Israël en guerre - Jour 343

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Ce qu’a dit Mahmoud Abbas dans sa première interview publique en 5 ans

Le dirigeant de l'AP a accusé les États-Unis d'être responsables de la Déclaration Balfour et affirme que "90 % des synagogues américaines ne croient plus à la politique d'Israël"

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à gauche, serrant la main du dirigeant de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à Jérusalem, le 15 septembre 2010. (Crédit : Kobi Gideon/Flash90)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à gauche, serrant la main du dirigeant de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à Jérusalem, le 15 septembre 2010. (Crédit : Kobi Gideon/Flash90)

Dans sa première interview publique depuis cinq ans, le dirigeant de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, a déclaré que le nouveau Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, n’était « pas un homme qui croit en une paix » avec les Palestiniens, mais qu’il serait contraint « de traiter avec lui » même si les perspectives de pourparlers de paix sont minimes.

Abbas a également critiqué le rôle de médiateur des États-Unis dans le processus de paix israélo-palestinien, déclarant dans l’interview, réalisée vendredi et diffusée dimanche par la chaîne d’information égyptienne al-Qahira, que « depuis que les États-Unis ont pris en charge le dossier palestinien, pas un progrès n’a été réalisé ».

Remontant plus loin dans l’histoire, Abbas a estimé que les États-Unis étaient en grande partie à l’origine de la Déclaration Balfour – la déclaration de 1917 du gouvernement britannique en faveur d’un « foyer national pour le peuple juif » – et que les États-Unis avaient demandé à la Grande-Bretagne de mettre fin à son mandat en Palestine mandataire afin de mettre en place, de facto, leur propre contrôle sur la région.

Malgré ce qu’Abbas a qualifié de penchant du gouvernement américain pour Israël, le dirigeant de l’AP a déclaré que de plus en plus d’Américains, en particulier des Juifs américains, s’opposaient aux politiques israéliennes. « De nombreux Américains n’acceptent plus la position de l’Amérique et les Juifs américains disent, depuis un an ou deux, qu’Israël tend vers le racisme. 90 % des synagogues en Amérique ne croient plus en la politique d’Israël. »

Dans son interview, Abbas a également critiqué les Nations unies – bien qu’il ait déclaré que les Palestiniens chercheraient à devenir membres à part entière de l’organisme mondial – et a affirmé sa volonté d’organiser prochainement des élections parlementaires palestiniennes, qui seraient les premières depuis 2006.

« Je connais Netanyahu, nous avons beaucoup travaillé ensemble, depuis les années 1990. Ce n’est pas un homme qui croit en la paix », a déclaré Abbas dans l’interview. « Mais je n’ai pas d’autre choix que de traiter avec lui ». Le chef du Likud a été chargé par le président Isaac Herzog de former une coalition gouvernementale avec ses partenaires de droite, d’extrême-droite et religieux.

Israël, sous la direction de Netanyahu, et l’AP, sous la direction d’Abbas, ont organisé de multiples cycles de négociations de paix sous l’égide des États-Unis depuis 2009, date à laquelle Netanyahu avait entamé son deuxième mandat en tant que Premier ministre israélien. Netanyahu est resté en poste pendant les 12 années suivantes et devrait entamer un troisième mandat après avoir remporté les élections législatives du 1er novembre.

Les pourparlers de paix entre Israël et les Palestiniens sont moribonds depuis plus de huit ans. La dernière tentative, menée par l’ancien secrétaire d’État américain, John Kerry, avait échoué en avril 2014 après neuf mois de négociations tendues.

Le secrétaire d’État américain, John Kerry, à gauche, serrant la main du dirigeant de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à Amman, en Jordanie, le 21 février 2016. (Crédit : Département d’État américain)

Alors qu’Israël a historiquement maintenu une coopération en matière de sécurité avec l’AP en Cisjordanie – un arrangement que les deux parties considèrent comme vital – les relations entre Jérusalem et Ramallah sont devenues de plus en plus tendues après l’échec des négociations.

Netanyahu et Abbas ont continué à se croiser, mais les contacts étaient rares ; leur dernier appel téléphonique public remonte à 2017, après une attaque terroriste palestinienne.

La même année, alors que l’ancien président américain, Donald Trump, entamait son mandat, les liens de sécurité entre Israël et l’AP se sont dégradés au milieu d’une flopée de mesures prises par la Maison Blanche qui semblaient favoriser la position israélienne.

L’administration Trump s’est alors tournée vers les initiatives régionales et a négocié les Accords d’Abraham entre Israël, les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc. À l’époque, les Palestiniens avaient déclaré que ces accords étaient « honteux » et constituaient une trahison de leur cause. Tant Israël que les États-Unis, d’abord sous Trump puis sous Joe Biden, estiment que les accords peuvent être exploités pour renforcer l’AP.

Durant l’éphémère coalition formée par l’ex-Premier ministre, Naftali Bennett, en 2021, les contacts entre Israël et l’AP avaient repris. Mais Bennett avait expliqué qu’il ne rencontrerait pas Abbas, notamment suite à la décision prise par ce dernier de traduire Israël devant la Cour pénale internationale (CPI) pour des crimes de guerre présumés et le versement continu d’allocations mensuelles aux prisonniers de sécurité, y compris ceux condamnés pour avoir tué des Israéliens.

Les élections palestiniennes

Dans l’interview diffusée en Égypte, Abbas a également abordé des questions internes et a promis que des pourparlers seraient bientôt engagés pour mettre en œuvre l’accord de réconciliation signé entre son parti, le Fatah laïc, et le Hamas islamiste, le mois dernier en Algérie.

Les dernières législatives palestiniennes, en 2006, avaient conduit à une victoire du groupe terroriste palestinien du Hamas, qui n’avait été reconnue ni par le Fatah ni par la communauté internationale.

Quelques mois plus tard, des affrontements sanglants avaient opposé les deux camps, débouchant sur la naissance de deux systèmes politiques séparés, le Fatah administrant les zones de Cisjordanie gérées par les Palestiniens – une évolution que les Palestiniens appellent simplement « la séparation ».

L’accord conclu en Algérie, baptisé « Déclaration d’Alger », a vu les deux parties convenir d’organiser des élections en octobre prochain. Des accords similaires ont été signés depuis en 2006, mais aucun n’a abouti à un vote effectif et le Parlement de l’AP reste dissous à ce jour. Le mandat d’Abbas avait expiré en 2009.

Le dirigeant de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, tenant une rare réunion avec le chef du groupe terroriste palestinien du Hamas, Ismaïl Haniyeh, sous les auspices du président algérien Abdelmajid Tebboune, à Alger, le 5 juillet 2022. (Crédit : WAFA)

Les élections parlementaires palestiniennes devaient avoir lieu l’année dernière, mais elles ont finalement été annulées.

La raison avancée avait été le refus d’Israël de permettre le vote à Jérusalem-Est. Mais l’argument avait servi d’excuse à Abbas, dont le désir de montrer sa bonne foi démocratique à la nouvelle administration de la Maison Blanche s’était finalement avéré moins important que sa peur de prendre une raclée dans les urnes de la part du Hamas.

Dans son interview de dimanche, Abbas est revenu sur le fait que le vote à Jérusalem-Est soit une condition sine qua non de sa volonté d’organiser des élections.

« Israël refuse de nous laisser organiser des élections à Jérusalem. Je ne peux pas organiser des élections sans Jérusalem. Ignorer Jérusalem maintenant signifierait que nous y renonçons », a déclaré Abbas.

« Israël n’ayant pas donné son accord, nous avons dû reporter l’élection, jusqu’à ce que l’occasion nous soit donnée de tenir les élections à Jérusalem. Israël, cependant, a jusqu’à présent insisté sur sa position, et nous ne pouvons l’accepter », a déclaré Abbas afin de justifier l’annulation des élections parlementaires palestiniennes précédemment prévues.

Bien que les sondages montrent que l’AP – sous Abbas – soit profondément impopulaire, l’homme communément appelé Abu Mazen a déclaré à propos de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui chapeaute son parti, le Fatah qu’elle est « reconnue dans le monde arabe et au niveau international et ne pas la maintenir signifierait la perte de la cause palestinienne ». « Y renoncer serait perçue comme une défaite pour le peuple, qui perdrait son gain politique le plus important depuis 1948. »

Les Nations unies et les États-Unis 

Abbas s’est également engagé, comme il l’a souvent fait par le passé, à demander l’adhésion pleine et entière d’un État palestinien aux Nations unies.

« Nous prendrons des mesures en vue de devenir membre à part entière des Nations unies. Nous persisterons, quelles que soient les pressions que nous subissons. Nous avons une demande d’admission en cours, et nous ne recevrons d’ordre de personne », a-t-il ajouté.

Le dirigeant de l’AP, âgé de 86 ans, a eu quelques mots de choix pour les Nations unies, auxquelles l’AP appartient en tant qu’ « État observateur non-membre ». Ce statut – partagé uniquement avec le Saint-Siège – permet à l’AP de s’adresser à l’Assemblée générale des Nations unies, mais pas de voter les résolutions de l’ONU.

Le dirigeant de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, brandissant un graphique à la 77e session de l’Assemblée générale des Nations unies, au siège de l’ONU à New York, le 23 septembre 2022. (Crédit : Spencer Platt/Getty Images/AFP)

« Les Nations unies ont ignoré la cause palestinienne pendant plus de 70 ans – de 1947 à aujourd’hui – et n’ont appliqué aucune décision », a déploré Abbas.

Les détracteurs pro-Israël de l’ONU affirment au contraire que l’organisation a une position largement biaisée envers l’État juif. Ils soulignent le fait qu’en 2021, l’Assemblée générale des Nations unies avait adopté 14 résolutions condamnant directement Israël, tandis que seules cinq autres résolutions ont été adoptées pour condamner des pays autres qu’Israël, notamment des pays violant les droits de l’homme comme l’Iran, la Corée du Nord et le Myanmar. De 1975 à 1991, l’ONU a défini le sionisme comme « une forme de racisme ».

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