Ce survivant de Beeri a conscience des manipulations du Hamas mais soutient l’accord
Une grande partie de la population partage le sentiment de Yaki Sagi, alors que 100 000 manifestants ont fait part de leur frustration face au retard survenu samedi dans l'accord
Dans les semaines qui ont suivi le massacre commis par le Hamas, le 7 octobre, au kibboutz Beeri, Yaki et Hadas Sagi ont concentré toute leur énergie à la nécessité de soutenir leurs trois enfants, des adolescents, et de sauver leur entreprise familiale en la déménageant ailleurs – temporairement tout du moins.
Toutefois, Sagi a douloureusement réalisé qu’il avait un autre rôle à tenir dans la soirée de samedi : le rôle d’un pion dont l’état émotionnel dépend – et non dans une moindre mesure – des décisions prises par les mêmes terroristes qui ont orchestré le massacre et les enlèvements d’un grand nombre de ses amis au sein de sa communauté.
Ce sentiment d’impuissance a été partagé par de nombreux Israéliens suite à un retard dans la mise en œuvre de la seconde phase d’un accord temporaire de trêve du côté du Hamas. Le groupe terroriste palestinien devait libérer treize Israéliens, des habitants de Beeri pour la plupart d’entre eux, samedi à 16h – contre la remise en liberté de 39 détenus palestiniens. Un échange qui a fini par être mené à bien après sept heures d’une attente trop longue.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
La réponse apportée par le public israélien à ce retard et à l’accord souligne à la fois les vulnérabilités et les forces liées à l’empathie ressentie par la société dans son ensemble face aux victimes individuelles de la guerre contre le Hamas – un Hamas qui, de toute évidence, est bien déterminé à exploiter cette sensibilité, peut-être pour transmettre un message à l’intérieur du monde arabe.
« C’est ce qui est le plus douloureux. Des enfants, des mères… On veut qu’ils reviennent et c’est ainsi qu’on devient un pion entre les mains du Hamas ; on se dit qu’on veut leur retour, peu importe le prix à payer », a expliqué Sagi, un boulanger de 52 ans, au Times of Israel au cours d’un entretien téléphonique peu après la libération des otages israéliens, dans la soirée de samedi. « Mais c’est là que le Hamas commence ses manipulations et il faut s’accommoder de ses demandes démentes. C’est terriblement angoissant, c’est scandaleux, on se sent vulnérable. Mais on continue à penser à tous ces enfants. »
Ce sentiment a été vécu de manière particulièrement intime, sans doute, dans le cas de Sagi, dont la fille aînée a des amis proches qui seraient actuellement retenus en captivité à Gaza. Toutefois, cette perception des choses est largement partagée. Dans la soirée de samedi, environ 100 000 personnes ont assisté à un rassemblement à Tel Aviv qui, pour de nombreux participants, était appelé à coïncider avec la remise en liberté du deuxième groupe d’otages. Et la foule a scandé de manière répétée pendant tout l’événement deux seuls et uniques mots : « Maintenant » et « Tous ».
Selon les médiateurs de l’accord, le groupe terroriste a retardé l’échange en affirmant qu’Israël ne laissait pas entrer les quantités nécessaires d’aides humanitaires dans le nord de Gaza – une accusation qu’Israël a démentie avec véhémence, et le Croissant-Rouge palestinien a, de la même manière, indiqué que l’assertion du Hamas était mensongère. Le Hamas a aussi fait savoir que les prisonniers palestiniens relâchés par l’État juif n’étaient pas ceux qui avaient été convenus de prime abord.
Le Hamas a tout intérêt à compliquer l’accord, selon Tzvi Yehezkeli, analyste en affaires arabes pour la Treizième chaîne. « Les pourparlers du Hamas avec Israël sont une bonne chose pour lui, non seulement parce qu’ils permettent de faire libérer des prisonniers mais aussi parce qu’ils prouvent ainsi qu’Israël ne réussit pas dans sa mission visant à le détruire – parce que si Israël réussissait, alors pourquoi le pays négocierait-il ? », a commenté Yehezkeli, samedi.
Le Hamas et l’armée israélienne observent actuellement une trêve de quatre jours – elle a commencé vendredi – visant à faciliter cette série d’échanges, avec la possibilité de prolonger la pause dans les combats de vingt-quatre heures à chaque libération d’un nouveau groupe de dix otages par le groupe terroriste, au-delà des cinquante femmes et enfants initialement convenus.
Sagi est parfaitement conscient des différentes utilisations cyniques possibles, de la part du Hamas, de l’accord. Mais il continue à le soutenir. « Je suis attaché à cet accord malgré tout parce que non seulement je suis de Beeri mais parce que le pays tout entier y est aussi attaché », dit-il. « Regardez l’unité qui s’est faite autour de cet accord, qui est pourtant quelque chose de compliqué pour tout le monde. Cela prouve combien que notre pays parvient à se rassembler dans des moments comme celui que nous sommes en train de vivre. »
Même parmi les parents des otages, tout le monde n’est pas favorable à un accord avec le Hamas.
« La manière la plus correcte et la plus efficace de récupérer les otages est d’exercer une pression sans compromis sur le Hamas, jusqu’à ce que les otages deviennent un handicap pour le Hamas plutôt qu’un atout », a ainsi déclaré vendredi un porte-parole de Tikvah, un nouveau forum pour les familles d’otages qui s’opposent à un accord avec le Hamas, au Times of Israel. Le fondateur du Forum, Eliyahu Libman, dirige la municipalité de l’implantation de Kiryat Arba en Cisjordanie, près d’Hébron. Son fils Elyakim serait retenu en otage depuis le 7 octobre.
La famille Sagi se trouvait chez les beaux-parents de Yagi, à proximité de Haïfa, le 7 octobre, quand les terroristes ont tué plus d’une centaine de membres de leur kibboutz et enlevé plus d’une vingtaine de ses résidents dans le cadre de l’attaque meurtrière du Hamas qui a coûté la vie à 1 200 personnes en Israël. 240 personnes ont aussi été kidnappées à cette occasion.
Sa boulangerie, Lalush, a été épargnée par les dégâts massifs infligés par les hommes armés à Beeri – il faudra des mois pour reconstruire la communauté, ont indiqué les autorités. Sagi s’est installé depuis dans une boulangerie appartenant au groupe Lechamim Bakery à Tel Aviv. Ses produits entraînent une demande considérable, notamment de la part d’Israéliens qui, en achetant chez lui, veulent apporter leur soutien au kibboutz qui est devenu un symbole de la guerre du 7 octobre.
Mais Sagi, qui vit actuellement dans un hôtel situé aux abords de la mer Morte avec d’autres survivants de sa communauté, est pressé de pouvoir rouvrir son commerce à Beeri.
« Nous reprendrons nos vies qui nous semblent maintenant si innocentes, si éloignées, si pleines de joie », dit-il. « Nous accueillerons nos otages et nous les réinsérerons avec amour au sein de notre communauté. Nous retrouverons notre vie d’avant. »
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel