture d’image d’une vidéo YouTube téléchargée par MTVLebanonNews)

L’impasse sur la nomination à la présidentielle a mené Hariri à effectuer plusieurs actions il y a quelques mois qui ont surpris beaucoup de personnes : il a exprimé son soutien à un troisième candidat, Soleimane Frangié, dirigeant de la Brigade Marada.

Frangié, qui vient aussi d’une famille chrétienne connue et distinguée, était membre de l’Alliance du 8-mars jusqu’à ce moment, et est considéré comme un sympathisant du régime syrien.

Il est le fils de Tony Frangié, qui a été assassiné en 1978 dans sa maison dans la ville d’Ehden par des phalangistes chrétiens, commandés par Elie Hobeika et Samir Geagea (qui à ce moment était considéré comme un partisan de Bachir Gemayel, qui travaillait avec Israël).

La femme de Tony, Vera, et leur fille de trois ans Jihane, ont aussi été assassinées dans l’attaque. Soleimane, qui avait 14 ans à l’époque, a échappé à l’attaque car il était à Beyruth. Il n’y a donc pas beaucoup de tendresse entre Soleimane Frangié et Samir Geagea, pour ne pas en dire plus.

Geagea a également une histoire sanglante de rivalité avec Aoun. Son parti des Forces libanaises a combattu les troupes libanaises commandées par Aoun à la fin de la guerre civile, début 1990. Mais Geagea a commencé à prendre des mesures vers une réconciliation avec Aoun il y a plus d’un an.

Aoun, après être revenu de son exil en France, était l’une des figures les plus importantes ayant appelé à la libération de Geagea de prison (pour son rôle dans les meurtres de fonctionnaires libanais). Le Parlement libanais a accepté en 2005 de commuer la peine de Geagea et de le libérer plus tôt, et les quelques membres qui n’ont pas soutenu la loi et se sont abstenus de voter étaient du Hezbollah.

L'ancien Premier ministre libanais Saad Hariri, le 14 février 2013. (Crédit : capture d'écran Youtube/mtvlebanon)
L’ancien Premier ministre libanais Saad Hariri, le 14 février 2013. (Crédit : capture d’écran Youtube/mtvlebanon)

Geagea a vu le soutien d’Hariri à Frangié comme un acte de trahison.

D’autres membres de l’Alliance du 14-mars l’ont vu comme une reddition à la pression du Hezbollah.

De manière surprenante, le Hezbollah et les soutiens du régime syrien n’étaient pas pressés d’adopter l’initiative d’Hariri, et le Hezbollah a annoncé quelques jours après qu’il continuait à soutenir la candidature d’Aoun.

L’impasse a donc continué jusqu’à l’annonce spectaculaire de cette semaine, qui a pris tout le monde par surprise : Geagea a tenu une conférence de presse avec Aoun, pendant laquelle il a annoncé son soutien à la candidature du « Général » Aoun.

Confus ? Vous n’êtes pas seul.

La plupart des partis et des centres du pouvoir politique au Liban attendent de voir ce qu’il va se passer, et ne sont pas pressés d’annoncer un quelconque soutien.

Alors qu’il n’est pas encore certain qu’Aoun obtienne la majorité parlementaire dont il a besoin pour être élu président, ses chances ont spectaculairement augmenté.

Et si le « général » devait être celui qui entre au palais de Baabda en tant que prochain président du Liban, nous pouvons êtres sûrs d’une chose : le Hezbollah et ses alliés continueront leur prise de contrôle du Liban.

Des partisans du Hezbollah libanais se réunissent dans la ville de Nabatiyeh, le 24 mai 2015, pour assister à un discours télévisé prononcé par Hassan Nasrallah, le chef du mouvement, marquant le 15e anniversaire du retrait israélien du sud du Liban. (Crédit : Mahmoud Zayat / AFP)
Des partisans du Hezbollah libanais se réunissent dans la ville de Nabatiyeh, le 24 mai 2015, pour assister à un discours télévisé prononcé par Hassan Nasrallah, le chef du mouvement, marquant le 15e anniversaire du retrait israélien du sud du Liban. (Crédit : Mahmoud Zayat / AFP)

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