Ce qu’Antony Blinken a dit au public de l’AIPAC
Le secrétaire d'État a dénoncé l'agrandissement des implantations et a annoncé un nouveau poste d'envoyé pour les Accords d'Abraham
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
L’administration Biden établira bientôt un nouveau poste dont l’occupant sera chargé de l’élargissement des Accords d’Abraham, a déclaré lundi le secrétaire d’État Antony Blinken, qui a aussi promis que Washington continuerait à dénoncer les constructions dans les implantations et toutes les activités qui mettent en péril la solution à deux États.
L’idée d’un responsable qui aurait la charge de travailler à la normalisation des liens entre Israël et ses voisins arabes serait envisagée depuis plusieurs mois. L’annonce survient alors que l’administration Biden vient tout juste d’accorder la priorité à la négociation d’un accord diplomatique entre l’État juif et l’Arabie saoudite.
Mais les propos tenus par Blinken devant le public de l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee), lors d’une conférence qui était organisée à Washington, sont les tout premiers à révéler publiquement cette initiative.
« L’intégration d’Israël dans la région aide à créer une région plus stable, plus sûre, plus prospère », a estimé Blinken. « C’est la raison pour laquelle le président Biden a fait de cette question un pilier de sa politique au Moyen-Orient ».
« Nous créerons rapidement un nouveau poste pour donner un nouveau poids à notre diplomatie et pour nous engager auprès des gouvernements, du secteur privé et des organisations non-gouvernementales, qui œuvrent en faveur d’une région plus pacifique, plus connectée », a-t-il poursuivi.
« Le secrétaire d’État n’a pas donné plus de détail sur la nature de ce nouveau poste mais un responsable américain avait confirmé auprès du Times of Israel, le mois dernier, que le nom de l’ancien ambassadeur américain en Israël, Dan Shapiro, avait été évoqué.
Cette prise de parole de Blinken à eu lieu la veille de son déplacement en Arabie saoudite où, a-t-il déclaré, il évoquera la question de la normalisation pendant ses entretiens avec les officiels du gouvernement.
Les États-Unis ont un réel intérêt sécuritaire à promouvoir la normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite », a-t-il expliqué.
« Nous pensons que nous pouvons jouer un rôle intégral là-dedans, et nous devons le faire », a poursuivi Blinken avant de reconnaître que « nous n’avons aucune illusion sur le fait que cela ne pourra pas se faire rapidement, ni aisément ».
L’Arabie saoudite réclame des concessions majeures de la part des États-Unis en échange de la normalisation. Ryad a établi clairement auprès de l’administration Biden que tout accord conclu avec Israël devrait inclure un geste significatif en faveur des Palestiniens, avait confié au Times of Israel un haut-responsable américain au mois de mai.
Les Accords d’Abraham avaient été initialement dévoilés par l’administration du président américain Donald Trump, en 2020, et l’administration Biden, approuvant chaleureusement l’initiative, a tenté de la promouvoir. Washington a travaillé, l’année passée, à mieux intégrer encore Israël dans la région, formant le Sommet du Néguev et l’I2U2 pour renforcer la coopération dans tout le Moyen-Orient et au-delà, tentant d’obtenir de l’Arabie saoudite et d’Oman l’ouverture de leurs espaces aériens respectifs aux transporteurs israéliens et négociant un accord maritime entre Israël et le Liban.
Mais ces efforts ont été délégués à différents bureaux, et notamment à Brett McGurk, à la Maison Blanche, à Amos Hoschstein, envoyé américain chargé des questions énergétiques et à Yael Lempert, au sein du département d’État, qui ont tous les trois tenu des rôles de premier plan dans les réalisations de l’administration américaine. Les pressions se sont intensifiées, au congrès, en faveur d’une démonstration plus ouverte d’engagement, avec plus spécifiquement la nomination d’un envoyé dont la seule mission serait d’élargir les Accord d’Abraham. Lempert, pour sa part, devrait devenir ambassadrice des États-Unis en Jordanie et elle devrait devoir prendre en charge un grand nombre d’autres dossiers.
La décision de nommer un envoyé qui travaillera sur la promotion des Accords d’Abraham a suivi, de manière notable, la décision prise par Biden de ne pas désigner d’envoyé spécial au processus de paix israélo-palestinien comme l’avaient fait ses prédécesseurs.
L’administration estime que les conditions nécessaires pour relancer une initiative de paix de grande envergure ne sont pas actuellement réunies.
« L’affaiblissement de la dignité quotidienne » des Palestiniens
Accorder dans les faits la priorité à l’expansion des Accords d’Abraham, au détriment d’un accord de paix israélo-palestinien, pourrait entraîner des critiques pour l’administration Biden – elle pourrait être ainsi accusée de suivre le même chemin que Trump, qui avait cherché à utiliser les Accords d’Abraham pour contourner totalement la question palestinienne.
Toutefois, dans son discours de lundi, le secrétaire d’État a répété que l’administration Biden considérait que « les efforts de normalisation ne viennent en aucun cas de substituer aux progrès entre Israéliens et Palestiniens », disant que d’éventuels accords devaient être utilisés pour améliorer la vie des Palestiniens et pour promouvoir la solution à deux États.
Il a admis que les perspectives de paix restaient minces mais il a déclaré que son administration œuvrait à la désescalade en amenant les deux parties en lice à s’abstenir de toute initiative susceptible d’attiser les tensions.
Les États-Unis continueront « à s’opposer à toute action prise par une partie ou par l’autre qui viendrait porter atteinte à la mise en place d’une solution à deux États », a-t-il expliqué.
« Ce qui comprend les attentats terroristes, les versements faits par l’AP aux prisonniers condamnés pour terrorisme, les violences contre les civils et les incitations à la violence », a continué Blinken qui a aussi dénoncé les tirs de roquette en direction d’Israël de la part des groupes terroristes de Gaza.
Il a ensuite évoqué ce que les États-Unis considèrent comme des infractions de la part d’Israël – « l’expansion des implantations est très clairement un obstacle à l’horizon d’espérance que nous tentons de faire naître ».
« De la même manière, toute initiative en faveur de l’annexion de la Cisjordanie – une annexion de-facto ou de-jure — les perturbations du statu-quo historique dans les lieux saints, la démolition de maisons et les évictions de familles qui vivent dans ces habitations depuis des générations portent atteinte à la perspective d’une solution à deux États. »
Tandis qu’Israël insiste sur le fait que le pays a abandonné ses efforts visant à annexer de larges pans de la Cisjordanie en échange de la normalisation des relations avec les Émirats arabes unis, en 2020, cela fait longtemps que l’État juif est accusé de procéder à une annexion de facto de la Cisjordanie en ancrant toujours davantage la présence des résidents d’implantation de l’autre côté de la Ligne verte.
L’État d’Israël affirme également être déterminé à maintenir le statu-quo dans les lieux saints, et particulièrement sur le mont du Temple – où les musulmans ont le droit de prier et où les non-musulmans peuvent simplement entrer en tant que visiteurs. Selon les critiques, cette politique s’est érodée ces dernières années alors que les autorités israéliennes détournent le regard face à la prière juive qui s’affiche de manière croissante dans le complexe.
Blinken a évoqué de récentes réunions régionales en Jordanie et en Égypte où les responsables israéliens et égyptiens ont convenu de mettre un terme aux « mesures unilatérales ». Ils devaient se rencontrer à nouveau en Égypte, mais une date n’a pas encore été fixée depuis plus d’un mois.
Il a appelé les deux parties à respecter les engagements mutuels qui avaient été pris lors de ces rencontres afin de pouvoir « commencer le vrai travail diplomatique qui est nécessaire pour résoudre ce conflit ».
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