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Combien d’Israéliens sont-ils réellement sans emploi ?

Le Bureau central des statistiques dit que pendant la première moitié de juin, le chômage s'élevait à 5,2% ; Pour l'Agence de l'emploi, le taux des chômeurs serait à 20 %

Des Israéliens protestent sur la place Rabin de Tel Aviv contre la politique économique du gouvernement pendant la pandémie de coronavirus, le 11 juillet 2020. (Jack Guez/AFP)
Des Israéliens protestent sur la place Rabin de Tel Aviv contre la politique économique du gouvernement pendant la pandémie de coronavirus, le 11 juillet 2020. (Jack Guez/AFP)

Des données contradictoires et des définitions variables sur le nombre de personnes actuellement sans emploi au sein de l’Etat hébreu entraînent une certaine confusion, avec des statistiques officielles qui ne reflètent pas réellement la situation sur le terrain – rendant ainsi plus difficile l’ébauche d’une réponse pour les politiques et les économistes qui ont l’impression d’avancer à tâtons dans leur travail.

« Personne n’a d’estimation claire concernant le nombre de chômeurs qu’il y a aujourd’hui » en résultat de la crise entraînée par la pandémie de coronavirus, explique Yani Bar, chercheur en économie au sein de la Bank Leumi Le-Israel Ltd., au cours d’un entretien téléphonique.

Il y a des différences entre les chiffres qui sont avancés par un certain nombre d’instances et notamment par le Bureau central des statistiques (BCS) qui publie les chiffres officiels du chômage, le département de recherche de la Banque d’Israël et le Service national de l’emploi, qui comptabilise les personnes qui se sont enregistrées comme étant en quête d’une activité professionnelle.

« Nous travaillons dans le brouillard », s’exclame Bar. « Le processus de collecte des données a été chamboulé. Il y a beaucoup d’incertitudes qui règnent actuellement autour de ce sujet ».

Yaniv Bar, chercheur en économie au département économique de la Banque Leumi Le-Israel Ltd. (Crédit : Kfir Sivan)

Le BCS, par exemple, a indiqué qu’au cours de la première moitié du mois de juin 2020, le taux de chômage avait été de 5,2 %. Néanmoins, ce chiffre ne comprend pas les personnes qui se trouvent temporairement sans emploi – comme les travailleurs mis à pied à cause du coronavirus. En ajoutant cette catégorie de travailleurs aux statistiques, le taux bondit à plus de 10 %, selon le BCS.

Pour sa part, l’Agence nationale de l’emploi émet des données quotidiennes sur le nombre de personnes à la recherche d’un travail, qu’elle compare aux personnes qui étaient au chômage et ont fait savoir qu’elles avaient retrouvé un emploi.

Mercredi, il y avait 853 843 personnes à la recherche d’une activité professionnelle par le biais du service – dont 575 163 personnes mises à pied en raison de la crise sanitaire. Dans la même journée, 1 517 personnes avaient fait savoir qu’elles étaient retournées au travail, tandis que presque le double de ce chiffre – 3 289 personnes – venait tout juste de s’inscrire comme demandeur d’emploi.

Le 9 juillet, la Banque d’Israël avait publié les estimations réalisées par son département de recherche, qui prédisent que le taux de chômage – sur la base des données établies par le Bureau des statistiques pour les Israéliens de 25 à 65 ans – serait de 6,2 % cette année et de 7,4 % l’année prochaine.

Mais un chiffre récemment créé, celui du « chômage général » – qui prend en compte les chômeurs, les chômeurs temporaires et ceux qui ont quitté la main-d’oeuvre – place ce taux à plus de 25 % au cours du deuxième trimestre 2020 et à 10 % à 15 % pour le dernier trimestre de l’année.

Des Israéliens protestent sur la place Rabin de Tel Aviv contre les politiques économiques du gouvernement lors de l’épidémie de coronavirus, le 11 juillet 2020. (Jack Guez/AFP)

Israël a réimposé des restrictions sur les activités économiques, fermant notamment les bars et les salles accueillant des événements et confinant des quartiers entiers face à un nouveau pic de l’épidémie de coronavirus.

Les mesures du confinement initial, à la mi-mars, avaient quasiment immobilisé l’économie du pays. Les chiffres du chômage s’étaient envolés – passant du taux historiquement bas de moins de 4 %, à la mi-mars, à 28 % à la fin avril, selon les chiffres de l’Agence de l’emploi, alors que nombreuses entreprises avaient dû fermer leurs portes et que le nombre de chômeurs avait dépassé la barre du million pour la toute première fois dans l’histoire d’Israël.

Avec le déclin des taux d’infection, le pays a levé la majorité de ses restrictions, au mois de mai, pour rouvrir l’économie, avant de subir une recrudescence des cas de virus. Les chiffres élevés du chômage pourraient s’avérer être le plus grand obstacle sur la voie de la guérison pour Israël, craignent les experts.

« Normalement, nous regardons les chiffres officiels du chômage » pour réaliser des projections économiques, explique Bar, de Leumi. Mais « actuellement, alors que les taux de chômage officiels ne représentent pas ce qu’il se passe en réalité sur le terrain, nous devons chercher des alternatives ».

« En pratique, nous savons qu’il y a beaucoup plus de personnes sans emploi que ce que nous disent les chiffres officiels », indique-t-il, ajoutant que toutes sortes d’estimations « sont jetées en l’air » dans une tentative de maîtriser la situation.

Les personnes qui sont mises à pied – en congé sans solde, et éligibles aux allocations-chômage – rendent ces prévisions encore plus difficiles, dans la mesure où « nous ne savons pas si toutes ces personnes quitteront finalement la main-d’oeuvre et s’inscriront réellement au chômage » parce que certains seront toutefois en capacité de retrouver leurs activités professionnelles.

La conclusion, continue Bar, est que « nous nous trouvons dans une période où règnent de grandes incertitudes » et dans laquelle les différences de définitions techniques créent des images différentes, sans que qui que ce soit sache réellement avec quels chiffres travailler.

Des Israéliens protestent pour demander une aide financière sur la place Rabin à Tel Aviv, le 11 juillet 2020. (Miriam Alster/Flash90)

Le taux officiel du chômage est établi conformément à des règles internationales claires via le Bureau central des statistiques, l’instance chargée d’émettre les données et de calculer les chiffres.

La définition du « chômeur », pour le Bureau central des statistiques, englobe toute personne âgée de 15 ans et plus n’ayant pas travaillé du tout lors de la semaine précédente (même une heure). Ces personnes doivent avoir cherché du travail de manière active pendant les quatre semaines précédentes en s’enregistrant auprès de de l’Agence de l’emploi ou en se portant candidat à un poste directement ou par écrit, et doivent, par ailleurs, être pleinement disponibles pour commencer le travail si un emploi adapté se présente. En d’autres mots, une personne au chômage est une personne qui recherche une activité professionnelle et qui n’a aucune connexion en cours avec un lieu de travail.

L’Agence de l’emploi, d’un autre côté, inclut dans sa définition toutes les personnes réclamant des allocations-chômage. Ces personnes ont pu être renvoyées, rechercher ou non un emploi, ou il peut s’agir aussi de personnes mises à pied qui retrouveront probablement un poste mais qui ont droit à des allocations-chômage dans l’intervalle.

Et ainsi, l’Agence de l’emploi inclut dans ses chiffres les personnes affiliées à une entreprise et qui ne recherchent donc pas un travail.

Ces profils ne figureraient pas dans les chiffres du chômage émis par le Bureau central des statistiques parce qu’ils ne sont pas en recherche active d’une carrière professionnelle.

D’ailleurs, sous les critères de l’Agence de l’emploi, même les personnes occupant plus d’un emploi et mises à pied dans l’un d’entre eux, qui obtiennent de surcroît des allocations-chômage, sont comprises dans les chiffres. Les personnes demandant à bénéficier des allocations-chômage peuvent être sans emploi, travailler mais avoir été mises à pied, ou ne pas faire partie du tout de la main-d’oeuvre dans la mesure où elles ne sont pas en quête d’un poste.

Illustration : Un homme passe devant une succursale fermée de la chaîne de mode Castro dans le centre-ville de Jérusalem le 26 avril 2020. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

De sombres données pour le mois de juillet

Pour sa part, le Bureau central des statistiques a publié, mardi, une image sombre pour les deux premières semaines de juillet, avec des données qui révèlent que le nombre de chômeurs a grimpé à 7,6 % en date du 8 juillet contre 4,5 % en date du 17 juin, alors que le coronavirus continue à faire des ravages dans l’économie.

L’enquête est la septième d’une série qui a été menée par le Bureau depuis le mois de mars 2020, le mois où elle a commencé à analyser l’impact de l’épidémie sur l’économie. L’enquête actuelle, qui a concerné 1 400 entreprises employant cinq employés ou plus, a été menée dans un certain nombre de secteurs : La high-tech, l’industrie, la construction, le commerce de détail, les services financiers, les assurances et l’agro-alimentaire – mais en y incluant aussi les restaurants, les stands de vente de nourriture et les salles accueillant des événements.

L’enquête a compris environ 1,45 million d’employés, un chiffre qui représentait 34 % des travailleurs salariés avant le commencement de la pandémie.

Les données mettent en exergue une détérioration dans tous les secteurs, avec le nombre de personnes employées qui est passé de 81,5 % à la mi-juin à 79,6 %.

Le plus grand nombre de licenciements est survenu dans le secteur des services relatifs à l’alimentation et aux boissons, qui concentrent 13,5 % des limogeages, ainsi que dans le secteur de la construction (10,8 %).

Le nombre de personnes mises à pied est tombé à 7,3 % au cours des deux premières semaines de juillet contre 8,4 % à la mi-juin, le gouvernement ayant versé des subventions aux employés embauchant les services des travailleurs qui avaient été mis à pied.

Mais même dans ce contexte, le taux déterminant le retour de ces travailleurs vers l’emploi a ralenti de manière significative si on compare les chiffres récemment révélés avec ceux des enquêtes précédentes. Le retour au travail a surtout eu lieu dans les secteurs industriels et de la vente au détail.

Dans le secteur des hautes-technologies, le pourcentage de personnes ayant perdu leur emploi s’élève à 7,1 % depuis le début de la crise, en comparaison avec le chiffre de 4,5 % qui avait été enregistré à la mi-juin. 3 % de ces travailleurs ont été mis à pied contre 3,8 % dans l’enquête précédente.

L’enquête montre également que 19,6 % des personnes interrogées s’attendent à un coup sévère porté à leurs revenus – un coup de plus de 50 %, inférieur toutefois aux estimations qui avaient été faites dans les entreprises à la mi-juin. Un grand nombre de personnes ont attribué cela à une demande locale en baisse, tandis que d’autres ont indiqué qu’il émanerait des directives imposées par le gouvernement.

Les entreprises ont aussi déploré un manque de liquidités et de crédit.

Seulement moins d’un quart des entreprises – 24,9 % – ont indiqué avoir arrêté ou reporté le recrutement de nouveaux employés. Ce qui apparaît en particulier dans le secteur hi-tech, montrent les données, où 45 % des entreprises ont expliqué reporter les plans de recrutement ou y mettre un terme.

Les entreprises ont aussi indiqué qu’elles avaient amélioré leurs capacités technologiques pour permettre le télétravail, et qu’elles avaient pénétré de nouveaux marchés ou changé la constitution de leurs clientèles respectives. Environ 18,3 % des personnes interrogées ont déclaré avoir ajouté la livraison à leurs services et 14 % ont ajouté la vente en ligne.

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