Clans et factions s’impliquent pour protéger l’aide humanitaire à Gaza – sources
Les responsables palestiniens disent que la capacité du groupe terroriste à rassembler ces groupes derrière lui montrent l'influence qu'il conserve, et ce, malgré la présence israélienne dans la bande
LE CAIRE – Des hommes armés et masqués, issus de clans et de factions, ont commencé à assurer la sécurité autour des convois transportant les aides humanitaires à Gaza alors que le Hamas tente de conserver son influence dans l’enclave, ont indiqué des officiels et des sources palestiniennes appartenant au groupe terroriste.
Des images qui ont été obtenues par Reuters montrent un convoi de poids-lourds entrer dans Gaza City, transportant de l’aide étrangère, sous le regard de plusieurs hommes armés de fusils d’assaut de type AK-47 et d’autres individus qui portent des matraques à la main.
Alors qu’Israël a juré d’éliminer le Hamas dans le sillage de son attaque meurtrière du 7 octobre dans le sud d’Israël, il est devenu très risqué pour tous ceux qui entretiennent un lien ou un autre avec le groupe islamiste de se montrer au grand jour pour assurer la sécurité de l’acheminement des aides destinées à des civils désespérés.
Ainsi, de nombreux clans, factions ou groupes issus de la société civile – notamment le Fatah, le parti laïc qui est le rival du Hamas – s’impliquent dorénavant dans la sécurisation des convois, selon des sources du Hamas et selon des responsables palestiniens.
S’ils n’ont pas révélé les noms de ces clans et autres factions, ils ont indiqué que la capacité du groupe terroriste à les rassembler autour de lui pour assurer la sécurité montrait qu’il conservait de l’influence et qu’il y a une réelle résistance aux efforts livrés par Israël qui visent à construire un système administratif alternatif à Gaza.
« Le plan d’Israël, qui était de trouver des clans qui accepteront de collaborer dans la mise en œuvre de projets-pilotes qui permettront, à terme, de trouver une alternative au Hamas n’a non seulement pas réussi mais il a aussi montré que les factions palestiniennes de la résistance sont les seules à pouvoir être aux commandes », a commenté un responsable palestinien qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat.
Un porte-parole militaire israélien a refusé tout commentaire, disant que les règles d’engagement spécifiques, dans une zone active de guerre, ne sauraient être discutées en public.
L’ordre public sous tension
L’offensive militaire à Gaza – une guerre qui avait été déclenchée par l’assaut meurtrier commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre, lorsque des hommes armés avaient massacré 1 200 personnes environ, en majorité des civils, et kidnappé 253 personnes, prises en otage dans la bande de Gaza – a fait plus de 30 000 morts du côté palestinien, selon les responsables de la Santé de la bande. Un chiffre qui reste invérifiable et qui ne fait aucune différence entre civils et terroristes du groupe terroriste. Israël, de son côté, affirme avoir tué plus de 13 000 membres de l’organisation depuis le début de la guerre après en avoir tué un millier sur le sol israélien, le 7 octobre et les jours qui ont suivi.
Le Hamas, qui dirige la bande depuis 2007 – il avait pris le pouvoir lors d’un coup d’État violent – a construit sa popularité sur les services sociaux, les programmes d’éducation et caritatifs qu’il offre à une population gazaouie noyée dans la pauvreté.
Alors que l’ordre public est sous tension et que la police civile s’inquiète de pouvoir assurer sa mission de sécurisation, craignant d’être prise pour cible par l’armée israélienne, une délivrance sûre des aides humanitaires est devenue de plus en plus dure à garantir.
Des dizaines de Palestiniens avaient trouvé la mort, le mois dernier, lorsqu’une foule avait pris d’assaut des camions transportant de l’assistance qui entraient dans le nord de Gaza. L’enquête réalisée par Tsahal dans le cadre de cet incident, à la fin février, a conclu que les soldats qui se trouvaient dans la zone n’avaient pas ouvert le feu sur le convoi directement, comme le Hamas l’avait affirmé dans un premier temps. Les militaires ont reconnu que des coups de feu avaient été tirés en direction de plusieurs individus qui s’approchaient des soldats et d’un tank déployé à un check-point militaire, « représentant une menace ». L’État juif a indiqué que de nombreuses victimes, ce jour-là, avaient été piétinées dans un mouvement de foule incontrôlable ou qu’elles avaient été renversées par les poids-lourds.
Un haut-responsable israélien, qui s’est adressé à Reuters sous couvert d’anonymat, a indiqué qu’Israël était favorable au principe d’une sécurisation des zones dont le Hamas est dorénavant absent par des Palestiniens et que le pays pourrait même approuver la formation d’une police armée.
« Mais c’est une initiative qui concerne davantage l’après-guerre que quelque chose qui pourrait être mis en vigueur dès maintenant. Il faudrait que nous ayons la certitude que ces individus n’entretiennent aucun lien avec le Hamas et, très certainement, qu’ils ne servent pas les intérêts du Hamas, directement ou indirectement », a déclaré l’officiel israélien.
Juliette Touma, porte-parole de l’agence controversée chargée des réfugiés palestiniens au sein des Nations unies, l’UNRWA, dit, pour sa part, n’avoir aucune information sur les hommes armés qui sécuriseraient l’avancée des convois.
Jamie McGoldrick, Coordinateur humanitaire pour les Territoires palestiniens occupés au sein des Nations unies, explique, de son côté, que l’ONU ne travaille pas avec les clans.
« Nous avons essayé de remettre en selle la Police Bleue (la police civile palestinienne). Il y a eu un certain nombre d’incidents où la Police Bleue a été prise pour cible par Israël parce que les soldats considèrent ses membres comme faisant partie de l’infrastructure du Hamas », ajoute-t-il.
« Et nous tentons donc de trouver le meilleur moyen permettant la délivrance de l’assistance dans le nord et dans les autres secteurs de la bande de Gaza. C’est-à-dire en combinant l’utilisation des groupes communautaires et celle de la police, qui intervient également de manière discrète là où nous le pouvons ».
Shimon Freedman, porte-parole du COGAT, le bureau de liaison chargé des affaires civiles avec les Palestiniens qui dépend du ministère de la Défense, explique que la responsabilité de la distribution des aides, à Gaza, est du ressort des organisations internationales.
« Si nous aidons à cette distribution et que nous aidons à coordonner ces convois en leur permettant de traverser le couloir humanitaire, les différents aspects de cette délivrance dépendent entièrement des organisations », note-t-il.
Le raid à Shifa
Israël a expliqué, lundi, avoir tué un commandant de premier plan du Hamas, Faiq Mabhouh, pendant une opération menée à l’hôpital Al-Shifa de Gaza City. Une vingtaine d’hommes armés du Hamas ont été tués à l’intérieur même de l’hôpital et 20 autres dans ses abords, a annoncé Tsahal.
Mabhouh, qui était responsable des opérations dans les services de sécurité intérieure du Hamas, était armé et il se cachait à Shifa « d’où il se consacrait à des activités terroristes », a précisé l’armée.
Mabhouh a trouvé la mort dans un échange de coups de feu alors que les troupes tentaient de l’arrêter, ont ajouté les militaires. Dans une pièce voisine, les soldats ont retrouvé une cache d’armes.
Mabhouh, selon l’armée et le Shin Bet, était responsable de « la synchronisation » des unités variées du Hamas dans la bande de Gaza, et notamment pendant la guerre.
Le terroriste était le frère d’un membre de premier plan du Hamas, Mahmoud Mabhouh, qui aurait été assassiné par le Mossad en 2010, ont confirmé des sources proches de l’establishment de la Défense au Times of Israel. Mahmoud Mabhouh était le chef de la logistique au sein de l’aile armée du groupe et il était chargé de l’approvisionnement en armement.
De son côté, le Hamas a annoncé que Mabhouh était responsable de la sécurisation et de la protection des camions transportant des aides humanitaires dans la bande et qu’il se coordonnait avec les Nations unies pour leur distribution. Il a été identifié par le groupe terroriste comme un commandant de la police en charge du centre de Gaza.
Mardi, une frappe israélienne qui a pris pour cible une habitation du nord de l’enclave côtière a tué un autre membre du groupe qui était chargé de la sécurisation de la délivrance de l’assistance humanitaire. Son épouse et ses enfants ont aussi perdu la vie dans l’attaque, a déclaré le Hamas.
Des communiqués distincts, qui ont été émis au nom de l’Assemblée Nationale des Tribus palestiniennes et de factions palestiniennes, ont condamné la mort d’agents de police et de membres des comités populaires de protection qui ont été tués par Israël, au cours des deux derniers jours.
« Nous affirmons que nous nous tenons aux côtés de toutes nos tribus, de tous nos clans et de toutes nos familles, dans la bande de Gaza, derrière notre police nationale palestinienne et derrière nos comités de protection », a dit un communiqué qui a été rendu public par les clans.
Dans le cadre de son plan de gouvernance de Gaza, dans l’après-guerre, le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait envisagé de donner du pouvoir à des représentants locaux n’entretenant aucun lien avec le Hamas ou avec les autres factions terroristes palestiniennes – mais il reste difficile de dire qui pourraient être ces derniers.
Il y a une tradition, à Gaza, de larges clans familiaux qui sont affiliés aux factions politiques, notamment au Hamas et au Fatah, qui est à la tête de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie.
Certains des clans les plus importants seraient lourdement armés. Des chefs de clan ont d’ores et déjà rejeté le plan avancé par Israël et ils disent qu’ils ne peuvent ni se substituer aux agences de l’ONU qui viennent en aide aux réfugiés palestiniens, ni aux autorités locales.