Les Palestiniens dénoncent les accords « scandaleux » avec les Emirats et Bahreïn
"Ni paix ni sécurité sans la fin de l'occupation", dit Abbas ; des manifestations en Cisjordanie et à Gaza, deux roquettes tirées depuis Gaza lors de la cérémonie

De hauts responsables palestiniens ont déploré la signature d’accords de normalisation entre Israël, les Emirats arabes unis et Bahreïn mardi, mais ne sont parvenus qu’à organiser des protestations éparses de plusieurs centaines de personnes dans plusieurs zones de la Cisjordanie et de Gaza.
Dans sa première réponse à la cérémonie des Accords d’Abraham à Washington qui a vu la signature d’un traité de paix complet entre Israël et les EAU et d’une déclaration de paix entre Israël et Bahreïn, le bureau du dirigeant de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a déclaré que la paix au Moyen-Orient ne pouvait pas réussir sans un accord israélo-palestinien.
« Le problème principal n’est pas entre les pays qui ont signé les accords et l’autorité d’occupation israélienne, mais avec le peuple palestinien qui souffre sous l’occupation », a déclaré M. Abbas dans un communiqué diffusé par l’agence de presse officielle de l’Autorité palestinienne Wafa.
« Les dirigeants ont averti, une fois de plus, qu’aucune paix, sécurité ou stabilité ne sera obtenue pour quiconque dans la région sans mettre fin à l’occupation et sans que le peuple palestinien ne puisse exercer pleinement ses droits, comme le stipulent les résolutions de la légitimité internationale », a déclaré M. Abbas.
Les dirigeants palestiniens, tant au sein du Fatah que de son rival le Hamas, ont attaqué les EAU et le Bahreïn ; les accords conclus constituent selon eux depuis le début des actes de trahison et un « poignard dans le dos ». Les EAU, pour leur part, ont souligné qu’ils avaient négocié une suspension indéfinie des plans d’annexion d’Israël, et ont exhorté les Palestiniens à rouvrir les pourparlers avec Israël.
Une coalition représentant un large éventail de factions palestiniennes – y compris le Fatah et le Hamas – a appelé mardi à un « jour de rejet de type Intifada » de l’accord de normalisation. En réponse, plusieurs manifestations ont eu lieu à travers la Cisjordanie et la bande de Gaza, chacune comptant quelques centaines de personnes.
Une visite du Times of Israël sur la place al-Manara à Ramallah a permis de constater qu’environ 200 manifestants étaient regroupés dans la moitié de l’échangeur central de la ville. La circulation se faisait autour des manifestants, dont certains brandissaient des pancartes qualifiant la normalisation de crime.

« La vérité est que je n’aurais jamais pensé que ce serait aussi terrible. Je n’aurais jamais pensé que nous perdrions ce qu’il nous restait de l’unité arabe », a déclaré Rashid, ancien membre du parti Baas panarabe et socialiste. Il a ajouté qu’il avait espéré qu’une plus grande partie de la jeune génération de Palestiniens se rendrait à la manifestation.
« C’est pour eux, la jeune génération, que je suis ici », a-t-il déclaré. « Ils viendront, lentement. Ce n’est que le début. Mais j’imagine que les gens travaillent, qu’il y a le coronavirus et qu’il fait chaud. »
D’autres manifestants que le Times of Israël a rencontré sur place ont déclaré qu’ils s’attendaient à ce que beaucoup plus de personnes assistent à la manifestation de Ramallah.
Les responsables palestiniens ont déclaré être particulièrement indignés par ce qu’ils ont appelé un abandon de la solution à deux Etats par les diplomates sur la pelouse de la Maison Blanche mardi après-midi.
Selon le négociateur principal de l’Organisation de libération de la Palestine, Saeb Erekat, les accords de normalisation équivalaient à la signature du plan de paix controversé de Trump, connu dans les médias arabes comme « l’affaire du siècle ».

Le plan de Trump alloue environ 30 % de la Cisjordanie à Israël et envisage, sous conditions, un État palestinien sur le reste du territoire avec des échanges de terres depuis l’intérieur d’Israël ; il ne donne aux Palestiniens une capitale que dans les zones mineures de Jérusalem-Est, au-delà de la barrière de sécurité. L’Autorité palestinienne, qui refuse de traiter avec l’administration Trump depuis qu’elle a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël en 2017, a condamné l’accord au motif qu’il violait ce qu’elle appelle leur droit à un État basé sur les lignes de 1967 avec sa capitale à Jérusalem-Est.
« Ils n’ont jamais mentionné les frontières de 1967. Je connais la Maison Blanche, et c’est l’apogée de la saison de campagne. Il n’y a pas un mot de tout cela qui n’ait été précisément spécifié par les Américains », a déclaré M. Erekat.
D’autres responsables palestiniens ont célébré ce qu’ils ont considéré comme une petite victoire : seuls quelques États arabes ont assisté à l’événement et la majorité des États européens sont également restés chez eux.
« L’absence de la communauté internationale à la signature de l’accord… est la preuve que le monde croit en la nécessité de résoudre le conflit conformément au droit international », a déclaré le secrétaire général du Fatah, Jibril Rajoub, qui a qualifié l’accord de « honteux ».
Les Israéliens qui regardaient la retransmission de la cérémonie historique ont vu leurs téléviseurs et leurs radios annoncer soudainement que les sirènes d’alerte aux roquettes avaient retenti à Ashkelon et Ashdod.
Deux roquettes avaient été tirées depuis la bande de Gaza pendant la cérémonie. L’une a été interceptée par Israël ; la seconde a atterri dans une rue d’Ashdod.

Le service d’ambulance du Magen David Adom a indiqué qu’un homme de 62 ans avait été modérément blessé, ayant reçu des éclats de roquette sur le haut du corps. Un deuxième homme, âgé de 28 ans, a été légèrement blessé aux extrémités par des éclats de verre. Quatre autres personnes ont eu des crises d’angoisse à la suite apparemment du tir de roquette, selon les médecins.
Le groupe terroriste du Hamas semble avoir revendiqué la responsabilité des tirs de roquettes, indiquant dans un communiqué qu’il s’agissait d’une réponse aux accords de normalisation avec Abou Dabi et Manama.
« Les accords de normalisation entre Bahreïn, les EAU et l’entité sioniste ne valent pas le papier sur lequel ils ont été écrits », a déclaré le Hamas, qui cherche ouvertement à détruire Israël. « Notre peuple insiste pour continuer sa lutte jusqu’à ce qu’il obtienne le retour de tous ses droits. »
Le Jihad islamique palestinien a commenté les tirs de roquettes quelques heures plus tard.
« Les roquettes de Gaza sont un message que cette grande vanité des Etats-Unis et d’Israël sera brisée par les Palestiniens et que le mot de la fin est pour ceux qui ont le droit », a déclaré Mohammad al-Hindi, haut responsable du Jihad islamique.
Dans une interview avec Sky News mardi soir, Hussam Zomlot, l’ambassadeur de l’Autorité palestinienne en Angleterre, a qualifié les roquettes de « coup médiatique » de la part d’Israël.
L’ancien chef de la sécurité du Fatah, Mohammad Dahlan, et son courant de réforme démocratique en rupture, n’ont pas été touchés par le torrent de condamnations. Dahlan, qui réside maintenant à Abou Dabi et qui serait devenu un conseiller de haut niveau du prince héritier Mohammad Bin Zayed, aurait été impliqué dans la décision des EAU de normaliser les relations avec Israël.
Une source du mouvement de Dahlan a déclaré lundi au Times of Israël que, s’ils étaient par principe opposés à la normalisation, ils respectaient les décisions souveraines des Émirats arabes unis et de Bahreïn.
« Nous n’interférons pas avec les décisions souveraines des pays arabes… et nous respectons les décisions de ces pays. Si nous nous opposons à eux, nous exprimons notre opposition à huis clos », a déclaré la source. « Quant aux Émirats, nous sommes les hôtes de ce pays généreux et noble qui accueille notre faction depuis que nous avons quitté le Fatah en 2011. »
La source a nié que le mouvement de Dahlan ait été impliqué dans l’accord, soulignant qu’ils étaient engagés dans l’Initiative de paix arabe.
« Notre réponse a été équilibrée et rationnelle. Nous ne les avons pas qualifiés de traîtres, mais nous avons plutôt exprimé nos observations sur la mesure : qu’elle n’apporterait aucun avantage. En même temps, nous respectons le fait que les EAU utiliseront toute relation avec Israël à l’avenir au service du peuple palestinien », a déclaré la source.
Judah Ari Gross a contribué à cet article.
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