Chef du Shin Bet : Les divisions sociétales « pourraient conduire à un désastre »
Dans une rare intervention publique, Ronen Bar a déclaré que les schismes causés par la réforme judiciaire risquaient de causer un désastre "dont nous ne nous remettrons pas"
Le chef de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet a averti dimanche que les divisions croissantes au sein de la société pourraient s’avérer désastreuses pour la nation, ajoutant sa voix à une multitude de responsables de la sécurité, passés et actuels, qui ont exprimé leur inquiétude quant aux répercussions de la refonte du système judiciaire menée par le gouvernement.
Le chef du Shin Bet, Ronen Bar, a lancé un rare avertissement public lors d’un discours prononcé à la résidence du président à Jérusalem en l’honneur de Chaïm Herzog, le sixième président d’Israël.
« Je suis sûr que si nous pouvions consulter [Herzog] aujourd’hui et l’entendre partager son opinion, il serait profondément bouleversé par le langage, l’exclusion, la division, la facilité inimaginable de diffamation en ligne, qui pourraient conduire à un désastre dont nous ne pourrions pas nous remettre », a déclaré M. Bar.
Il a ajouté être convaincu que Chaïm Herzog, le père de l’actuel président Isaac Herzog, serait réconforté de savoir que le Shin Bet « a toujours fonctionné selon un ensemble de valeurs claires… et que son aiguille pointe toujours dans une seule direction. Cette aiguille, même aujourd’hui, ne bougera pas d’un degré, ni vers la droite ni vers la gauche ».
Le gouvernement, dirigé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, a été la cause de protestations populaires massives et de réactions négatives au sein des forces de sécurité en raison de sa volonté de restreindre le pouvoir judiciaire et de mener d’autres politiques qui sèment la discorde.
Le prédécesseur direct de Bar à la tête du Shin Bet, Nadav Argaman, a déclaré le mois dernier que la refonte pourrait entraîner l’effondrement des agences de sécurité « de l’intérieur ». Argaman avait été nommé par Netanyahu à la tête du Shin Bet en 2016 et a dirigé le service pendant cinq ans.
En février, plus de 400 agents du Shin Bet ont envoyé une lettre au ministre de l’Agriculture, Avi Dichter, un ancien chef de l’agence, l’exhortant à ne pas soutenir le plan du gouvernement et l’avertissant que ce plan fracturait la société et menaçait la démocratie.
La semaine dernière, Netanyahu a limogé son ministre de la Défense, Yoav Gallant, car ce dernier lui avait fait remarquer que le conflit autour de la législation provoquait un clivage qui s’étendait à l’armée et faisait peser une menace « tangible » sur la sécurité nationale. Cette annonce a déclenché d’immenses manifestations enflammées à travers le pays. Suite à ces dernières, le Premier ministre a interrompu la réforme et entamé des pourparlers avec l’opposition.
Les leaders du mouvement de protestation sont convaincus que le gouvernement entend poursuivre la mise en œuvre de l’ensemble du paquet législatif, certains membres de la coalition ont promis de reprendre bientôt, là où ils s’étaient arrêtés, et les manifestations de masse se sont poursuivies.
Parallèlement à cela, des milliers de personnes ont également manifesté en faveur de la réforme du système judiciaire.
Bien que les négociations entre l’opposition et la coalition, sous la médiation de Herzog, soient en cours depuis mardi, peu de gens ont bon espoir qu’elles aboutissent à un accord ou croient à la bonne foi de Netanyahu dans les négociations.
Selon les négociateurs, les pourparlers seraient voués à l’échec, car la coalition a demandé à avoir le contrôle de la commission de Sélection des juges, ce qui est inacceptable pour l’opposition.
Avant le gel du projet de loi, des centaines de pilotes de l’armée de l’air, ainsi que d’autres réservistes, avaient refusé de participer aux entraînements militaires en signe de protestation, ce qui a suscité une inquiétude générale pour la sécurité d’Israël. Suite à l’annonce de l’arrêt du projet législatif controversé, les leaders des protestations des pilotes réservistes ont annoncé mardi qu’ils reprendraient les entraînements et les activités opérationnelles, mais ils ont précisé qu’ils restaient sur leurs gardes au cas où le processus serait relancé.
De nombreux anciens hauts responsables des services de sécurité ont prévenu que les dissensions au sein de la société pourraient entraîner des conséquences désastreuses pour la sécurité et l’avenir du pays.
Les retombées de la réforme judiciaire ont par ailleurs détérioré les relations avec les États-Unis, provoqué des grèves et suscité des mises en garde de la part d’experts juridiques, de fonctionnaires des finances, d’académiciens, de chefs d’entreprises et d’autres personnes.
D’autres décisions du gouvernement ont également suscité l’inquiétude générale, notamment l’octroi par Netanyahu d’une Garde nationale au ministre de la Sécurité nationale d’extrême droite, Itamar Ben Gvir.
Le commissaire de police Kobi Shabtai a lancé une mise en garde sévère contre cette initiative, avertissant que toute séparation entre la nouvelle force et la police nuirait gravement à la sécurité de la population et provoquerait le chaos dans l’application de la loi.
La procureure générale Gali Baharav-Miara a également tiré la sonnette d’alarme dimanche, déclarant au gouvernement qu’il y avait un « obstacle juridique » à la version actuelle de la proposition et que la police pouvait faire face aux défis auxquels elle était confrontée sans avoir besoin d’un organisme concurrent.
Lors de réunions à huis clos, Bar aurait également exprimé son opposition à la formation de cette Garde nationale, qui a été au cœur des manifestations du week-end contre le gouvernement.
Netanyahu aurait accepté de créer cette garde en échange du soutien de Ben Gvir à l’initiative du Premier ministre visant à suspendre la législation sur la réforme du système judiciaire.
La procureure générale a prévenu que les mesures législatives actuelles de la coalition – qui lui donneraient un contrôle presque total sur toutes les nominations judiciaires et limiteraient radicalement la Haute Cour – donneraient au gouvernement un pouvoir pratiquement illimité, et ne garantiraient aucune protection institutionnelle pour les droits de l’individu ou le caractère démocratique d’Israël.
Selon différents sondages, la législation gouvernementale, dans sa forme actuelle, n’est pas très populaire au sein du public.
Dimanche, Bar a également tiré la sonnette d’alarme sur la situation sécuritaire et a lancé un avertissement aux ennemis d’Israël.
« Nous traversons une période complexe et délicate sur le plan de la sécurité. L’ampleur des alertes concernant les attaques terroristes est sans précédent », a-t-il déclaré. « Le Shin Bet, ainsi que nos partenaires de Tsahal, du Mossad et de la police déjouent des attaques terroristes jour après jour, et nuit après nuit, de près comme de loin. »
« Je déconseille à nos ennemis de mettre à l’épreuve l’unité et la détermination de la nation d’Israël face à la moindre menace », a-t-il ajouté.