Israël en guerre - Jour 502

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Comment gérer l’anxiété aiguë en cas d’attaque à la roquette ?

Alors que les demandes de soutien psychique explosent, les psychiatres indiquent qu'il est normal de ressentir beaucoup de stress quand le pays est agressé sur de multiples fronts

Des gens se mettent à couvert lors d'une sirène d'avertissement à la roquette à Sderot, dans le sud d'Israël, le 12 novembre 2019. (Crédit : AP Photo / Tsafrir Abayov)
Des gens se mettent à couvert lors d'une sirène d'avertissement à la roquette à Sderot, dans le sud d'Israël, le 12 novembre 2019. (Crédit : AP Photo / Tsafrir Abayov)

Enseignante, Lisa Biton a été formée à la manière de répondre au déclenchement des sirènes d’alerte à la roquette. Heureusement, cette résidente a su comment réagir lorsque l’alerte rouge a résonné alors qu’elle prenait part à une belle journée en famille organisée à l’occasion de Pessah à Sdérot, près de la frontière avec Gaza. Il n’y avait que 15 secondes pour rejoindre l’abri antiaérien mais, raconte-t-elle, ses beaux-parents sont restés immobiles, comme figés. Elle les a pris par l’épaule, réclamant leur attention avec une gentillesse mêlée de fermeté, et elle les a rapidement emmenés en lieu sûr.

« Je suis parvenue à les faire rester à mes côtés. Je les ai rassurés, je leur ai dit qu’ils étaient là, avec moi, et que tout allait bien se passer », dit l’enseignante.

La réaction de ses beaux-parents est une manifestation commune de stress et d’anxiété aigus (harada en hébreu) – une réaction susceptible de toucher de nombreux Israéliens au vu des événements récents qui se sont déroulés en Israël, avec notamment des attaques à la roquette en provenance du Liban, de la Syrie et de Gaza et une recrudescence des attentats terroristes des deux côtés de la Ligne verte.

Les fractures sociétales entraînées par le projet de réforme du système judiciaire du gouvernement israélien ont également pesé sur les capacités de résistance psychique des citoyens.

Selon les professionnels de la psychiatrie, les symptômes physiques, comportementaux, émotionnels et cognitifs que connaissent actuellement de nombreux Israéliens sont normaux. L’essentiel est de déterminer ce qu’il faut faire lorsque des événements provoquant des crises d’anxiété surviennent et reconnaître quand les symptômes ne disparaissent pas rapidement, ou qui durent au-delà d’un délai raisonnable. Les traumatismes peuvent s’ancrer et empirer, entraînant des troubles du stress post-traumatique (TSPT) même un mois après l’événement déclencheur.

Selon Talia Levanon, directrice exécutive de l’Israel Trauma Coalition Talia Levanon, le malaise disparaîtra rapidement chez 80 % des personnes ayant souffert d’anxiété lors d’un événement, ces personnes pouvant reprendre leur quotidien habituel. En revanche, pour 20 % d’entre elles, les symptômes dureront plus que quelques minutes ou que quelques heures, nécessitant l’intervention d’un professionnel.

La directrice-exécutive de l’Israel Trauma Coalition Talia Levanon. (Crédit : Yoel Ben Ari)

« L’une des manières de comprendre si vous souffrez de quelque chose qui ne se manifestera qu’à court-terme, c’est de voir si les choses deviennent plus faciles au fil des jours. Pour ceux qui n’ont pas ce mécanisme d’adaptation naturel, ils souffriront alors de symptômes traumatiques qui ne s’apaiseront pas avec le temps s’ils ne reçoivent pas une aide immédiate », explique-t-elle.

Toutefois, le sentiment initial de stress aigu, dans la période actuelle en Israël, peut être considéré comme naturel : il faut accorder une légitimité à ce sentiment et il faut que les gens puissent exprimer leurs émotions sans jugement.

« L’anxiété aiguë qui est ressentie par nos concitoyens est le résultat d’une menace planant sur notre bien-être physique et mental – une menace dont nous avons parfaitement conscience. Et c’est une réaction normale à une situation anormale », commente Shiri Daniels, médecin et directrice-exécutive au sein de l’ERAN, le premier service d’aide émotionnelle dans le pays.

Daniels note qu’il est important que les Israéliens soient bien conscients de la manière dont ils vont réagir en entendant une sirène, une explosion, voire même en se surexposant aux journaux d’information stressants diffusés par les stations de radio et par les chaînes de télévision.

Parmi les symptômes expérimentés, il peut y avoir des nausées, des vomissements, des difficultés à respirer, des migraines ou de la fatigue. Au niveau cognitif, Daniels évoque des troubles de l’attention et de la concentration ainsi que de la difficulté dans la prise de décision. Elle cite également des problèmes de mémoire et une tendance à dramatiser. Elle ajoute que les symptômes émotionnels peuvent comprendre un sentiment de culpabilité, de perte de contrôle, une peur de l’incertitude, voire une dépression. Des troubles du sommeil ou de l’alimentation peuvent aussi faire leur apparition.

Daniels et Levanon donnent, toutes les deux, des conseils similaires pour réagir rapidement pour venir en aide à des personnes qui se tétanisent ou qui ont une crise de panique lorsqu’une sirène d’alerte à la roquette est activée. L’essentiel est de savoir s’affirmer auprès d’eux en conservant son calme.

Théâtre d’une fusillade mortelle en Cisjordanie, près de l’implantation de Hamra, le 7 avril 2023. (Autorisation ; Utilisé conformément à l’article 27a de la Loi sur les droits d’auteur)

« On peut s’adresser à cette personne, on peut lui dire son nom et lui dire également qu’on est là pour l’aider, et qu’on a aussi besoin de son aide. Lui demander son nom. Bien sûr, il y a un danger bien réel et on n’a pas toujours le temps d’avoir un échange véritable avant de se réfugier dans un abri antiaérien », explique Levanon.

« En général, ce qu’il faut faire, c’est leur faire prendre conscience de leur environnement, leur dire qu’ils ne sont pas seuls et faire en sorte qu’ils suivent les ordres », ajoute-t-elle.

Selon Daniels, une fois en sécurité dans l’abri antiaérien, il est important de faire en sorte de donner un sens au déroulement des événements, l’événement traumatique étant susceptible de perturber la réalité et le sens de la continuité dans l’esprit humain.

« Il faut dire quelque chose comme : ‘Il y a eu une sirène, nous sommes allés à l’abri antiaérien le plus proche et maintenant, nous sommes en sécurité’, » conseille Daniels.

Autre astuce utile : Stimuler la personne en lui assignant une tâche – qui peut consister à compter les autres personnes qui entrent dans l’abri ou à les accueillir derrière la porte.

« Les recherches montrent que c’est très apaisant parce que nous avons tous besoin d’un rôle », précise Daniels.

La docteure Shiri Daniels, directrice-exécutive de l’ERAN. (Autorisation)

Elana Horwitz, qui habite Raanana, dit avoir pu réagir lorsqu’une sirène s’est déclenchée parce qu’elle s’est donné une mission à remplir.

« Je pense que j’étais tellement traumatisée que j’ai eu l’impression de vivre une expérience de sortie du corps. Mais je savais quelque part que le seul moyen de rester calme, pour moi, c’était de m’approcher des autres personnes qui étaient là et de les encourager d’aller se mettre à l’abri dans la pièce blindée », raconte-t-elle.

Levanon souligne qu’en majorité, les personnes en proie à une anxiété extrême pendant ces événements traumatisants ne nécessitent pas l’intervention d’un psychiatre. Donner un verre d’eau ou les aider à calmer leur respiration est généralement suffisant.

Daniels explique que lorsque les Israéliens entendent des informations portant sur des personnes prises en charge à l’hôpital après un attentat terroriste ou après un bombardement parce qu’elles ont fait une crise d’anxiété extrême, ce sont habituellement des cas d’attaque de panique qui nécessitent d’être examinés de plus près.

« Si une personne a une crise de panique, ça peut ressembler à une attaque cardiaque. Alors il est toujours préférable de chercher de l’aide pour s’assurer qu’il n’y a rien de physique », continue-t-elle.

Les enfants présentent une sensibilité particulière aux événements stressants. Les parents, les grands-parents ou les membres de l’entourage familial et éducatif doivent leur servir de modèle et faire tout ce qui est en leur pouvoir pour maîtriser leurs propres sentiments face aux plus jeunes.

Dans certains secteurs du pays, les enfants apprennent comment leur corps et leur esprit réagissent lorsqu’ils entendent les sirènes.

« Dans notre travail, nous formons des gens dès un très jeune âge et en particulier dans les communautés proches de la bande de Gaza. Nous leur apprenons à comprendre leur réponse corporelle, leur réponse émotionnelle. Ce qui entre dans le cadre de ce que nous appelons ‘la création de la résilience’, » dit Levanon.

Aider les enfants à développer ces capacités d’adaptation n’est pas seulement pertinent aux frontières du pays. Eli, de Raanana, déclare au Times of Israel que sa fille, une adolescente de quatorze ans, a été traumatisée par le bruit des sirènes, il y a deux ans.

« Elle a eu sa première crise de panique au mois d’août dernier, quand les roquettes s’abattaient sur Tel Aviv. Elle présente dorénavant un niveau d’anxiété très élevé qui peut être activé uniquement parce qu’elle a entendu des informations consacrées à des tirs de roquette », déclare Eli.

La vague actuelle de terrorisme a rendu les choses difficiles pour sa fille. Elle utilise des techniques variées pour tenter de rester calme : boire de l’eau ; respirer ; s’ancrer dans son corps, ses pieds nus sur le sol ; écouter une musique aimée en boucle, se visualiser dans un lieu synonyme de plaisir – la plage.

« Elle réalise que sa crainte n’est pas rationnelle dans la mesure où les chances qu’elle ou sa famille se trouvent frappées restent minimalistes. C’est l’idée que quelqu’un qu’elle ne connaît pas s’efforce de lui faire du mal, ou de faire du mal à sa famille, qu’elle ne parvient pas à supporter », note Eli.

Photo d’illustration : Une femme réconforte un enfant après le déclenchement des sirènes sur une route située entre Ashkelon et Sderot, dans le sud d’Israël, le 19 mai 2021. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Daniels fait remarquer que les appels téléphoniques aux centres de premiers secours d’ERAN ont augmenté de 30 % depuis le début de la fête de Pessah – une période qui a été très éprouvante pour le pays. Une hausse significative des appels avait été déjà enregistrée précédemment dans la foulée des troubles politiques.

« Nous avons 1 600 bénévoles et 13 centres en Israël, cinq aux États-Unis et un en Australie – tous au service des Israéliens. Nous avons habituellement 16 volontaires qui travaillent par équipe en temps de crise mais au cours des derniers jours, nous avons dû faire passer ce nombre à 40 », déclare-t-elle.

Pour Levanon, il est clair que la situation politique a été épuisante pour les Israéliens et qu’elle n’a pas aidé. Mais elle découvre aujourd’hui – comme elle le redécouvre à chaque fois – que lorsque la situation sécuritaire est difficile, les Israéliens se montrent résilients et solidaires les uns des autres.

« Je pense que l’une des raisons expliquant ce phénomène, c’est que les Israéliens comprennent qu’ils sont vulnérables. Si vous croyez être Superman et qu’il se passe quelque chose, vous réagirez probablement bien plus mal que si vous savez que parfois, il y a des choses dangereuses qui surviennent, mais que vous n’êtes pas seul et que vous saurez vous y adapter. C’est le secret, s’exclame-t-elle.

Vous pourrez trouver de l’aide auprès de l’ERAN, du NATAL, du Bituach Leumi, et des centres d’aide locaux, entre autres.

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