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Claudia Sheinbaum, une scientifique de gauche pour gérer les passions du Mexique

Dans ce melting-pot mexicain très inégalitaire, c'est une petite-fille de juifs d'Europe qui reprend le slogan du président sortant "les pauvres d'abord", adressé entre autres aux communautés autochtones discriminées

Le président mexicain sortant Andres Manuel Lopez Obrador  et la maire de Mexico Claudia Sheinbaum saluent les partisans après avoir présenté le rapport de son gouvernement, sur la place Zocalo à Mexico, le 1er juillet 2019. (Crédit : RONALDO SCHEMIDT / AFP)
Le président mexicain sortant Andres Manuel Lopez Obrador et la maire de Mexico Claudia Sheinbaum saluent les partisans après avoir présenté le rapport de son gouvernement, sur la place Zocalo à Mexico, le 1er juillet 2019. (Crédit : RONALDO SCHEMIDT / AFP)

Une scientifique pour gérer les passions du Mexique ? Ex-maire de Mexico au style sobre voire distant, petite-fille de réfugiés juifs de Bulgarie et Lituanie, Claudia Sheinbaum, 61 ans, frappe aux portes de l’Histoire.

La « fille de 1968 » engagée dans les luttes étudiantes est sur le point de devenir le 2 juin la première femme présidente du Mexique, portée par la popularité du président sortant Andres Manuel Lopez Obrador, qui a installé la gauche au pouvoir.

Claudia Sheinbaum Pardo est née le 24 juin 1962 à Mexico de parents pris dans le tourbillon des années 60, quand les étudiants ou des guerillas voulaient secouer la « dictature parfaite » du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), hégémonique de 1930 à 2000.

« Chez moi, on parlait politique matin, midi et soir », a-t-elle confié dans un livre biographique Claudia Sheinbaum, presidenta. Sa mère, Annie Pardo, biologiste, a été expulsée de l’université pour sa participation au mouvement de 68.

Dans ce melting-pot mexicain très inégalitaire, c’est une petite-fille de juifs d’Europe qui reprend le slogan du président sortant « les pauvres d’abord », adressé entre autres aux communautés autochtones discriminées.

« Je viens d’une famille juive et je suis fière de mes grands-parents et de mes parents », écrivait-elle le 12 janvier 2009 dans le journal la Jornada pour dire son « horreur » des bombardements d’Israel à Gaza, lors d’une précédente opération militaire.

La candidate à la présidence Claudia Sheinbaum s’exprime devant le siège de l’Institut national électoral après avoir officiellement enregistré sa candidature pour la coalition « Continuons à écrire l’histoire » pour l’élection présidentielle de 2024, à Mexico, le 18 février 2024. (Crédit : Rodrigo Oropeza / AFP)

Elle expliquait que sa grand-mère maternelle et son grand-père paternel « communiste » avaient quitté la Lituanie et la Bulgarie pour fuir « la persécution nazie ».

Brillante élève, Sheinbaum mène de front dans les années 1980 un master en ingénierie énergétique à l’Université autonome nationale du Mexique (UNAM), avec un engagement au sein du Conseil étudiant universitaire (CEU) contre une réforme de l’université.

Sans être une leader, Sheinbaum était une militante assidue, même enceinte de sa fille Mariana née en 1988. « Elle était toujours partante. Dans les meetings, surtout », se souvient Guillermo Robles, son condisciple en master.

Sheinbaum a complété son doctorat par un séjour académique en Californie, ce qui fait qu’elle parle bien anglais à la différence du président sortant, laissant augurer d’une présidence davantage tournée vers l’international.

L’ancienne maire de Mexico, Claudia Sheinbaum, s’exprime après avoir été nommée candidate du parti Morena à l’élection présidentielle de l’année prochaine, à Mexico, le 6 septembre 2023. (Crédit : CLAUDIO CRUZ / AFP)

Sur une photo à la Une du Standford Daily en 1991, on la voit protester contre une visite du président mexicain libéral de l’époque, Carlos Salinas, une pancarte à la main : « Commerce équitable et démocratie
maintenant ! ».

Claudia Sheinbaum a fait son entrée en politique avec le président actuel Andres Manuel Lopez Obrador, maire de Mexico entre 2000 et 2006.

Il lui a confié le portefeuille de l’environnement, stratégique dans la mégapole aux neuf millions d’habitants. La jeune élue est à l’origine de la construction du second étage du « périphérique » pour désengorger cette autoroute urbaine qui traverse Mexico.

Face aux critiques, Sheinbaum a également lancé les couloirs de bus et des pistes cyclables.

Deux tragédies

De retour à l’université en 2006, la scientifique mexicaine a contribué aux travaux du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), prix Nobel de la paix en 2007. Son thème d’expertise : l’atténuation du changement climatique.

En politique, elle a survécu à deux tragédies dans sa marche vers les sommets.

L’ancienne chef du gouvernement de la ville de Mexico et candidate à la présidence du parti Morena, Claudia Sheinbaum, prend un selfie avec un partisan lors d’un rassemblement à Guadalajara, dans l’État de Jalisco, au Mexique, le 9 juillet 2023. (Crédit : ULISES RUIZ / AFP)

Maire du district de Tlalpan dans le sud de Mexico (2015-2017), elle a dû faire face à l’effondrement du collège Rebsamen lors du tremblement de terre du 19 septembre 2017, qui a tué 26 personnes dont 19 enfants.

Méthodiquement, elle affirmé que la mairie n’était pas responsable des irrégularités commises dans la construction de l’édifice.

Maire de Mexico (2018-2023), elle a dû gérer l’effondrement d’un pont aérien au passage du métro dans le sud de la ville le 3 mai 2021 (27 morts et 80 blessés).

Elle a défendu ses équipes, et négocié avec les constructeurs de la ligne – une entreprise du milliardaire Carlos Slim – l’indemnisation des victimes, en évitant les procès.

Sheinbaum a tenté de gérer en scientifique et sans mesures coercitives la pandémie dans la capitale, qui a enregistré le plus fort taux de décès pour 100 000 habitants (442,1) dans tout le pays, le quatrième le plus touché au monde.

Pendant la campagne, « Claudia » a fendu l’armure, en annonçant son mariage en novembre 2023 avec Jesús Tarriba, un amour de jeunesse retrouvé sur Facebook en 2016.

En première noce, Sheinbaum s’était marié avec Carlos Imaz, fondateur du parti de gauche PRD, dont elle a eu une fille, et dont elle considère le fils comme son propre enfant.

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