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« Ce n’est pas la minorité qui gouverne » : À Jérusalem, les pro-réforme manifestent

Lors d’un rassemblement de droite de grande ampleur à Jérusalem, ils ont demandé la poursuite de la réforme et nié les clivages sociaux nés du projet de réforme judiciaire

Les partisans de la réforme judiciaire du gouvernement se réunissent à Jérusalem, le 27 avril 2023. (Crédit : Lazar Berman/The Times of Israel)
Les partisans de la réforme judiciaire du gouvernement se réunissent à Jérusalem, le 27 avril 2023. (Crédit : Lazar Berman/The Times of Israel)

Des dizaines de milliers d’Israéliens de droite se sont rassemblés à Jérusalem, jeudi soir, pour une manifestation de grande ampleur en soutien au projet gouvernemental de réforme judiciaire, qui suscite une très forte opposition, en Israël et à l’étranger, qui se traduit par des manifestations hebdomadaires dans tout le pays.

Cet événement, jeudi, est le premier de cette ampleur de la part des pro-réforme : les organisateurs de cette « Marche du million » ont voulu attirer le plus grand nombre possible de partisans de droite à cette manifestation autour de la Knesset.

Les estimations de la foule par les chaines d’information, qui s’appuient sur des instituts spécialisés dans cet exercice, varient entre 150 000 et 200 000 personnes.

L’ordre de grandeur est le même que celui des manifestants opposés à la limitation des pouvoirs de la Cour suprême, à Tel Aviv, le samedi soir.

En plus des manifestations organisées un peu partout en Israël, celles du samedi ont lieu chaque semaine depuis janvier, soit quelque temps après la prestation de serment du gouvernement d’extrême droite du Premier ministre, Benjamin Netanyahu.

Les partisans de la réforme estiment qu’elle va rétablir l’équilibre entre les différents pouvoirs après des décennies d’activisme judiciaire.

Ses opposants, pour leur part, affirment qu’Israël ne sera plus une démocratie libérale si ces projets de loi sont mis en œuvre et les experts de la sécurité, de l’économie et du droit mettent en garde contre les graves conséquences à en attendre.

Le Premier ministre a suspendu les travaux législatifs à la fin du mois dernier pour permettre la tenue de pourparlers de compromis avec l’opposition, mais des membres clés de sa coalition radicale, parmi lesquels le ministre de la Justice Yariv Levin et le député Simcha Rothman, se sont engagés à reprendre les travaux dès le début de la session d’été de la Knesset, la semaine prochaine.

Les organisateurs du rassemblement de droite ont voulu montrer qu’ils représentaient l’opinion majoritaire et que ce projet de réforme était la conséquence logique de la victoire du bloc pro-Netanyahu aux élections du 1er novembre dernier, qui s’est par la suite traduite par la constitution d’une coalition de partis de droite, extrême droite et ultra-orthodoxes de 64 voix sur les 120 que compte le parlement.

Jeudi, les pro-réformes ont fait un pas vers les jeunes Israéliens religieux, dont beaucoup n’ont pas encore l’âge de voter.

De très nombreux bus ont acheminé des partisans venus des implantations de Cisjordanie. Nombre d’entre eux arboraient le drapeau israélien, jusqu’ici adopté par les anti-réforme.

Ils donnent leur opinion sur cette réforme judiciaire très controversée.

Noam, étudiant de yeshiva âgé de 20 ans et originaire de Mitzpe Ramon, dit que la Cour suprême devrait un jour être remplacée par le Sanhédrin, conseil suprême rabbinique de l’époque talmudique.

Noam, un partisan de la réforme judiciaire du gouvernement, le 27 avril 2023. (Crédit : Lazar Berman / The Times of Israel)

« Je ne suis pas contre l’universalisme », précise-t-il. « Je suis contre l’idée que nous devrions vouloir ce que les autres nations du monde veulent. Mais il existe des valeurs qui ont près de 3 000 ans, soit bien avant que les nations, l’Amérique et l’Europe, ne commencent même à penser à leur morale. »

Noam nie l’existence d’un clivage sur la question, au sein de la population israélienne. « J’aime mes frères de gauche », dit-il.

Yitzhak Shamir, étudiant barbu de yeshiva à Eilat, exprime des sentiments similaires à propos de l’opposition politique. « Quelqu’un de gauche, c’est notre frère. Nous l’aimons. Il fait partie de nous. Il croit en quelque chose, moi en autre chose, et nous vivons ensemble. »

Shamir rejette catégoriquement l’idée que le pays est divisé et accuse les médias. « Ce sont les médias qui essaient de nous faire peur », dit-il.

Il assure que la question de la Cour suprême est sa priorité depuis un certain temps.

« Chaque jour, elle nous cause des problèmes dans les territoires [de Cisjordanie], en faisant évacuer les avant-postes et en appliquant le principe ‘Diviser pour mieux régner’ entre Juifs et Arabes, de droite comme de gauche. »

Yitzhak Shamir, un partisan de la réforme judiciaire, le 27 avril 2023. (Crédit : Lazar Berman/The Times of Israel)

Moreshet, 18 ans, se dit également intéressé par la Cour suprême depuis des années.

« Il est important qu’il y ait une Cour suprême, mais il est important de la maîtriser, qu’elle reste à sa place. Aucun pays au monde ne ressemble à ça », assure-t-il, en faisant référence aux contre-pouvoirs.

Il se dit opposé à certaines parties de la réforme, en particulier celle qui tendrait à politiser la plupart des nominations judiciaires.

La réforme judiciaire devra se faire, « comme Rothman et Levin l’ont dit, avec des modifications et un consensus éclairé et argumenté », dit-il. « C’est pour ça que ce gouvernement a été élu. »

Moreshet, un partisan de la réforme judiciaire, lors du rassemblement de masse de droite à Jérusalem, le 27 avril 2023. (Crédit : Lazar Berman / The Times of Israel)

Les pro-réforme les plus âgés conviennent qu’un compromis doit être trouvé.

« J’aimerais qu’il y ait un débat, que l’on ne passe pas en force : ce n’est pas notre façon de faire », déclare Adi, une femme d’âge moyen originaire de Neve Daniel, en Cisjordanie.

« Je ne pense pas qu’il soit question de porter atteinte aux droits de qui que ce soit en Israël », affirme-t-elle.

« Mais ce n’est pas à la minorité de gouverner ici… Je vis dans les territoires et je sais à quel point il est difficile pour nous d’obtenir justice. »

« Nous n’avons, jusque là, pas eu l’occasion de faire entendre notre voix : maintenant, nous l’avons », ajoute-t-elle.

Adi, une pro-réforme judiciaire, à Jérusalem, le 27 avril 2023. (Crédit : Lazar Berman / The Times of Israel)

S’exprimant lors de l’événement, Levin a dit à la foule que la population avait dit oui à la réforme « lors d’un référendum, il y a six mois », suite à la victoire de la coalition aux élections.

Prenant la parole sur fond de slogans disant « Le peuple exige la réforme judiciaire », Levin a déclaré : « Le pays a voté en faveur de la réforme judiciaire. »

« Ici-même, sur cette scène, se trouvent nos 64 voix à la Knesset, bien déterminées à corriger les injustices. Plus d’inégalités, plus de système judiciaire unilatéral, plus de tribunaux dont les juges sont au-dessus de la Knesset et du gouvernement », a-t-il déclaré, utilisant des arguments bien connus des pro-réforme et minimisant les sondages d’opinion qui témoignent d’un effondrement du soutien aux partis de l’actuelle coalition.

Lorsque le ministre de la Justice a parlé, jeudi, la foule a hué chaque évocation de la Cour suprême.

Mais Levin a toutefois exprimé son soutien aux pourparlers en vue de trouver un compromis.

Netanyahu s’est tenu à l’écart du rassemblement, tout en adressant un message de remerciements aux participants.

« Je suis profondément ému par le soutien incroyable du camp national, venu en nombre à Jérusalem, ce soir », a écrit le Premier ministre sur Twitter, avec des photos montrant la forte participation.

« Nous tous, 64 voix à la Knesset qui ont apporté la victoire, sommes des citoyens de première classe », a-t-il ajouté. Nombre de partisans de la coalition de droite se qualifient eux-mêmes de « citoyens de seconde classe », affirmant que leur voix vaut moins que celle de ceux qui organisent des manifestations contre la réforme.

Le message au cœur de nombreux discours, lors de ce rassemblement de jeudi, allait au-delà des arguments pro-réforme pour se plaindre d’une élection qui leur aurait été « volée ». Les pro-réforme estiment en effet que le projet de limitation des pouvoirs de la Cour suprême sont la conséquence logique de la volonté du peuple, longtemps réduite au silence.

Le ministre de la Justice Yariv Levin lors d’un rassemblement en faveur de la réforme judiciaire voulue par le gouvernement, devant la Knesset, le 27 avril 2023. (Crédit : Arie Leib Abrams/Flash90)

Dans son discours, le ministre des Finances Bezalel Smotrich a affirmé que les anti-réforme avaient à leurs côtés les médias et les magnats, « tandis que nous, nous avons les gens qui veulent que nous réparions ce qui ne marche pas ».

« Le peuple veut une réforme juridique, et il l’aura. Nous ne renoncerons pas à faire de l’État d’Israël un endroit meilleur », a déclaré Smotrich. « Nous n’abandonnerons pas ce qui fait l’État juif et nous n’abandonnerons pas la démocratie israélienne. Personne ne nous prendra tout ça. »

Le ministre d’extrême droite Itamar Ben Gvir a dirigé son discours contre les opposants à la réforme, affirmant qu’ils ne voulaient pas seulement bloquer la réforme, mais aussi contrecarrer l’action du gouvernement.

« Ils n’ont pas accepté que nous ayons gagné », a-t-il dit.

Rothman, qui est l’une des têtes pensantes à l’origine du projet de réforme, a été accueilli sur scène par des acclamations tonitruantes et des slogans appelant au limogeage de Gali Baharav-Miara, la procureure générale, opposée au projet de la coalition.

« Ces derniers mois, nous avons entendu tellement de mensonges. Nous sommes venus ici entendre la vérité. Dans les manifestations [anti-réforme], on entend crier « Démocratie ». Mais quand les juges se nomment les uns les autres « dans un parfait entre soi, ce n’est pas la démocratie ».

« Plus de deux millions de personnes ont voté pour le camp de droite et réparer le système judiciaire. Ça, c’est la démocratie », a déclaré Rothman, invitant la foule à reprendre ce mot.

« Sans réforme judiciaire, nous continuerons d’adopter des lois pour révoquer la citoyenneté des terroristes, que la Cour suprême censurera. Sans réforme judiciaire, nous continuerons à adopter des lois pour garantir la sécurité aux habitants du sud de Tel Aviv et régler la question des immigrants illégaux… que la Cour suprême censurera », a déclaré Rothman.

« Il est important de réparer et il est important de parvenir à un accord, mais nous ne devons rien abandonner. »

Le député Simha Rotman lors d’un rassemblement de soutien à la réforme judiciaire du gouvernement, devant la Knesset, à Jérusalem, le 27 avril 2023. (Crédit : Arie Leib Abrams/Flash90)

Les partis ultra-orthodoxes n’ont manifestement pas pris la parole et les Haredim étaient très peu nombreux parmi les manifestants.

Cela est en partie dû à l’appel lancé plus tôt dans la journée par un célèbre journal haredi et d’influents rabbins, à ne pas interrompre l’étude de la Torah pour prendre part au rassemblement.

Le parti ultra-orthodoxe Shas n’a pas davantage incité ses partisans à assister à la manifestation.

Pour autant, les organisateurs de la manifestation ont fait en sorte d’adapter leur message aux trois groupes de partisans de la réforme que sont les électeurs du Likud, les sionistes religieux et les ultra-orthodoxes.

Au sein du rassemblement, une zone non-mixte avait été aménagée pour que les participants haredim puissent y prendre part.

Des pancartes portaient cette mention : « Quand la Cour suprême est au pouvoir, on voit des accusations montées de toutes pièces » – allusion aux affaires pénales contre le Premier ministre.

Des Israéliens de droite assistent à un rassemblement de soutien à la réforme judiciaire du gouvernement, devant la Knesset, à Jérusalem, le 27 avril 2023. (Crédit : Erik Marmor/Flash90)

D’autres disaient : « Lorsque la Cour suprême est au pouvoir, des maisons juives sont détruites », allusion à la destruction des maisons construites illégalement par des résidents d’implantations.

Des flyers prétendaient que les opposants à la réforme violaient le commandement biblique « Tu ne voleras point » en cherchant à « neutraliser » les votes du peuple de droite aux précédentes élections.

Les organisateurs des manifestations hebdomadaires anti-réforme ont réagi au rassemblement de jeudi en disant qu’ils « redoubleraient d’efforts dans les prochaines manifestations » et annonceraient samedi « de nouvelles mesures pour mettre un terme à la marche vers la dictature ».

« À partir de dimanche, date de reprise des sessions de la Knesset, Israël n’aura jamais été aussi près de la dictature ultra-nationaliste », ont-ils déclaré dans un communiqué.

« C’est un danger clair et immédiat pour la démocratie israélienne. Les négociations menées par le président se sont révélées trompeuses… Seuls des centaines de milliers d’Israéliens qui manifestent dans les rues pourront mettre un coup d’arrêt au coup d’État judiciaire. »

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