Israël en guerre - Jour 492

Rechercher

Chez les bouquinistes de Damas, la littérature clandestine sort de l’ombre

La chute du régime ultra-répressif de la dynastie Assad permet aux libraires de Damas de mettre en vitrine des ouvrages qui, autrefois, étaient échangés sous le manteau ou en version piratée sur internet

Un homme feuillette des publications dans une librairie de Damas, le 26 janvier 2025. Les romans relatant le calvaire des prisonniers politiques côtoient les textes de théologie islamique radicale dans les librairies de Damas après l'éviction du président Bashar el-Assad en décembre 2024. Chez les libraires d'occasion de la capitale syrienne, la littérature clandestine qui s'échangeait sous le manteau est désormais exposée en vitrine. (Photo LOUAI BESHARA / AFP)
Un homme feuillette des publications dans une librairie de Damas, le 26 janvier 2025. Les romans relatant le calvaire des prisonniers politiques côtoient les textes de théologie islamique radicale dans les librairies de Damas après l'éviction du président Bashar el-Assad en décembre 2024. Chez les libraires d'occasion de la capitale syrienne, la littérature clandestine qui s'échangeait sous le manteau est désormais exposée en vitrine. (Photo LOUAI BESHARA / AFP)

Des romans racontant le calvaire des prisonniers politiques côtoient des textes de la théologie islamique radicale : chez les bouquinistes de Damas, la littérature clandestine qui s’échangeait sous le manteau s’affiche désormais en devanture.

Amr al-Laham, un étudiant de 25 ans, a trouvé un livre qu’il cherchait depuis longtemps : « Al-Maabar » (« Le passage »), ou la guerre à Alep décrite depuis un point de passage qui reliait autrefois les quartiers est de la métropole, tenus par des rebelles armés, aux quartiers ouest gouvernementaux.

Flânant avec son frère dans les librairies près de l’Université de Damas, il peut acheter des ouvrages autrefois interdits.

« Je me dis que si j’avais posé une question sur un livre il y a encore soixante jours, j’aurais pu disparaître et finir en prison », résume le jeune homme.

« Avant, on avait peur d’être étiqueté par les Renseignements à cause d’un achat : soufi, salafiste, gauchiste. »

La chute de Bashar el-Assad, renversé le 8 décembre par une coalition de groupes armés islamistes, a mis fin à plus d’un demi-siècle de règne sans partage du clan familial.

Toute dissidence était implacablement réprimée, les libertés publiques muselées par une myriade d’agences sécuritaires, terrorisant la population et torturant les opposants en détention.

Un panneau d’affichage portant une photo du président syrien Bashar El-Assad et un drapeau national déchirés par des combattants anti-gouvernementaux dans la ville d’Alep, le 30 novembre 2024. (Crédit : Omar Haj Kadour / AFP)

Pour de nombreux Syriens, des inquiétudes demeurent au sujet d’un avenir qu’ils espèrent démocratique. Cependant, Damas respire à présent, libérée de l’omniprésence sécuritaire à chaque coin de rue, dans un pays déchiré depuis 2011 par une guerre civile meurtrière.

« Littérature des prisons »

Sur les murets le long des trottoirs ou dans les boutiques, les mêmes titres reviennent, autrefois accessibles uniquement en version piratée sur Internet.

Il y a « La maison de ma tante » – expression du dialecte syrien désignant la prison -, roman de l’Irakien Ahmed Khairi Alomari. Ou encore « La coquille », du Syrien Mustafa Khalifa, racontant les années de détention dans la prison de Tadmor d’un athée pris pour un islamiste radical.

Une « littérature des prisons qui était totalement interdite », reconnaît le bouquiniste quinquagénaire Abou Yamen. « Avant les gens n’osaient même pas demander, on savait à quoi s’attendre », ajoute-t-il.

Le propriétaire d’une prestigieuse maison d’édition accepte de raconter les aléas du métier, sous couvert d’anonymat.

Depuis les années 1980, il avait supprimé tous les ouvrages politiques de ses catalogues, à l’exception de quelques essais « de pensée politique très généralistes, ne traitant pas d’une région ou d’un pays en particulier ».

Un libraire montre un ouvrage qui aurait été interdit sous le régime déchu d’Al-Assad, dans une librairie de Damas, le 26 janvier 2025. Les romans relatant le calvaire des prisonniers politiques côtoient les textes de théologie islamique radicale dans les librairies de Damas après l’éviction du président Bachar el-Assad en décembre 2024. Chez les libraires d’occasion de la capitale syrienne, la littérature clandestine qui s’échangeait sous le manteau est désormais exposée en vitrine. (Photo LOUAI BESHARA / AFP)

« Malgré cela, les services de sécurité nous convoquaient, pour nous interroger sur notre travail et nos ventes : qui était venu nous voir, qu’avaient-ils acheté, que demandait le public », se souvient-il.

« Alors qu’en matière de littérature, ils étaient les plus incultes », s’amuse l’éditeur, racontant l’histoire d’un enquêteur qui réclamait pour le lendemain la convocation d’Ibn Taymiyya, figure centrale du fondamentalisme sunnite, décédé au 14e siècle.

« On avait peur »

Sur les étagères à l’entrée de sa librairie, Abdel Rahmane Sourouji a disposé des ouvrages à la reliure en cuir, leur titre calligraphié en lettres dorées : des écrits d’Ibn Qayyim al-Jawziyya, théologien musulman du Moyen-Age et grand idéologue du salafisme, ou encore Sayyed Qotb, un des principaux théoriciens des Frères musulmans et inspirateur de leur mouvance radicale.

« Tous ces livres étaient interdits, on les vendait en secret, seulement à ceux en qui nous avions confiance, des étudiants qu’on connaissait ou des chercheurs », confie à l’AFP le libraire de 62 ans.

Un Syrien se tient sur la statue du défunt président Hafez al-Assad sur la place Umayaad, dans la capitale, Damas, le 17 décembre 2024. (Crédit : Sameer Al-DOUMY / AFP)

Aujourd’hui, il se réjouit d’une « forte demande ». Parmi ses nouveaux clients : des habitants de Damas, des Syriens rentrés de l’étranger, ou d’autres venus des anciens bastions rebelles du nord.

Ces trois dernières décennies, le sexagénaire avait appris à différencier les indics des étudiants à la recherche d’un ouvrage. Même si en 2010, une dizaine d’agents avaient fouillé sa librairie de fond en comble et finalement « saisi plus de 600 livres ».

Mostafa al-Kani, 25 ans, qui poursuit un master en théologie islamique, est venu se renseigner sur le prix d’une collection d’ouvrages de Sayyed Qotb.

« Pendant la révolution, on avait peur de chercher certains livres, on ne pouvait pas les avoir en notre possession, on les consultait sur Internet », confie le jeune homme. « Rien qu’en publiant une citation de Sayyed Qotb on pouvait être jeté en prison. »

En savoir plus sur :
S'inscrire ou se connecter
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
Se connecter avec
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation
S'inscrire pour continuer
Se connecter avec
Se connecter pour continuer
S'inscrire ou se connecter
Se connecter avec
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un email à gal@rgbmedia.org.
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.
image
Inscrivez-vous gratuitement
et continuez votre lecture
L'inscription vous permet également de commenter les articles et nous aide à améliorer votre expérience. Cela ne prend que quelques secondes.
Déjà inscrit ? Entrez votre email pour vous connecter.
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
SE CONNECTER AVEC
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation. Une fois inscrit, vous recevrez gratuitement notre Une du Jour.
Register to continue
SE CONNECTER AVEC
Log in to continue
Connectez-vous ou inscrivez-vous
SE CONNECTER AVEC
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un e-mail à .
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.